Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
24 décembre 2019

IL REVIENT, ET IL N'EST PAS (VRAIMENT) CONTENT ...

images

Mon dernier message est du 26 septembre ... Trois mois sans rien dire (avoir à?) sur ce blog. Lassitude. Une forme de lassitude. Rien n'avance. Prendre la parole sur l'école n'obtient que l'irritation de l'interlocuteur, quand bien même il serait une interlocutrice. De Vous dites toujours la même chose à Tu radotes.

L'an passé je m'étais intéressé au rapport Mathiot sur le bac, au rapport Villani-Torossian sur les mathématiques. Les suites sont en cours, mais mon adhésion reste très prudente. J'aurais voulu bien plus de bouleversement au niveau du baccalauréat et je crains que le Villani-Torossian ne débouche pas sur grand-chose. Une opération "2019-2020, année des mathématiques" est en cours, je vois passer des tweets, des félicitations croisées à propos d'activités florissantes dans les établissements ... j'attends les retombées aux tests PISA, ou que l'on m'invite à participer, à me rendre dans les établissements pour apprécier de visu le dynamisme en marche, à rencontrer des profs. J'oubliais que je suis à la retraite, retombé dans l'ornière de la non-existence professionnelle, parole devenue inaudible, pékin sans épaisseur.

Il faut reconnaître que je ne me rends pas aimable quand j'essaie d'intervenir. A donner des avis négatifs qu'on ne vous demande pas sur des opérations promotionnelles, vous agacez, forcément. Mais enfin, comment positiver? Rien n'est satisfaisant tant les responsables s'occupent de tout, sauf de l'essentiel.

Un seul exemple; je viens de lire l'ouvrage collectif chapeauté par Stanislas Dehaene, La science au service de l'Ecole. Neuroscientifique, professeur au Collège de France, S. Dehaene préside le Conseil Scientifique de l'Education nationale, fort de près de trente membres qui n'ont, comme lui, à peu près aucune compétence de terrain dans le domaine de l'enseignement, de la classe, du réel pédagogique. Le livre en question m'a semblé totalement vain, totalement à côté du problème posé par les mauvaises performances du système éducatif français aux tests internationaux, se contentant de propos vagues et de voeux pieux pour parer aux faiblesses de notre système d'enseignement, réfugié dans les élucubrations de surface de cette pseudo-science que sont les Sciences de l'Education, filière universitaire permettant  de se parer de thèses et de titres qu'on aurait été bien incapable d'acquérir dans quelque science dure que ce soit, et qui veut maintenant trouver dans la psychologie cognitive de nouvelles occasions de se hausser du col en jargonnant savant.

look-1502990_960_720Fatigue.

Le cours et les séminaires de S. Dehaene sont accessibles en vidéo sur le site du Collège de France. Il faudrait que j'aille regarder, m'informer mieux  ...

En attendant, j'aide par ci, par là, quelques gosses de proches, d'amis, du collège aux classes prépas, à travailler, à essayer de comprendre les mathématiques. Tous ne vibrent pas au diapason de l'envie d'apprendre et le suivi des cahiers de textes et des annotations des professeurs laisse des sentiments mélangés. Trop de choses se délitent et je ne sens pas, dans ce que je lis et entends, venant des responsables, la cohérence d'un projet de ressaisissement appuyé sur une révision du fonctionnement, de l'autonomie et de la gouvernance des établissements. On se paie de mots là où il faudrait insuffler un nouvel esprit d'équipe et faire de chaque EPLE le phare d'un profond renouveau sociétal. Las ...

Je me suis toujours intéressé à cette affaire de gouvernance. Avant 1989, le système des listes d'aptitudes produisait des profils globalement inadaptés à la prise d'initiative. Le ministère de l'époque, sous la férule de Lionel Jospin, a décidé de mettre en place un concours de recrutement national avec admissibilité sur épreuves écrites anonymes. Cela m'avait amusé sur le moment de tester la chose et j'avais été candidat, admissible, admis. J'ai suivi le stage académique de formation prévu, de trois mois, avant d'envoyer sur le terrain les reçus à la rentrée suivante. L'équipe chargée de l'affaire à Paris où j'enseignais alors n'était pas à la hauteur ni consciente des enjeux, occasion de contrôler à quel point le système éducatif, engoncé dans ses inerties, était incapable de se renouveler dans les structures existantes en en appelant aux  cadres en place. J'ai renoncé au bénéfice du concours et repris mon poste. Depuis, je regarde se poursuivre les effritements prévisibles.

Nous avançons sur du vide. Le système ne se réformera que si la refondation monte de la  base, que si la prise de conscience est celle de chacun comprenant la force possible de l'équipe et la nécessité de construire le processus pédagogique localement, en tenant compte de la population scolarisée pour dégager les moyens de la porter jusqu'aux premières marches, en attendant les suivantes, de la formation optimale à laquelle elle peut prétendre. Mais il manque la compréhension de cette exigence au plus haut niveau, qui doit de lui-même ouvrir la porte aux autonomies nécessaires, les soutenir et les suivre dans leurs initiatives autour d'objectifs nationaux clairs à leur proposer. On en est loin ...

Au lieu de quoi ... Je le disais, nous avançons sur du vide. Dans le prolongement du rapport Villani-Torossian, 2019-2020 a été déclaré "Année des mathématiques", avec (source : education.gouv.frpour ambition de montrer au grand public le visage vivant des mathématiques et de renforcer le lien entre le monde de la recherche et les enseignants du secondaire.Lancée officiellement le 2 octobre 2019, l'année des mathématiques sera ponctuée de grands événements et de rencontres sur l'ensemble du territoire, impliquant de nombreux partenaires associatifs : 

Mouais ... Les "officiels" sont friands de ces grands machins. Wait and see. Mais ... J'ai eu la chance d'être invité au  lancement officiel de 2 octobre, à la Sorbonne. Interventions nombreuses, présence de non moins nombreux stands d'associations vouées à la promotion des mathématiques, tenus par des passionnés dont l'énergie - que je vis comme marchant sur de fausses pistes - m'inspire une admiration navrée. Rien, là dedans, malgré l'enthousiasme affiché par les grands accueillants, le recteur de l'Académie de Paris, divers universitaires, et puis JM Blanquer himself, rien ne m'a convaincu. On marche à côté du réel. C'est le prof lambda, dans le collège lambda, face aux élèves lambdas (et plutôt lambdas moins ou lambdas moins moins) qu'il faut aider, soutenir, sauver! J'en suis sorti furieux et désolé.

J'ai dans mon environnement proche une responsable du service de documentation d'un grand lycée de province. Discussion d'arrivée, hier soir, autour des péripéties du quotidien. Quelques questions posées sur les échos au niveau de son établissement des dossiers en cours, réforme du baccalauréat, rapport Villani-Torossian et laboratoires de mathématiques, changement de direction à la tête de l'IH2EF (Institut des hautes études de l'éducation et de la formation  très impliqué dans la formation des chefs d'établissement (source Ministère de l'Education: ) : Créé en décembre 2018, l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation (IH2EF) a pour mission principale la conception, le pilotage et la mise en œuvre de la formation des personnels du ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Il propose chaque année un cycle d'auditeurs donnant à voir le fonctionnement du système éducatif français et à saisir l'enjeu des réformes. Il succède à l'École supérieure de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESENESR).

La réforme en cours affole les professeurs,  en particulier de lettres, des classes de première avec des rumeurs absurdes (?) sur une session 2020 qui serait "donnée à tout le monde" pour éviter aux redoublants de se retrouver en 2020-2021 avec un handicap irrattrapable dû aux changements (!!); rapport Villani-Torossian inconnu; jamais entendu parler de laboratoire de mathématiques. Quant à l'IH2EF: Qu'est-ce que c'est? Edifiant.  La communication interne du Ministère autour de ses "grandes actions"  est au top!

Comment sortir de là? Les responsables seraient bien inspirés de réfléchir à deux films récents qui posent, le premier directement, le second par détour, le problème de fond : La vie scolaire (Grand corps malade et Mehdi Idir) et Les misérables (Ladj Ly). Emmanuel Macron a paraît-il été bouleversé par le second. Belle découverte! Il ferait bien de voir aussi le premier avec JM Blanquer et d'en tirer quelques conséquences efficaces.

La vocation de l'école est de regarder de ce côté là. Quel gâchis!

 

guy-2617866_1920

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
D
Vous savez que depuis longtemps je partage votre pessimisme.<br /> <br /> Cela doit être en partie dû à l'âge. J'estime avoir bénéficié d'une excellente éducation, à tous les niveaux, depuis le primaire jusqu'à la fin de mon premier cursus de fac en licence de littérature anglaise, aux U.S. <br /> <br /> Cette éducation fut excellente grâce à la vocation des personnes individuelles, en chair et en os, passionnées de transmettre leur... passion, peut-être au moins autant que leurs connaissances. L'enthousiasme sacré qui leur permettait d'insuffler de la vie dans les "matières" qu'elles transmettaient. (Les personnes comme ça ont existé en France, (voir Jacqueline de Romilly), et existent toujours, même si elles sont rares. Mais n'ont-elles pas toujours été plutôt rares ?)<br /> <br /> La plupart de mes goûts actuels (et passions), qui sont mes goûts depuis plus de quarante ans maintenant, me sont venus grâce à l'influence bienveillante de ces personnes.<br /> <br /> Le climat de l'époque, entre 1961-1977, à des endroits variés des Etats-Unis (et... depuis le début, j'étais dans le privé, car l'école publique aux U.S. même en 1961 était déjà une loterie, et souffrait des difficultés que vous épinglez plus haut) sapait moins la transmission, et ne rendait pas impossible dans la classe que l'enseignant INCARNE aux yeux du corps social de manière légitime l'autorité (bienveillante...) nécessaire pour pouvoir transmettre d'une génération à une autre. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est vrai qu'à l'époque où j'étais sur les bancs de l'école, se ressentait beaucoup moins la "nécessité" de transformer de grands pans de nos existences en "objets d'étude scientifique", afin de leur conférer sérieux et légitimité pour nous convaincre de notre propre... Sérieux et Légitimité dans notre monde.<br /> <br /> Le grand échafaudage des "sciences sociales, humaines, de l'éducation, de la médecine, et bientôt sciences des lettres", où on fera des statistiques sur le nombre de fois qu'on trouve le mot "libellule" dans la poésie de Baudelaire, dans un but d'observation dans la plus parfaite neutralité, finit par faire tarir, et même enterrer la passion, l'amour, la poésie, la grâce, tous des soifs inextinguibles de l'être humain, et des facettes de son existence sans lesquelles il se sent devenir aussi minéral que le jargon que vous épinglez plus haut. Et oui... je radote aussi, mais avouez qu'il faut bien des fois des personnes qui ont le courage de REPETER INLASSABLEMENT qu'on fait fausse route quand elles voient, et sont profondément convaincues, qu'on fait fausse route. Sans forcément pouvoir sortir un cahier de travaux pratiques avec des suggestions concrètes pour dire exactement ce qu'il faut changer pour que ça aille mieux. Je ne suis pas très optimiste pour les forcément petites mesures concrètes et pratiques pour pallier à notre désenchantement collectif, notre perte de foi dans nos idéaux, notre lassitude, comme vous le dites.<br /> <br /> <br /> <br /> Vous passez sous silence le fait, pour moi, que la lente progression du tout scientifique va de pair avec la colonisation américaine des esprits de la planète par Internet et ordinatueur interposé, et cela, avec un consentement général qui me consterne. Mais "on" ne nous enlève finalement, que ce que nous sommes résignés à céder, ou ce que nous avons déjà perdu par manque/perte de foi, et là, nous sommes résignés à céder beaucoup à l'heure actuelle dans la tourmente. Qu'y pouvons-nous en nous sentant personnellement et individuellement aussi petits, insignifiants, inconséquents ? Comment soutenir la face à face avec la génération suivante dans ce cadre ? Pourquoi nous écouterait-on ?? L'idéologie scientifique (à différencier d'avec la rigueur de la méthode d'investigation scientifique, et la curiosité sur le monde environnant) nous conduit à la foi (mauvaise...) dans notre indignité, et nous prêche que cette foi est la "Réalité". C'est navrant.<br /> <br /> <br /> <br /> Je sais qu'il est très tentant de faire jouer la carte de l'âge dans le désenchantement (foi mauvaise), mais c'est une tentation trop facile. Mon expérience me dit que le cynisme (pas le DESenchantement, qui suppose qu'on ait été enchanté d'abord, et il vaut mieux au moins avoir été enchanté avant de désenchanter) touche toutes les générations, et donc, il n'y en a pas qui soient plus frais, plus innocents, plus.. mieux que d'autres dans l'affaire qui nous touche. <br /> <br /> <br /> <br /> Et puis... si jamais vous deviez m'irriter, ce serait par votre résignation ? à vous servir de la langue internationale de management des sciences sociales en tous genres.<br /> <br /> A force de vouloir "gérer", mettre la main sur, tous les aspects de la vie humaine (la maladie du management généralisé), on tue l'Homme. Personnellement, je n'ai pas envie de mourir... de cette mort là, en tout cas. Comme disait J.K. Rowling dans "Harry Potter", par personnage de Dumbledore interposé, il y a des choses bien pire que la mort du corps charnel, et je souscris à cette foi là, qui a des racines qui remontent très loin dans le temps.<br /> <br /> Et oui, ça fait de moi un ovni, et même un fou d'un Roi qui n'est plus sur l'échiquier, mais mieux vaut ça que ce que le totalisant totalitarisme des sciences de tout et pour tous nous inflige comme souffrance.<br /> <br /> <br /> <br /> Fin de sermon pour aujourd'hui. ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Et bonne année. Bon courage. Et puis... il faudrait sortir de la tête que les retraités sont des INACTIFS PASSIFS, parce que les nobles associations carburent avec la main d'oeuvre, le dévouement, la vocation des retraités. Puisqu'on n'a jamais pu sauver QUE la personne singulière qui voulait bien être sauvée, (et pas des catégories de personnes, ça ne marche pas à la longue) n'est-ce pas juste, finalement, que la relation du soutien scolaire puisse être le cadre où une passion, ou un enthousiasme émerge entre les acteurs des différentes générations ?<br /> <br /> La force du pouvoir qui n'est pas devant les caméras et sur la scène publique peut bien égaler, voir dépasser celle qui se donne en spectacle. Le monde en a toujours été ainsi, et je parie qu'il le restera. Le monde a besoin des deux pouvoirs, chacun à sa place.
Répondre
C
Merci de votre réponse.<br /> <br /> Je peux entendre la réserve quant au choix des professeurs par les élèves mais me suis-je fait comprendre quant au nombre décroissant? Ce sont les professeurs les plus choisis qui ont le plus d'élèves. (En outre, dans le cadre de la formation des futurs enseignants, ce sont eux qui reçoivent les stagiaires pour des unités validantes... Chapitre Formation.)<br /> <br /> En vrac, aussi... pour vous amuser, dans le cadre des évaluations des agents du système, toute injonction pédagogique (type il faut "motiver" les élèves) devra donner lieu à validation par l'injoncteur dans une classe de zone "sensible", sur un de ses domaines de compétences qu'il estimera fondamental à transmettre. ( La classe sera fermée à clé de l'extérieur du début à la fin de la séquence.)<br /> <br /> Pour votre domaine de travail, connaissez vous l'expérience " Territoires Éducatifs" en Ariège ? (L'idée étant toutefois plus dans la cohérence éducative des divers acteurs de territoire que de l'autonomie des établissements.)
Répondre
C
Pas se décourager. J'ai testé dans un cadre, pour le moment associatif, une proposition de réorganisation globale "révolutionnaire" de l’École Publique. J'y ai intégré votre différenciation d'avancée dans le système à la fois en homogénéité de compétence et hétérogénéité d'âge pour les disciplines dites fondamentales ( que je me plais à dire instrumentales) et en homogénéité d'âge et hétérogénéité de compétence pour la "connaissance du monde". Comme idées qui n'ont pas été jugées farfelues j'ai proposé entre autre : un capital en unités éducatives égal pour tous, à pouvoir "consommer" de 3 ans à sa mort ( un choix démocratique du meilleur camarade associé aux évaluations professorales permettant d'augmenter ce capital); des évaluations plurielles des acteurs du système ( toujours en partie descendante hiérarchiquement mais aussi ascendante et horizontale); d'accorder aux professeurs (polyvalents) jusqu'à la pré-professionnalisation ou la préparation universitaire ( seconde actuelle) le choix d'une part des contenus à transmettre; d'associer démocratiquement à ce choix, progressivement, les élèves; de leur permettre (à partir du collège actuel) le choix des professeurs qui leur sont proposés (avec une réciprocité pour les plus choisis) et des nombres d'élèves décroissants en fonction de ces choix; à partir de 15 ans, de pouvoir continuer son instruction par une immersion contrôlée dans le monde du travail (entreprise, collectivité territoriale, associatif, système éducatif, au sein de la famille) sans être rémunéré mais sans consommer son capital en unités éducatives et pouvant donner lieu à VAE; une péréquation des allocations familiales en fonction de la scolarisation dans le public, privé sous contrat ou autre (se substituant à la fin des contrôles inutiles des non scolarisés)... Une réflexion sur les pratiques et leur réelle efficacité (entre autres les corrections "classiques" des travaux individuels) ... Bref, je rêve... et ça a plu. :)
Répondre
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité