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AutreMonde
5 octobre 2014

BARICCO, BEGAUDEAU, FINKIELKRAUT …. O, EAU, AUT !!

 

 

Baricco

Offert pour l'achat de deux Folios, on a mis dans mon cabas un monologue d'Alessandro Baricco: Novecento, pianiste. Quatre-vingts petites pages qui m'ont touché. Courte fable qui narre la vie d'un homme né sur un bateau, resté sur ce bateau et qui n'en descendra jamais, coulant avec lui quand celui-ci, réformé, sera coulé en haute mer. Joli, très joli.

Je m'étais promis, avec des réticences en raison de l'éreintement de la critique, du moins celle que j'avais eue sous les yeux, de lire un jour la version allégée qu'Alessandro Baricco a donnée de la colère d'Achille, son Homère Iliade. Et puis j'avais différé. Je vais reprendre l'idée. 

 

BégaudeauFrançois Bégaudeau, dans une collection (Raconter la vie) à la présentation austèrement dissuasive, au Seuil, vient de publier Le moindre mal. Je ne pense presque que du bien de Bégaudeau depuis que j'ai lu son Entre les murs. Forme courte encore ici, comme chez Baricco, soixante quatorze pages, mais elles sont un poil plus grandes, équivalence. C'est enlevé et tonique, avec un côté militant, sur le thème de la misère hospitalière. On suit le parcours de vie d'une infirmière, une vie essentiellement professionnelle, prétexte à une plongée dans le quotidien de l'hôpital et de l'hôpital de province, quand on est une petite main. Ça se lit d'un seul trait et c'est, davantage qu'un roman, un documentaire très construit et journalistiquement achevé dont on sort … instruit.

L'occasion au passage de chaleureusement recommander le film Hippocrate.  Extrêmement attachant. Un regard sur l'intérieur des unités de soins qui complète tout à fait celui de l'infirmière de Bégaudeau, avec davantage de recul et une description cette fois à hauteur de médecin.

 

Lettres-et-manuscrits-le-temps-d-ecrire-et-de-lire_article_main

Les troisièmes journées européennes des lettres et manuscrits (ça existe!) ont lieu ce week-end et débutaient avant-hier vendredi. Hôtel Salomon de Rothschild, rue Berryer, dans le VI° arrondissement de Paris. L'entrée est libre et gratuite et, en parcourant le programme, encarté dans Télérama (pas sûr) et Le Point, ailleurs aussi peut-être, une "conversation", Regard sur notre temps, avec Alain Finkielkraut m'a retenu. C'était donc avant-hier à 16h30. Le prestataire de service précédent, sur le plateau, était V.G.E. (Valery Giscard d'Estaing), interrogé  par F.O.G. (Franz-Olivier Giesbert). On ne parle plus que par sigles … Arrivé en avance pour Finkielkraut, j'étais en retard pour Giscard, mais j'ai quand même assisté à ses trente dernières minutes. Au premier rang, sur des sièges réservés à des V.I.P. (Very Important Person) qui n'étaient pas venus et que ma femme et moi avons au culot investis. Disert, Giscard, plutôt amusant mais trop mâchouillant ses mots pour être parfaitement audible, face à un Giesbert un peu m'as-tu-vu et à peine courtois à une ou deux reprises, qui a tenu à remercier VGE d'un appuyé Merci pour ce moment au goût problématique. On discutait de l'Europe. Giscard vient de sortir un bouquin sur le sujet.

 

Finkielkraut

Et puis Finkielkraut vint. Le faire-valoir était Etienne de Montéty, directeur du Figaro littéraire. Lecture-littérature versus internet, voilà ce que fut l'épine dorsale du débat. Alain Finkielkraut a tenu liminairement à réagir contre les accusations de droitisation extrême qui, de son livre L'identité malheureuse à son élection polémique à l'Académie française, ont été médiatisées. Il a souligné que c'est plutôt du côté de Jean Daniel (Comment peut-on être français?) et de Mona Ozouf  affirmant La France est une patrie féminine et littéraire, qu'il sentait des résonances. Il a cité Ernst Robert Curtius (1886-1956), philologue allemand, spécialiste des littératures romanes, et son Essai sur la France, Curtius qui disait la littérature au cœur de la France.

A.F. craint que nous n'en soyons plus là, le temps du post-littéraire, du post-culturel, du post-national lui semblant venu. Il se livre à un éloge de la lecture et du livre-papier, de la lecture qui réclame le silence et la solitude, rejoignant là l'énoncé de Georges Steiner, de la lecture qui sépare quand internet n'est que connexion et quand on veut, hélas dit-il, numériser l'école.

Le passé a quelque chose à nous dire, et il nous le dit à travers la lecture, mais aujourd'hui, qui veut l'écouter? A.F. déplore les effondrements de la langue qui devrait être et n'est plus façonnée par la littérature, les cuirs des journalistes et des hommes politiques, François Hollande qui ne lit aucun roman et fait autant de fautes de français que Nicolas Sarkozy dont on moquait les barbarismes et solécismes.

Amusante information dans le New York Times et qui a retenu l'attention d'Alain Finkielkraut, au détour d'une ancienne interview de Steve Jobs, alors patron d'Apple: pas de high-tech à la maison, avec la volonté de laisser sa progéniture à l'écart et à l'abri de ces perversités informatisées qui ont bâti sa fortune. Et chez les cadres des grandes entreprises américaines de pointe, affirme-t-il, le souci d'inscrire les enfants dans des écoles déconnectées, tableau noir et papier-crayon. Comme ces parrains de la drogue, ajoute A.F. audacieusement (!),  qui tiennent soigneusement leurs enfants en dehors des circuits d'une consommation sur laquelle ils prospèrent.

On évoque Régis Debray et sa certitude que de la graphosphère à la numérosphère le trajet est à sens unique, l'éducation à et par l'écrit pouvant ouvrir sur un usage raisonné et maîtrisé de la communication informatisée quand l'immersion exclusive et prématurée dans celle-ci condamne tout possible accès ultérieur à la littérature.

L'article du Point où, interrogé sur Baudelaire, Antoine Compagnon a affirmé qu'aujourd'hui, ce dernier ferait des selfies l'a peiné, comme semble l'agacer le goût prononcé de Michel Serres pour les innovations technologiques . Disparu le temps où les politiques, Giscard comme Mitterrand, venaient se faire adouber par Bernard Pivot, heureux de traiter de Flaubert, Chardonne et alii dans les étranges lucarnes. Le livre n'est plus sacré.

Et de cette désacralisation, on tombe , reprenant le flambeau de l'ultime remerciement de FOG à VGE, dans l'ornière Valérie Trierweiler. Une saloperie, lâche A.F. après qu'un intervenant dans la salle a tenté un improbable rapprochement avec Mme Bovary. Excès d'indignation, me semble-t-il  pour ce qui mériterait un mépris plus tranquille et plus distancié, simple petitesse courante, et lucrative, dans le monde comme il va. Désolant, mais voilà …

Le Royaume d'Emmanuel Carrère lui semble sauver parmi quelques autres la rentrée littéraire. Il a aimé. J'avais l'intention d'aller voir, j'irai.

Un couplet final, dont le temps n'est pas laissé qui aurait permis d'en préciser mieux les facettes, sur la passion de l'égalité qui conduit à la graphomanie. Pour Alain Finkielkraut, la culture, qui nous met au contact des grands auteurs et des grandes œuvres, est une permanente leçon d'humilité (qu'écrire et comment après Proust ?) qu'ignore et il s'en attriste la passion égalitaire dominante, où chacun vaut tout le monde et le revendique .

Ainsi va la vie parisienne … assez loin, finalement, de la résolution des problèmes. On cause … et on lit, en se désolant de voir toute une jeunesse qui nous échappe et ne lit pas, et n'aura pas nos références, accrochée à ses écrans tandis que nous vaticinons sur les méfaits du net. Propos de vieux, peut-être. Notre culture et qui nous est si chère fout le camp.

Le bateau croyons nous, coule.

Qui sait?

Rien peut-être ne serait perdu si l'école … Ah, l'école!

Mais on n'a pas eu le temps d'en parler.

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Commentaires
D
Cet été j'ai eu le bonheur prodigieux de pouvoir plonger dans "Le Guépard" de Lampedusa, dans une traduction anglaise de référence.<br /> <br /> Et il y a quelque semaines, j'ai eu également le bonheur d'assister à "Winter Sleep", qui reprend le flambeau deux ou trois générations après Lampedusa, traitant du même thème... la mise à sac des vestiges de l'univers féodal, avec sa structure de "à chacun sa place dans le monde, sur une échelle qui monte en fin de parcours à Dieu le Père.<br /> <br /> Nous voici de nouveau en période de poussée fiévreuse égalitaire.<br /> <br /> Ceux qui sont sages savent que tous les avantages ont leurs inconvénients, et que, pour être réaliste dans un monde qui se gargarise de réalisme tout en se voilant la face (le réalisme de l'un est la naïveté de l'autre...) plus d'une bonne chose n'est pas meilleur, loin de là.<br /> <br /> On peut regretter que le français s'appauvrisse et perd du terrain devant la civilisation et la langue des cannettes de Coca, mais ceux d'entre nous qui continuent à prendre le temps de se réfugier dans la belle et bonne littérature sont... à l'abri, au moins le temps de lire.<br /> <br /> Pour Internet, ce n'est pas une culture orale, c'est une culture de l'écrit (et de l'image...), sans support MATERIEL. Très important, cela.<br /> <br /> La culture orale a néanmoins besoin de chair fraîche, et pas... d'images par écran interposé (ou devais-je dire... idoles ??).
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