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AutreMonde
15 juin 2015

LECTEUR(S) DU MONDE

 ***   51 = 50 + 1 ?

Impressions mélangées à la lecture de "Qui est vraiment Charlie?" – (Le Monde – François Bourin, éditeur). Cinquante et un lecteurs - contributeurs. D'abord, on se cherche. Ah? Ok, je suis là. Ensuite on se relit : Oui, bon, bof… J'aurais pu mieux faire, développer un peu plus… Enfin on lit les autres. Et on essaie de réfléchir.

Une demi-douzaine de billets qui tranchent un peu, quand même. Sinon, le sentiment d'une certaine redondance, la culture incertaine d'un Après qui est sans doute condamné à ne pas émerger, qui l'était probablement dès le départ, les défilés comme exutoire plus que comme commencement. Et puis on pointe quelques convergences, peut-être repérées parce qu'elles rejoignent un ressenti personnel: les limites de la liberté d'expression (la notion de respect, "en général" et  "de l'autre"), le problème posé par la minute de silence, et bien entendu l'éducation, l'intégration, l'assimilation … , l'école.

Existe à l'évidence le sentiment qu'Ils sont allés trop loin, indépendamment des conséquences de ce "trop". Les tabous, les symboles … les attaquer reste sujet de controverse. Jusqu'où, précisément, aller? Marie d'Avaugour, duchesse de Montbazon, fut au XVII° siècle connue pour sa beauté, son goût du plaisir, et sa liaison avec l'Abbé Armand de Rancé. Ce dernier, mondain jusqu'à la mort en 1657 de sa maîtresse, se consacrera après trois années de deuil à la vie monastique et à la réforme de la Trappe. Or on a dit qu'avait pesé sur cette reconversion, outre la peine, le choc émotionnel que fut – anecdote probablement fausse, mais représentative de ce qui me préoccupe ici – la découverte par l'abbé, accouru à l'annonce inattendue de sa mort, d'une Mme de Montbazon dont la tête avait été séparée du corps, dans l'attente de son entrée – c'était une fort grande femme - dans un cercueil qui refusait de l'accueillir entière. Légende sans doute.

Ou bien, version homérique, cette monstruosité que fut, observé du haut des remparts de Troie, le spectacle du corps sans vie d'Hector traîné sanglant dans la poussière à l'arrière du char d'Achille. Insulte absolue au héros vaincu.

A y réfléchir, qu'importent pourtant les avanies subies par un corps que l'esprit a quitté? Et qu'en est-il de la pratique aujourd'hui bien acceptée et fort répandue d'une incinération largement aussi agressive pour la dépouille qu'une décollation post mortem, que le frottement abrasif d'un morceau de chair morte sur du sable?

La porte du four se referme,  on ne voit rien  …

Mais quand il y a le choc du visuel ...

Quand un symbole est violemment agressé, quand une image chérie est dégradée, quand l'humiliation est perçue comme intentionnelle … on ne sait pas toujours raison garder.

Fort de ce constat, faut-il chercher, dans la dénonciation d'une attitude qui relève de la divergence de vues, un au-delà de la bienséance qui déborde les capacités d'ouverture de l'interlocuteur? L'intelligence parle à l'intelligence. Elle a beaucoup plus de mal avec l'affectif, l'irrationnel, les croyances, la foi . Dans le doute, mieux vaut peut-être aller vers d'autres méthodes de confrontation. Eduquer. Long cheminement.

Le Monde a publié (il y a deux ans? Je n'ai pas la référence) le dessin suivant. Il m'avait beaucoup fait rire. D'autres ont tordu le nez. Mais personne que je sache n'a pris les armes. Un bon exemple, me semble-t-il.   

                         

                                          Jesus Sportif Jusqu'au Bout

 

Autre sujet.

La minute de silence imposée est un exercice pédagogique extrêmement délicat. Dans les classes de collège, sa sanction est souvent le fou rire collectif devant le sérieux obligé des petits camarades. Il y faut, pour la réussir, une implication des gamins rarement obtenue. Je me souviens de la petite classe de sixième à laquelle – attentats de Madrid (mars 2004) obligent – je m'étais efforcé, fonctionnaire docile, de l'imposer à la sonnerie prévue. J'avais passé ladite minute à endiguer le charivari. Et pourtant, globalement, il n'y avait pas d'hostilité de principe. Alors ici … Ces marques officielles de respect manquent leur but. Le tragique de la situation portait en lui, sans doute, l'exigence d'un tour d'horizon en classe, mais pas d'un garde-à-vous. Certains lecteurs l'ont suggéré, on ne saurait imposer "d'être Charlie", slogan en soi dépourvu de véritable signification et qui appelle immédiatement même, par contestation de l'autorité abusive et en accord avec la philosophie des victimes,  à "ne pas l'être". Par ailleurs il était effectivement nécessaire de "réfléchir à Charlie", ce que d'ailleurs bon nombre de pédagogues ont dû tenter …

Car, constatation qui me touche et en même temps me désespère, tant elle ne produit rien, on en revient toujours à l'école. Plusieurs billets l'évoquent, insistent. Mais c'est un si lourd dossier, l'école. Et traînant après lui tant d'incompréhensions, enrichi de tant de vaines circulaires et appauvri de tant de sens par tant de ministres inutilement consécutifs . Reconstruire une scolarité obligatoire à la hauteur de cette défaite de la pensée qu'ont été les événements de janvier devrait être le véritable "Après Charlie" auquel le pays est renvoyé. Simplement, derrière les appels - ici sans doute, mais plus encore ailleurs - à l'autorité retrouvée du maître, il y a une profonde méconnaissance nostalgique des perspectives le long desquelles redessiner un schéma éducatif apte à répondre à la question soulevée. Les forces conservatrices qui ont terrassé à l'époque ce que l'esprit de Mai 1968 pouvait avoir d'éducativement prometteur ont retourné comme un gant des espoirs de refonte complète du système que le pseudo sursaut de Mai 1981 a achevé d'enterrer. La présence aux commandes d'anciens vainqueurs du rallye-raid scolaire interdit l'émergence de l'école pour tous qui doit être le terreau du rééquilibrage social et axiologique (c'est-à-dire tout simplement: du système des valeurs sur lesquelles nous vivons (si mal)) sur lequel bâtir un avenir meilleur.

Tant à faire …

Des schémas opérationnels ne sont pas hors de portée.

Mais il faut travailler, réfléchir, décider, et tout cela … fatigue.

Alors - Oserai-je aller jusque-là? - il est plus facile, pour les uns, de faire le gros dos (faire le mort serait ici singulièrement mal venu!) , pour les autres … de défiler.

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