Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
15 janvier 2020

QU'EST-CE QUE LA CHARGE COGNITIVE ?

André TricotARTICLE DE REFERENCE : file:///Users/iMac/Desktop/[Interview]%20Qu'est-ce%20que%20la%20charge%20cognitive%20%3F%20|%20Synapses.html

Interview d'André Tricot (ecce homo : ci-contre).

Commençons par la définition qu'il produit et quelques extraits .

La charge cognitive correspond à la quantité de ressources cognitives investies par un individu lors de la réalisation d’une tâche.

EXTRAIT 1 –

Une façon de réduire la charge cognitive associée à la résolution de problèmes est d’utiliser une présentation du problème sans spécifier de but.

Sweller et Cooper (1985) ont montré que le même problème présenté sans but spécifié améliore l’apprentissage par rapport à une présentation conventionnelle (voir figure).

Capture d’écran 2020-01-15 à 21

La raison en est [dans l'exemple ci-contre] que les deux problèmes permettent d’apprendre à mettre en œuvre les mêmes connaissances, mais la première présentation est moins exigeante. En fait,  elle exonère l’élève du raisonnement qui consiste à décider de calculer l’angle ABC d’abord, les informations fournies ne permettant pas de calculer directement DBE.  En rendant le problème moins exigeant, on le met à la portée d’un nombre plus important d’élèves, leur permettant ainsi d’apprendre comment calculer l’angle DBE. Cet exemple montre que réduire la charge cognitive peut permettre de favoriser l’apprentissage des élèves les plus en difficulté.

D’autres façons de réduire la charge sont encore plus simples : on peut notamment donner un problème résolu à étudier avant de donner un problème à résoudre [ce qui] favorise l’apprentissage. Cet effet a été répliqué des centaines de fois. Par exemple, au lieu de donner aux élèves une tâche de rédaction, on leur donne d’abord une tâche d’étude d’une bonne rédaction. Dans une étude concernant une tâche de rédaction particulièrement exigeante, des étudiants coréens devaient rédiger un texte en anglais. Un groupe étudiait une rédaction préalablement, tandis qu’un autre groupe rédigeait un texte préalablement. Dans un second temps, les deux groupes devaient rédiger un texte sur un sujet identique. Les résultats montrent que le premier groupe écrit une rédaction de meilleure qualité que le second. Un résultat analogue a été obtenu avec une autre tâche de rédaction exigeante (rédiger un texte argumentatif en sciences).

Autre exemple : dans un cours de droit sur la cour européenne de justice, le texte à étudier est présenté en allemand (problème classique à l’université ou dans les sections européennes au lycée) ou en allemand avec la traduction en français en vis à vis (problème résolu). Les étudiants qui ont eu le texte traduit non seulement comprennent mieux les notions de droit abordées dans le texte, mais apprennent plus de lexique en allemand et sont plus capables de réinvestir ce lexique dans d’autres contextes linguistiques.

EXTRAIT 2 -

Les êtres humains, comme les autres animaux, ont une capacité d’apprentissage qui correspond à leur capacité à s’adapter à leur environnement et aux changements de cet environnement. Les humains sont capables d’apprendre en s’adaptant à leur environnement physique, vivant, social, culturel, linguistique, familial, affectif, etc. Par exemple, si un enfant grandit dans un contexte où on parle anglais, il va apprendre à parler anglais, tandis que s’il grandit dans un contexte où on parle français, il va apprendre à parler français. S’il grandit au Groenland, il apprendra à percevoir de nombreuses nuances de blanc de différentes neiges, tandis que s’il grandit à Marseille, il saura qu’il existe LA neige et qu’elle est blanche. Les apprentissages adaptatifs se réalisent en immersion: l’enfant joue, explore, il interagit socialement avec les adultes et avec les autres enfants et il acquiert ainsi, par l’observation et l’imitation, chaque jour de nouvelles connaissances sur son environnement matériel et social. Les apprentissages primaires n’ont pas besoin de l’école pour se faire, ni d’autres formes structurées de transmission des connaissances culturelles. Ils se font spontanément et comportent une motivation intrinsèque et un plaisir naturel. Cependant, la limite de ces apprentissages réside dans le fait qu’il est difficile pour un individu de prendre connaissance de cette manière des conquêtes de nos cultures. 

