Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
31 mars 2020

IL Y A EU DEUX LETTRES. OUVRONS-LES ...

Des lettres pour rien (?) adressées à un petit groupe d'intellectuels connus dont certains responsables, tous potentiellement influenceurs . Wait and see, même si c'est probablement tout vu.

7 JANVIER 2020  et 25 MARS 2020.

Une première lettre en forme de vœux, une seconde en forme de coronavirus

Copie exhaustive, à quelques formules personnelles près   ***

 

                Eternuement 1

LE 07/01/2020

Quels autres vœux former que des vœux pour l'Ecole?

La phrase tant citée et finalement assez sibylline du Guépard : Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change, me semble avoir été encore une fois à l'ordre du jour éducatif de 2019. Des changements annoncés, affirmés, médiatisés, précédés de rapports plus ou moins exploités et puis, sur le terrain, des enfants indociles, des résultats en recul, des enseignants dépassés … et même trop de fautes d'orthographe impardonnables dans les bulletins scolaires et les consignes écrites.

Statistiquement assuré? Non, bien sûr, un regard via de simples coups de main à une huitaine de gamins de la parentèle ou des amis proches, de la cinquième aux classes préparatoires, dans trois établissements de grandes villes de province et un lycée parisien. Aucune valeur statistique. Mais malgré tout, un goût amer.

Et puis aussi, dans le domaine des rodomontades, ou des fariboles, pour éviter de dire des foutaises, les éclairages et conseils prodigués sous la houlette de Stanislas Dehaene par le C.S.E.N.  (Conseil Supérieur de l'Education Nationale) dans La Science au service de l'Ecole (Odile Jacob). Lecture au fond navrante . Tout ça pour ça ?

De la Palme d'Or 2008 , à Cannes, d'Entre les murs (Laurent Cantet) à La vie scolaire (août 2019) de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, les témoignages cinématographiques soulignent médiatiquement et assez éloquemment qu'au collège, sans doute le véritable maillon faible du système, rien ne s'est arrangé.  Ah … des films? Eh oui, des films, mais où je reconnais, clonée, mon expérience volontaire et harassante des remplacements assurés dans les dernières années de ma carrière, au début des années 2000. Horresco referens. J'y ai beaucoup souffert, mais encore plus appris. Et je suis de près, depuis, la dégringolade.

Et  j'y ai appris, d'abord, que face à ces effondrements que dénonce Alain Finkielkraut, on n'attaque pas le problème au bon niveau. D'ailleurs, de ce problème, les politiques connaissent-ils la réalité, au-delà de quelques affirmations définitives et itérativement inefficaces  et des larmes versées à chaque résultat PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves)?

Le terrain prime. La redéfinition du concept d'EPLE (Etablissement Public Local d'Enseignement) dans sa vocation, ses structures, son autonomie, sa gouvernance pourrait être une piste à ouvrir. En aval d'un préalable essentiel qui consiste en l'énoncé d'un dessein clair, d'une philosophie explicitement affirmée des objectifs du système éducatif qu'une formule paradoxale simple devrait résumer : "L'élitisme de masse". Sous l'oxymore, la volonté active de permettre à tous, donc à chacun, de se porter au maximum de ses possibilités en exploitant deux voies parallèles. D'une part, la polyvalence hétérogène de groupes-classes du même âge mettant en commun leurs compétences éclatées au service de l'apprentissage d'un même vivre ensemble – un mi-temps éducatif pourrait y être consacré. D'autre part, autre mi-temps, l'effort individuel continu vers l'excellence dans des domaines choisis au sein de petits groupes aux compétences  homogènes formés sans critère d'âge. Une progression par unités de valeur cumulables construirait le profil d'excellence auquel adosser les prolongements d'étude ou l'entrée dans la vie active. Ces énoncés liminaires (et développables – et  ailleurs développés, sans succès ...) laissent assez, je pense, à deviner une refonte complète des structures et du fonctionnement de la formation initiale.

Je ne pense pas que la réflexion officielle et plus encore ce qu'il en est fait aille suffisamment dans ce sens. Je ne pense pas non plus être vraiment compris en quelques lignes. C'est pourtant autour de ces axes succinctement évoqués que je souhaiterais voir éclore en 2020 des esquisses de propositions.

