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AutreMonde
20 mars 2007

Le Monde de l’Éducation - Mars 007

Je l’achète sans réelle régularité, sur la base d’une impulsion souvent liée à l’intérêt que je prête à un titre ou à un dossier, repéré au coup d’œil, sur la couverture du mensuel plus ou moins en évidence selon l’humeur et les pratiques fluctuantes du kiosquier, en prenant le quotidien.
Ce mois-ci, le dessin de Plantu a joué un rôle, avec un prof sur le divan des trois psychanalystes présidentiels, Ségolène, François et Nicolas, un prof - lui fait écrire Plantu au tableau - en pleine démoralitude. Marrant à ce propos de se demander à soi-même pourquoi “Ségolène” est une appellation naturelle, pourquoi “François” s’énonce en clin d’œil assez facilement et ... pourquoi “Nicolas” bloque. Au fond, c’est peut-être un critère comme un autre pour décider de son bulletin du 22 avril ....
Et puis j’avais envie de voir de plus près le sondage annoncé: “Pour qui votent les profs?”

J’ai quand même commencé par l’éditorial de Brigitte Perucca. Je ne suis pas toujours d’accord avec elle, je lui reproche souvent des prises de position qui manquent de muscle, mais là, elle a mis le doigt très exactement sur le problème dans son analyse de la cote de popularité enseignante de Bayrou: c’est celui qui donne le plus à espérer que rien ne bougera que vaguement, aux marges, dans le consensus mou des assentiments syndicaux, dans la victoire assurée de la procrastination, ce joli (?) mot pédant qui signe l’aptitude à remettre au lendemain ce qu’on pourrait faire le jour même ......

Et c’est bien le fond de mon pessimisme. Elle a raison de le formuler: la réforme est anxiogène, le changement fait peur, la remise à plat effraie et pour les profs aussi, pour les profs surtout, pour les profs avant tout, le “On sait ce qu’on y perd, pas ce qu’on y gagne” reste l’alpha et l’oméga de la réflexion pédagogique sur les lendemains qui pourraient chanter....

Rien probablement n’est plus difficile que l’innovation, et on perpétue plus facilement un procédé dont on sait qu’il est mauvais qu’on ne se résout à envisager l’effort de son remplacement par un autre, fût-on assuré qu’il est meilleur. Alors quand de plus on en doute ....

Ségolène, là, marche sur des œufs. Ses propositions pour l’école, dans son “pacte présidentiel” ne sont pas terribles et j’en ai plutôt dit du mal (cf.chronique), mais il me semble qu’à l’oral (chez Arlette Chabot, jeudi soir dernier) il y a eu quelque chose de positif dans sa façon ... de ne biaiser qu’à moitié. Reculant prudemment sur cette difficulté rhétorique qu’est tout discours frappé du sceau enseignant de l’infamie des “35 heures”, elle a malgré tout évoqué un point essentiel, en tout cas que je juge tel: quoi qu’il en soit de l’objectif qu’on se donne concernant le service des maîtres, il ne peut être envisagé de “l’opérationnaliser” que si la structure et l’équipement des établissements scolaires sont aux normes des investissements professionnels que réclame la litanie des: “prise en charge individualisée”, “soutien scolaire”, “aide aux apprentissages”, “accompagnement de l’élève en difficulté”, “dialogue avec les familles”, “guidage de l’orientation”, “travail en équipe”, “liberté d’initiative pédagogique”, “ajustement des programmes”, “remotivation des élèves”, “réactivation de l’appétit d’apprendre”, “responsabilisation des jeunes”, etc., etc.

Plus généralement, même en version light, on ne peut échapper à ceci: les locaux sont inadaptés, les outils pédagogiques ne sont pas fournis, les chefs d’établissement sont désespérants et/ou dépassés (“incompétents”, paraît-il, vexe...), les corps d’inspection sont (globalement) au mieux inutiles, et rien, dans la formation de l’enseignant de base et dans les procédures de son insertion dans la fonction comme dans le recrutement des cadres que l’on vient d’incriminer ne laisse espérer la moindre amélioration. Alors évidemment, la tâche est difficile et le père Raffarin, dans ses aphorismes à la Joseph Prud’homme, avait raison de le proclamer: la pente est rude .... La révolution à coups de pied au cul est assurément une tentation forte, mais il faudra peut-être se contenter de la progression à petits pas, à condition néanmoins que “ça avance”!

Et Ségolène est-elle en mesure de la concevoir et de la faire, cette Révolution (éducative) de velours? Voilà au fond une (grosse) partie de la question... Redonnons-lui un canevas (on va laisser aux journalistes la “feuille de route”, qui fait florès en ce moment) en la créditant de cet a priori: elle sait l’importance du sujet et que les difficultés de la société, toutes les difficultés, sans exception, s’attaquent en amont, par l’école. Ceci posé:

Il y a un problème essentiel de conception, d’approche, de philosophie des apprentissages, dans un équilibre à trouver entre le collectif hétérogène à maintenir (tronc commun de citoyenneté) et l’individuel à modulariser (valorisation-optimisation des aptitudes et des goûts, recherche de l’excellence) qui n’est pas appréhendé.
En fait, il n’est même pas discuté, hormis les déplorations usuelles sur la difficulté voire l’impossibilité d’enseigner, le rejet du collège unique, la nostalgie du bon vieux temps et les élucubrations en langue de bois qui vont avec...
États généraux? Aie! À nous les “Yaka-Fauquon” ....

Non, il faut, là, confronter des praticiens à des propositions préalables audacieuses à discuter et... il faut sentir, cerner, dégager les points de convergence. Travaux ouverts sur dossiers bien préparés, travaux d’experts (ça peut - quand on les choisit bien - ne pas être un gros mot...). Et rien à voir avec des négociations-discussions syndicales.

Au delà, et ce cap - peut-être hélas quasi insurmontable - franchi, restent trois pôles, trois nœuds de difficultés, qui ne peuvent s’aborder et se traiter que sur la base des conclusions-décisions tirées de la confrontation précédente:

- les locaux et les outils pédagogiques (par quoi j’ai commencé)
- les structures d’encadrement (à torpiller (!) - reconstruire)
- la formation initiale, l’insertion dans le métier, le service et les missions des maîtres (à rendre à l’exigence, à l’efficacité et ... à l’avenir)

Mais je ne vois pas qu’aucun candidat envisage de structurer sa démarche “système éducatif” sur ces bases. Il suffirait [peut-être] de presque rien ... comme chantait Reggiani? Hum .. cela risque quand même de faire beaucoup. Les prises de conscience sont pour l’heure si incomplètes...

Allez, encore un effort, Ségolène! Et ... Foin d’États généraux! Il faut plutôt un peu plus et mieux réfléchir, et puis pousser cette porte, que nul n’est pas encore parvenu à entr’ouvrir ......

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