Pour pallier cette limite, toutes les sociétés humaines ont développé des stratégies pour transmettre leurs inventions, leurs innovations, leur culture. Certaines d’entre elles ont créé des écoles. En allant à l’école, les enfants pourront apprendre des connaissances qui ne correspondent pas à leur quotidien.  Mais avec une exigence cognitive qui augmente.  Les apprentissages scolaires reposent sur la mise en œuvre de tâches exigeantes comme la résolution de problèmes, la lecture de textes, la recherche documentaire, la préparation d’exposés, l’écoute du professeur qui explique quelque chose.  C’est pour cette raison que la théorie de la charge cognitive y a toute sa place.

 

*********

Et voilà ...

On peut tout lire, mais ceci me semble déjà significatif. Je suis fasciné quand je pense qu'André Tricot (https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Tricot - il faut aller s'informer!) a dû faire de longues études et déployer de vastes investigations pour en arriver là! J'ajoute que son interview est donnée pour indispensable par Stanislas Dehaene, dont j'ai parlé dans le billet précédent. Malgré le statut prestigieux de Dehaene (Collège de France, sommité reconnue) et celui de professeur d'université de Tricot, on a envie de dire: asinus asinum fricat, sentence latine qu'on peut traduire par "l'âne à l'âne s'allie". L'ennui, ce n'est pas tant cela, mais qu'on prenne au sérieux de tels fantaisistes.

J'ai donné le premier extrait car c'est le passage le plus concret de l'interview. Sur l'exercice posé, la formulation la plus ouverte n'est pas inintéressante. Mais la conclusion qu'en tire A. Tricot ne me semble pas si assurée : "En rendant le problème moins exigeant, on le met à la portée d’un nombre plus important d’élèves, leur permettant ainsi d’apprendre comment calculer l’angle DBE." Moins on en demande, plus on en obtient? Soit les gamins connaissent la notion d'angles opposés par le sommet soit ils ne la connaissent pas. Dans le second cas, ce n'est pas en leur disant de faire ce qu'ils peuvent qu'ils vont comme l'affirme A. Tricot "l'apprendre".

On est entré dans l'âge de la sérendipité (très schématiquement : l'art de découvrir ce qu'on ne cherchait pas) comme méthode pédagogique. Cherchez, cherchez, les enfants. Mais quoi, M'sieur? Ce que vous voulez ou, pouvez, il en sortira bien quelque chose. L'heuristique ne consiste pas à chercher au hasard. On tâtonne, oui, mais on sait ce qu'on cherche et c'est dans une direction précise que l'on avance par essai-erreur. Il peut se faire qu'on trouve n'importe quoi, mais on ne cherchait pas n'importe quoi.

On apprend ensuite dans cet extrait que d'importantes études ont montré que quand on prépare un exercice, on a plus de chances de le réussir que quand on ne le prépare pas. Il y a là, il faut en convenir, un résultat tout à fait surprenant et qui mérite la reconnaissance de tous les pédagogues. On souligne aussi, ce qui n'avait - il faut en convenir - rien d'évident, qu'un texte en langue étrangère traduit se comprend mieux que sans sa traduction. Fabuleux ....

Quand au second extrait, il est du niveau du café du commerce, entre clients déjà sérieusement imbibés : "... si un enfant grandit dans un contexte où on parle anglais, il va apprendre à parler anglais, tandis que s’il grandit dans un contexte où on parle français, il va apprendre à parler français". Combien de thèses de doctorat pour énoncer cela? On croit rêver.

*******

J'ai été témoin, au long de ma carrière, de la mise en place des "Sciences de l'Education". Cette aimable plaisanterie a permis à des gens qui n'auraient pas su achever des thèses consistantes dans les sciences dures, de décrocher des peaux d'ânes et d'accéder à des carrières universitaires en se payant de mots et en procédant à quelques analyses statistiques autour du recueil de données dans des classes:   "67% des élèves de tel niveau savent qu'un triangle isocèle a deux côtés égaux. Etude portant sur 27 classes et 607 élèves. Confirme d'ailleurs les relevés des professeurs Stock et Exchange réalisés dans la banlieue de Chicago sur 500 enfants de 11 à 12 ans  etc. etc." Magnifique !

Je me souviens de l'arrivée, dans les années 1980 il me semble, de la Transposition didactique, merveilleuse avancée des Sciences de l'éducation qui expliquait qu'un bon professeur devait mettre son savoir académique à la portée de ses élèves, ce à quoi effectivement, depuis la Grèce antique, aucun pédagogue n'avait jamais pensé et que nul n'avait seulement osé tenter.

La découverte de la charge cognitive est me semble-t-il du même ordre.

Seigneur, délivrez-nous des Sciences de l'éducation.

******

 

Le cri

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité