IL REVIENT, ET IL N'EST PAS (VRAIMENT) CONTENT ...
Mon dernier message est du 26 septembre ... Trois mois sans rien dire (avoir à?) sur ce blog. Lassitude. Une forme de lassitude. Rien n'avance. Prendre la parole sur l'école n'obtient que l'irritation de l'interlocuteur, quand bien même il serait une interlocutrice. De Vous dites toujours la même chose à Tu radotes.
L'an passé je m'étais intéressé au rapport Mathiot sur le bac, au rapport Villani-Torossian sur les mathématiques. Les suites sont en cours, mais mon adhésion reste très prudente. J'aurais voulu bien plus de bouleversement au niveau du baccalauréat et je crains que le Villani-Torossian ne débouche pas sur grand-chose. Une opération "2019-2020, année des mathématiques" est en cours, je vois passer des tweets, des félicitations croisées à propos d'activités florissantes dans les établissements ... j'attends les retombées aux tests PISA, ou que l'on m'invite à participer, à me rendre dans les établissements pour apprécier de visu le dynamisme en marche, à rencontrer des profs. J'oubliais que je suis à la retraite, retombé dans l'ornière de la non-existence professionnelle, parole devenue inaudible, pékin sans épaisseur.
Il faut reconnaître que je ne me rends pas aimable quand j'essaie d'intervenir. A donner des avis négatifs qu'on ne vous demande pas sur des opérations promotionnelles, vous agacez, forcément. Mais enfin, comment positiver? Rien n'est satisfaisant tant les responsables s'occupent de tout, sauf de l'essentiel.
Un seul exemple; je viens de lire l'ouvrage collectif chapeauté par Stanislas Dehaene, La science au service de l'Ecole. Neuroscientifique, professeur au Collège de France, S. Dehaene préside le Conseil Scientifique de l'Education nationale, fort de près de trente membres qui n'ont, comme lui, à peu près aucune compétence de terrain dans le domaine de l'enseignement, de la classe, du réel pédagogique. Le livre en question m'a semblé totalement vain, totalement à côté du problème posé par les mauvaises performances du système éducatif français aux tests internationaux, se contentant de propos vagues et de voeux pieux pour parer aux faiblesses de notre système d'enseignement, réfugié dans les élucubrations de surface de cette pseudo-science que sont les Sciences de l'Education, filière universitaire permettant de se parer de thèses et de titres qu'on aurait été bien incapable d'acquérir dans quelque science dure que ce soit, et qui veut maintenant trouver dans la psychologie cognitive de nouvelles occasions de se hausser du col en jargonnant savant.
Le cours et les séminaires de S. Dehaene sont accessibles en vidéo sur le site du Collège de France. Il faudrait que j'aille regarder, m'informer mieux ...
En attendant, j'aide par ci, par là, quelques gosses de proches, d'amis, du collège aux classes prépas, à travailler, à essayer de comprendre les mathématiques. Tous ne vibrent pas au diapason de l'envie d'apprendre et le suivi des cahiers de textes et des annotations des professeurs laisse des sentiments mélangés. Trop de choses se délitent et je ne sens pas, dans ce que je lis et entends, venant des responsables, la cohérence d'un projet de ressaisissement appuyé sur une révision du fonctionnement, de l'autonomie et de la gouvernance des établissements. On se paie de mots là où il faudrait insuffler un nouvel esprit d'équipe et faire de chaque EPLE le phare d'un profond renouveau sociétal. Las ...
Je me suis toujours intéressé à cette affaire de gouvernance. Avant 1989, le système des listes d'aptitudes produisait des profils globalement inadaptés à la prise d'initiative. Le ministère de l'époque, sous la férule de Lionel Jospin, a décidé de mettre en place un concours de recrutement national avec admissibilité sur épreuves écrites anonymes. Cela m'avait amusé sur le moment de tester la chose et j'avais été candidat, admissible, admis. J'ai suivi le stage académique de formation prévu, de trois mois, avant d'envoyer sur le terrain les reçus à la rentrée suivante. L'équipe chargée de l'affaire à Paris où j'enseignais alors n'était pas à la hauteur ni consciente des enjeux, occasion de contrôler à quel point le système éducatif, engoncé dans ses inerties, était incapable de se renouveler dans les structures existantes en en appelant aux cadres en place. J'ai renoncé au bénéfice du concours et repris mon poste. Depuis, je regarde se poursuivre les effritements prévisibles.
Nous avançons sur du vide. Le système ne se réformera que si la refondation monte de la base, que si la prise de conscience est celle de chacun comprenant la force possible de l'équipe et la nécessité de construire le processus pédagogique localement, en tenant compte de la population scolarisée pour dégager les moyens de la porter jusqu'aux premières marches, en attendant les suivantes, de la formation optimale à laquelle elle peut prétendre. Mais il manque la compréhension de cette exigence au plus haut niveau, qui doit de lui-même ouvrir la porte aux autonomies nécessaires, les soutenir et les suivre dans leurs initiatives autour d'objectifs nationaux clairs à leur proposer. On en est loin ...
Au lieu de quoi ... Je le disais, nous avançons sur du vide. Dans le prolongement du rapport Villani-Torossian, 2019-2020 a été déclaré "Année des mathématiques", avec (source : education.gouv.fr) pour ambition de montrer au grand public le visage vivant des mathématiques et de renforcer le lien entre le monde de la recherche et les enseignants du secondaire.Lancée officiellement le 2 octobre 2019, l'année des mathématiques sera ponctuée de grands événements et de rencontres sur l'ensemble du territoire, impliquant de nombreux partenaires associatifs :
- du 7 octobre au 8 novembre 2019 : formations des référents mathématiques de circonscription
- du 27 au 31 janvier 2020 : Semaine mathématiques & numérique
- du 9 au 15 mars 2020 : 9ème Semaine des mathématiques (référence : https://www.education.gouv.fr/cid59384/la-semaine-des-mathematiques.html)
- du 13 au 16 mai 2020 : Grand forum des mathématiques vivantes, à Lyon
- du 12 au 19 juillet 2020 : participation de la France au grand congrès international sur l'enseignement des mathématiques à Shangaï
Mouais ... Les "officiels" sont friands de ces grands machins. Wait and see. Mais ... J'ai eu la chance d'être invité au lancement officiel de 2 octobre, à la Sorbonne. Interventions nombreuses, présence de non moins nombreux stands d'associations vouées à la promotion des mathématiques, tenus par des passionnés dont l'énergie - que je vis comme marchant sur de fausses pistes - m'inspire une admiration navrée. Rien, là dedans, malgré l'enthousiasme affiché par les grands accueillants, le recteur de l'Académie de Paris, divers universitaires, et puis JM Blanquer himself, rien ne m'a convaincu. On marche à côté du réel. C'est le prof lambda, dans le collège lambda, face aux élèves lambdas (et plutôt lambdas moins ou lambdas moins moins) qu'il faut aider, soutenir, sauver! J'en suis sorti furieux et désolé.
J'ai dans mon environnement proche une responsable du service de documentation d'un grand lycée de province. Discussion d'arrivée, hier soir, autour des péripéties du quotidien. Quelques questions posées sur les échos au niveau de son établissement des dossiers en cours, réforme du baccalauréat, rapport Villani-Torossian et laboratoires de mathématiques, changement de direction à la tête de l'IH2EF (Institut des hautes études de l'éducation et de la formation très impliqué dans la formation des chefs d'établissement (source Ministère de l'Education: ) : Créé en décembre 2018, l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation (IH2EF) a pour mission principale la conception, le pilotage et la mise en œuvre de la formation des personnels du ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Il propose chaque année un cycle d'auditeurs donnant à voir le fonctionnement du système éducatif français et à saisir l'enjeu des réformes. Il succède à l'École supérieure de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESENESR).
La réforme en cours affole les professeurs, en particulier de lettres, des classes de première avec des rumeurs absurdes (?) sur une session 2020 qui serait "donnée à tout le monde" pour éviter aux redoublants de se retrouver en 2020-2021 avec un handicap irrattrapable dû aux changements (!!); rapport Villani-Torossian inconnu; jamais entendu parler de laboratoire de mathématiques. Quant à l'IH2EF: Qu'est-ce que c'est? Edifiant. La communication interne du Ministère autour de ses "grandes actions" est au top!
Comment sortir de là? Les responsables seraient bien inspirés de réfléchir à deux films récents qui posent, le premier directement, le second par détour, le problème de fond : La vie scolaire (Grand corps malade et Mehdi Idir) et Les misérables (Ladj Ly). Emmanuel Macron a paraît-il été bouleversé par le second. Belle découverte! Il ferait bien de voir aussi le premier avec JM Blanquer et d'en tirer quelques conséquences efficaces.
La vocation de l'école est de regarder de ce côté là. Quel gâchis!