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AutreMonde
17 novembre 2006

Deux-trois sorties-spectacles …

Cinéma : Ne le dis à personne – Indigènes
Théâtre : Si tu mourais…

Je manque de sérieux dans le divertissement commenté. Nous avons il faut dire un peu levé le pied cet automne et négligé les salles obscures. Pas que l’envie nous manque, mais enfin, entre les soucis, petits et grands, et l’actualité bousculée, les lectures en retard, pas toujours motivantes et dès lors non « chroniquables » (exemple : une petite déception avec L’année de la mort de Ricardo Reis, de José Saramago), avec l’épopée de Ségolène (à ce propos, on m’en a appris de belles l’autre soir, dans l’arrière salle d’un troquet montmartrois, mais bon, je ne dirai rien des rumeurs qui paraît-il courent sur la solidité de sa relation hollandaise…), avec, soyons cruellement lucides, les somnolences du troisième âge, avec tout cela donc et le reste, j’ai un peu perdu le fil des bavardages de loisir….

Petite session de rattrapage. Modeste. Et dans le désordre (chronologique).

Avec la mine honteuse du collégien lisant des ouvrages du second rayon, j’ai un peu fait dans le polar grand public ces derniers temps, prenant du retard dans la (re)lecture des Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle (ce n’est pas une blague, j’en parlerai bientôt, je m’y suis courageusement remis !). Ce sont les affiches de cinéma qui m’ont entraîné sur ces chemins de traverse.
Les cheveux raccourcis et blondis de Monica Belluci dans Le concile de pierre, de Guillaume Nicloux (j’étais resté sur l’idée vague que Le poulpe, avec Darroussin , qu’il a réalisé en 1998, était un bon film), m’ont fait lire en vitesse le bouquin de Jean-Christophe Grangé. Pas terrible, vraiment, plein des défauts consubstantiels à l’auteur, avec plongée dans l’irrationnel et baston chamanique à la fin. On veut toujours savoir comment l’intrigue, compliquée à souhait, va retomber sur ses pieds et puis, après quelques moments d’adrénaline assez agréables, on termine dans la déception. Du coup, je crois que je vais zapper Monica, pourtant flanquée au casting de Deneuve, que j’aime plutôt bien.

C’est Cluzet en pleine course qui m’a fait préalablement lire Ne le dis à personne, d’Harlan Coben. Là, c’est mieux. Polar américain bien construit, intrigue très travaillée, suspense de bonne qualité, personnages secondaires intéressants, très typés … Un bon bouquin. Et du coup on a vu le film, de Guillaume Canet, qui y tient un tout petit rôle. L’adaptation a fait glisser l’affaire des USA à Paris, Washington Square se transforme en Parc Monceau, un tueur asiatique musculeux devient une tueuse androgyne mutique et Jean Rochefort, renonçant à incarner un grand costaud d’américain à la tête d’un petit empire d’activités illicites, trimballe une raideur énigmatique dans les costumes étriqués d’un patron d’écuries de jumping. Mais bon, l’un dans l’autre, avec quelques allègements et Kristin Scott-Thomas pour incarner, à la surprise générale, en patronne de restaurant branché, un personnage qu’Harlan Coben mettait en scène au titre de «grande et forte noire top model grandes tailles», ça ne passe pas si mal, même si c’est un cran en dessous du livre. François Cluzet cavale tant qu’il peut, Dussolier picole avec conviction, et … on reconnaît à peine Nathalie Baye, que j’aime par ailleurs beaucoup, tant son lifting a viré, au moins là, en soufflé mal retombé. Un détail choquant : chez Coben, le héros est le maître d’une chienne nommée Chloé, un bearded collie. Bon dieu, ça se trouve, ça, un bearded collie. J’ai un ami qui en est à son deuxième ! Et que voit-on à l’écran ? Un briard ! Un beau briard d’accord, mais tout de même ! Les défenseurs éclairés de la race canine partageront, j’en suis sûr, mon indignation ! Allez, avec tout ça, on passe un bon moment.

Ce qui m’a un peu remué par contre, marginalement, c’est de voir Cluzet, qui fut le compagnon de Marie Trintignant, accusé dans le film, photos à l’appui, de quelques raclées conjugales et excessives. Comment vit-on ça, quand on a laissé, dans la «vraie vie», la place à un autre qui est allé, lui, jusqu’au bout du dérapage et qui a tué l’ex ? Question … Bizarre. D’ailleurs où en est-il, Bertrand Cantat ? Toujours à la prison de Muret, sans doute, à un jet de pierre de la maison de village que j’ai, dans le Volvestre… Drôle d’impression et terrifiant basculement pour Noir Désir. J’ai vu cela soudain, par proximité, derrière Cluzet.

Tam-tam médiatique oblige, on est aussi allés voir Indigènes. Rachid Bouchareb aux manettes et un casting à prix cannois d’interprétation partagé : Jamel Debbouze, Samy Naceri, Sami Bouajila, Roschdy Zem et Bernard Blancan. Formidable d’ailleurs ce dernier, et même si tous sont excellents, dans l’hypothèse d’un unique vainqueur, c’est lui qui aurait eu mes suffrages. Un bon film, un très bon film, de guerre, de mise en perspective d’une époque et d’un contexte, de réflexion, un film qui veut réparer une injustice (et y a apparemment réussi…), rien à dire. Sauf les cinq dernières minutes. Là, désaccord complet.
Bouchareb a repris, quasiment à la lettre, les derniers plans de Spielberg dans Il faut sauver le soldat Ryan. C’était (avec ses cinq premières minutes) le talon d’Achille du film. Le côté gnan-gnan made in USA, grandiloquence pleurnicheuse en bandoulière, y était insupportable. Mais bon, on connaît le truc, les américains ont la larme à l’œil et pas la tête philosophique, il faut de temps en temps supporter leur connerie de grands enfants élevés aux corn-flakes et à la cuculterie.
Mais là, non ! Avec cette bande d’acteurs qui se sont répandus en appels au civisme dans les banlieues travaillées par les remous post-novembre 2005, on pouvait, on devait espérer un peu plus de lucidité et le recadrage des valeurs exhumées par le film - et par nécessité - pour donner son sens au sacrifice de leurs pères, mais totalement à redialoguer dans le contexte d’aujourd’hui et l’ébranlement de certitudes qui conduisaient alors à vouloir graver à côté de son nom: «Mort pour la France».

Héros volontaires-involontaires d’un conflit qui a maintenant plus d’un demi-siècle, ces jeunes gens, rejetés par ceux-là mêmes pour qui ils sacrifiaient leurs avenirs, sont allés à la mort dans un système de valeurs qui était assez indiscutable pour s’imposer à eux malgré tout le reste. Leur héroïsme était «d’époque» et son sens s’en est perdu. Malgré le précédent de 14, dont ils n’étaient sans doute pas instruits, ils marchaient à l’obéissance aveugle et au devoir, et le devoir d’aller se faire tuer n’était pas remis en question.
Seul survivant de l’équipée-épopée que narre le film, le personnage incarné par Sami Bouajila, après une visite au cimetière, soixante ans après, filmée par la caméra larmoyante de Spielberg, clôt le spectacle en retournant humblement dans son 9 mètres carrés, au rez-de-chaussée d’une quelconque «cité», dos voûté, sans un mot. Sans un mot ! C’est en un sens, dès lors, un film avec une morale … de 1945 ! Et c’est ce qui me navre.

Comment ne pas avoir senti la nécessité du discours, pour sortir de l’absurde d’une narration incompréhensible, dans sa philosophie de nécessaire remise en question sous-jacente, par les jeunes «guerriers» des banlieues de novembre 2005, poussés peut-être au contresens par ses images de violence, poussés peut-être à lire dans leurs affrontements du moment le simple démarquage d’une situation identifiable, sous réserve de changer d’ennemi ?. Ils en sont, ces cons-là, à croire au fond encore aux mêmes valeurs guerrières, mais pour libérer cette fois la «Téci» (la cité, en verlan) comme on disait «libérer la France». Ils ne comprennent rien. Et le travail de Bouchareb et alii pèche par là.

Il fallait introduire une rencontre ultime, pourquoi pas de l’ancien combattant arabe avec un jeune prof de collège qui aurait été son voisin, introduire une discussion de fond sur l’effondrement justifié, souhaitable, des virilités débiles qui conduisent aux pires affrontements, hier et aujourd’hui, une discussion de fond sur l’effacement nécessaire des préjugés raciaux qui justifient, hier et aujourd’hui, la honte des injustices – dont, scandaleuse, celle qui lui fut faite, à lui, l’ancien - et l’abomination des crimes. Poser au moins – mais il était indispensable de le faire explicitement – la question : Qu’avons-nous appris ?

On change de sujet ?

Depuis sa prestation au cinéma dans Un air de famille, de Bacri-Jaoui, Catherine Frot m’est plutôt une référence positive à l’affiche quand il s’agit de choisir un spectacle. Et voici quelques semaines, lors d’un long trajet en voiture, mi-septembre, avec écoute obligée en continu d’un programme radiophonique sous peine sinon d’endormissement, je m’étais intéressé à la longue présentation de la pièce de Florian Zeller, Si tu mourais (Comédie des Champs-Elysées – Mise en scène Michel Fagadeau), où elle tient le rôle principal. Elle n’était pas là mais Robin Renucci, Bruno Putzulu, tous deux également à l’affiche, et l’auteur, Florian Zeller, étaient de service « dans le poste ». Le thème est rebattu : dans les papiers de son époux, auteur dramatique, mort accidentellement, une femme découvre le brouillon d’une pièce où elle croit reconnaître une situation autobiographique et trouver les preuves de son infortune. Mais, sans doute naïf, j’ai mal fait la part de la promotion (acteurs, auteur) et de la connivence (journaliste), et j’ai pris au premier degré les louanges tressées tant au traitement innovant du sujet qu’à l’art affirmé des interprètes. Et puis la critique, pour ce que du coup et à partir de là j’en ai lu, s’avérait excellente. Bref nous y sommes allés…. Aïe, Aïe, Aïe !

Dire d’abord que j’avais, par souci d’information, regardé un peu qui était ce Florian Zeller, dandy blondin tout juste pubère (photos !) qu’on nous dit professeur de littérature à HEC ou Sciences-Po, et très doué… . L’éreintement infligé par Jérome Garcin et ses acolytes sur France-Inter (Le masque et la plume du dimanche 8/10) à propos de son récent roman Julien Parme (pas son roman, sa «boursouflure»… Diable !) m’avait bien entendu un peu inquiété, mais pas totalement dissuadé. J’avais pris pas mal de plaisir peu avant à lire le petit bouquin ayant valu à Zeller le prix Interallié 2004, La fascination du pire. Vraiment bien enlevé, parfois même roboratif dans la dérision, un (tout) petit côté David Lodge salace, avec ici ou là des remarques séduisantes, sur l’analyse de Kundera faisant de Cervantès le père de la modernité, à égalité avec Descartes, ou des provocations bien enlevées (peut-être dans l’élan de Michel Houellebecq) sur l’état de frustration du monde musulman, et cet aphorisme très provocateur : (…) le Djihad, comme toute guerre sainte, a une motivation principale, le cul ! Il faudra d’ailleurs demander à Robert Redeker, récemment institué spécialiste du Coran, ce qu’il en pense.

Las, la pièce est médiocre et la soirée à la Comédie des Champs-Elysées décevante. Outre ceux déjà cités, il y a paraît-il sur les planches Chloé Lambert : elle est inexistante. Bruno Putzulu nous inflige un jeu ectoplasmique qui conduit à se demander pourquoi il s’étonne d’avoir été viré du Français. La question est plutôt : Comment avait-il fait pour y entrer ? Restent Renuccci, allez, pas mal, et Catherine Frot, dont la présence me suffit. Ils servent de leur mieux un texte inégal, avec quelques formules (C’est peut-être ça, un saint, quelqu’un qui meurt en ayant pris soin d’effacer sa part d’ombre), quelques platitudes (C’est de votre faute (…) D’abord, vous avez fait exprès d’être belle ) et malgré tout quelques idées, un texte qui ne restitue pas si mal la hachure des dialogues, mais enfin un texte qui ne va finalement pas au fond de la situation ouverte. Car le thème intéressant, ce n’était pas tellement de savoir si la veuve avait été trompée que de s’interroger, à travers son questionnement, sur les parts respectives d’investissement affectif d’un écrivain entre le réel, qu’il vit, et le virtuel, qu’il invente… Le filon est laissé de côté. On en reste à trois banalités et on atteint au ridicule dans une scène où , au mépris d’une absence de didascalies qui aurait pu lui donner à penser, Fagadeau impose toute une gestuelle digne des mauvaises couvertures du magazine Détective de mon enfance, Catherine Frot, revolver en main, le doigt sur la gâchette, braquant alternativement Putzulu et Chloé Lambert, faisant en vain lever chez nous le fol espoir qu’elle va enfin nous en débarrasser.

Il ne faisait pas froid ce soir là. On avait pris la moto. Le retour à travers un peu de Paris, la nuit, le ronronnement du moteur, la visière du casque entr’ouverte sur l’air à peine humide, rafraîchissant, les lumières sur les monuments, la Concorde, un bout de Seine, l’Assemblée nationale…. En somme, le meilleur moment de la soirée !

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