(…)

Il manque aussi bien un dessein qu'un dessin d'ensemble à l'effort éducatif à réinstaller. Mon parcours a croisé les opportunités ratées de 1968 (Mai) et de 1981 (Mitterrand) et j'attends toujours la suivante avec la foi aveugle du charbonnier. Et j'enrage qu'après l'affirmation de la primauté du souci éducatif, la pensée politique se contente de manœuvres au fond dilatoires avant de s'enliser dans d'autres dossiers.

J'ai trouvé également, et qui a joué son rôle dans la décision de rédiger ce mot, particulièrement flous, voire lénifiants, les propos (les vœux) de JM Blanquer que l'on peut facilement retrouver ici (https://twitter.com/jmblanquer?lang=fr) , vœux pieux sans grand contenu, esquisse de bonnes intentions sans projet précis, rien qui relève d'enseignants à mettre en ordre de bataille autour d'un projet de société dont ils doivent et peuvent être de nouveau les hussards. L'avenir est en danger, ils peuvent en infléchir le cours, dans l'enthousiasme de moyens attribués à la hauteur de leur mission et dans l'autonomie conférée à hauteur de leur investissement et de leur compétence collective, sans cesse à approfondir. C'est eux seuls qui peuvent reconstruire l'école et en vaincre les inerties si on sait les mettre en marche. Je ne vois pas en JM Blanquer l'orgnisateur de cette victoire.

(…)

À réfléchir un peu à des analogies, la situation du système scolaire aujourd'hui n'est pas sans rapport avec celle du calendrier romain avant la réforme de César. Le système hérité de Numa Pompilius ne cessait de dériver et malgré l'introduction de mois intercalaires à la discrétion d'autorités religieuses dont les décisions dépendaient d'intérêts  qui ne recoupaient pas nécessairement l'intérêt général, le calendrier n'avait plus grand rapport avec le cycle des saisons. L'histoire est bien connue, et après consultation de l'astronome Sosigène d'Alexandrie, César, dans son autorité de Pontifex Maximus, a organisé de fait une "année de la confusion" de 445 jours, permettant de caler au 1er janvier 709 de la fondation de Rome le début d'un système qui devait durer  seize siècles, jusqu'aux retouches, en comparaison minimes, du calendrier grégorien en 1582. En outre, il a fait démarrer à la même date du 1er janvier l'année consulaire  qui débutait jusqu'alors le 15 mars.

Eh bien, nous en sommes peut-être là.

Notre système scolaire dérive et les ministres successifs lui appliquent des réformes qui relèvent de l'emplâtre sur jambe de bois en guise de jours intercalaires. Il nous faut tout reprendre. Et ne pas hésiter à en passer à notre tour par  une année de la confusion, dont Rome n'est pas morte.

Un report au 1er janvier 2021 du début de l'année scolaire à suivre celle en cours me paraîtrait un projet mobilisateur. On y gagnerait, au sortir des usages maintenus de l'été 2020, quatre mois pleins pendant lesquels les établisements et leurs personnels, mobilisés, assureraient, en large autonomie locale, l'encadrement actif mais pédagogiquement allégé de la population scolaire, et poursuivraient, sur la base d'un pré-projet  permettant d'organiser les discussions, l'élaboration collective d'une nouvelle "Constitution Educative" redéfinissant la vocation et régissant le nouveau fonctionnement de l'Ecole.

Par ailleurs, l'alignement de l'année scolaire sur l'année civile et les souplesses d'un système dichotomique tel que je le préconise (1/2 "vivre ensemble" hétérogène ; 1/2 "poursuite de l'excellence" homogène par unités de valeur capitalisables, ce qui implique la disparition des examens nationaux) permettraient l'euthanasie d'un "calendrier des vacances scolaires" contraignant et la possibilité pour chaque famille de définir à la carte les congés de ses enfants - qui pourraient d'ailleurs être avantageusement réduits  (à une douzaine de semaines ?).

(…)

 

                    Eternuement 2

LE 25 MARS 2020 :

Revenons sur le mail du 7 janvier dernier….

Je ne prévoyais pas que l'émergence amorcée, mais dont on ne savait pas l'ampleur, de la pandémie en cours pourrait à ce point construire le moment opportun, le kairos (καιρός) que j'appelais de mes voeux.

L'ébranlement que constitue et va constituer la mise entre parenthèses du pays dans laquelle nous sommes engagés, est une occasion unique de redémarrage sur des bases entièrement renouvelées de notre système éducatif. JM Blanquer parle d'un retour dans les classes au 4 mai. Peut-être est-il optimiste. Mais la question est surtout : Quel retour? Le Président de la République aime beaucoup le mot disruption. C'est l'occasion de lui donner un sens, de découvrir à l'école un autre avenir. Peut-on citer Koestler?
"L'acte de la découverte a un aspect disruptif et un aspect constructif. Il faut qu'il brise les structures de l'organisation mentale afin d'agencer une synthèse nouvelle." ( Le cri d'Archimède )

Il faut profiter des circonstances pour asséner deux mesures.

Mesure n° 1 : report de la reprise des cursus scolaires sur des bases redéfinies au lundi 4 janvier 2021

Mesure n° 2 : Tous examens 2020 supprimés.Validation des cursus scolaires en cours et prolongés à la main des équipes d'établissement à l'horizon de Noël 2020

Le choc ainsi créé ouvre la porte, dans le cadre de la sidération éducative obtenue, à la mise en route - suivons le provisoire calendrier optimiste "JM Blanquer" - à partir de début Mai, des procédures permettant de rendre ces décisions opérationnelles et efficientes. La période de confinement doit garantir la mobilisation coordonnée (disons la e-mobilisation)  en vue des redémarrages de Mai de tous les acteurs du système : Enseignants, Chefs d'établissement, Corps d'Inspection, DSDE, Recteurs, CDDP/CRDP/CNDP, IH2EF, etc. autour de ces deux axes.

La mesure n°1 suppose l'élaboration d'un projet éducatif d'ensemble réécrit, précisément articulé sur le réseau des établissements scolaires rendus à une large autonomie dans un cadre national souple et ferme à la fois. Tout est à inventer même si les propositions esquissées dans mon courrier du 7 janvier me semblent dessiner des pistes utilisables et que j'ai plusieurs fois développées par ailleurs et portées à votre connaissance.

La mesure n° 2 n'est que la mise devant leurs responsabilités des équipes enseignantes chargées de former, d'instruire, d'accompagner et de juger. Chargées ainsi de sortir de l'application de schémas usés mais confortables, pour faire en quelques mois le réel bilan de l'état des acquis de leurs élèves, des rattrapages / consolidations possibles, et d'arrêter, à partir d'une grille nationale raisonnable à leur fournir, les validations locales, courageuses, acceptables et les invalidations nécessaires qui réinjecteront les "invalidés" dans le nouveau système.

J'étais encore assez gamin, en 1956, quand Marcel Amont enregistrait son tube Escamillo, l'histoire, qui me faisait rire, de ce regrettable toréador qui "sans se perdre dans les détails s'mettait au travail" . Eh c'est bien de cela qu'il s'agit. Ne pas refuser de s'engager tant qu'il manquera un bouton de guêtre. C'est, beaucoup plus qu'autre chose, une question de motivation des troupes (puisque paraît-il, nous sommes "en guerre" ).

Si on ne donne pas, aujourd'hui, un gigantesque coup de rein, le système bousculé va retomber dans ses ornières dès la reprise, cahoter vers une session de juillet ou de septembre du baccalauréat boîteuse, se réassoupir sur une génération de diplômes bradés, se pérenniser dans ses déficiences.

Vous êtes de ceux qui peuvent prendre conscience de cela  et votre parole peut être audible au plus haut niveau, qui est en France le seul qui compte. Le système éducatif ne se réformera que si la Présidence de la République l'impulse, pas seulement le ministre - et je n'investirai pas grand-chose sur l'inventivité de JM Blanquer. Ceux qui peuvent peser doivent peser. Dans mon sens ou un autre, mais peser pour que le kairos qui s'offre ne soit pas encore une fois perdu. Rien n'est impossible, les décisions plus ou moins brouillonnes que déclenche la pandémie en sont bien la preuve. Il suffit d'affirmer le pays blessé . La véritable thérapie, ce sera la reformulation de son avenir à travers un nouveau système éducatif à la hauteur des énormes enjeux inégalitaires que le coronavirus va rendre encore plus évidents.

Et ne ditent pas Clamant in deserto. Je reste persuadé que beaucoup peut dépendre de peu. Mais il faut y croire et y aller. Parlons brutal, grossier et jeune : "Il faut se sortir les doigts du cul!" Il faut faire éclater le cadre. L'occasion est unique. Les conditions sont réunies.

 

              Eternuement 3

 

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité