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AutreMonde
19 septembre 2007

La vérité ou presque ...

Le film ainsi titré de Sam Karman vient de bénéficier d’une critique qui m’a d’abord semblé excellente dans Télérama, non en ce sens qu’elle proclamerait qu’excellent, ledit film l’est - dans la classification iconique de l’hebdomadaire, le verdict est seulement “Pas mal” - mais par l’effort à première vue assez réussi qui y est fait de restitution fine des fils conducteurs du scénario et de la mise en scène. À première vue. Mais ensuite?

Cinq personnages principaux, plus trois autres, secondaires mais non négligeables. Anne a été mariée à Marc qui s’est remarié avec Caroline qui a couché une fois avec Thomas, nouvel époux depuis dix ans d’Anne qui se laisse, elle, néanmoins aller à recoucher avec Marc, tandis que débarque Vincent dont la bonhomie homosexuelle et lumineuse conduira Anne à la tendresse confiante et poussera Marc à l’expérience crapoteuse. Voilà pour les principaux.
Rose-Marie a été le professeur d’Anne, Lucas est le petit ami de Vincent, Mélanie gère avec Lucas une boutique d’improbables antiquités à moins que ce ne soit d’incertains arts de la décoration, j’ai mal compris. Mélanie est lesbienne et ma foi Rose-Marie, qui fait des succès de librairie en mettant en mots le deuil qu’elle affiche de son mari mort, peut-être bien (certainement!) aussi, et plus encore, par la grâce de la première .... Cela nous fait trois secondaires.
Et puis il y a Gérald, que j’allais oublier. Il va sur les dix ans. C’est le fils d’Anne et de Thomas. Il a l’obésité pâtissière et précoce, revêche et revendicative aussi, dans le rejet maternel, sous l’œil tolérant de papa....

Anne fait dans la télévision, Thomas dans la littérature (côté profs), Vincent aussi (côté biographes), Marc est plutôt dans l’architecture (ou plus largement le BTP), Caroline se contente de sa grossesse. Anne a l’angoisse speedée, Thomas l’indulgence compréhensive, Marc le téléphone greffé à l’oreille, Vincent la gay-attitude élégante et Caroline ... est enceinte.

On se croise, on s’observe, on se frôle, on s’interroge et on vit, dans une inquiétude sexuelle constante, une petite crise collective qui trouvera, après son paroxysme en quelques péripéties fiscales et météorologiques, dans l’heureux aboutissement d’une enquête jazzy qui sert de joli fil conducteur à la partie émergée du scénario, son apaisement, que signe une happy-end un peu convenue valorisant la philosophie du “Moins on en sait, mieux on se porte”....

Tout ça, au fond, Télérama (Guillemette Odicino-Olivier) le dit fort bien. Mieux même, dans une approche plus aérée et un hommage aux comédiens qui va très au delà - et c’est justice - de la grimace de modeste contentement exprimée par le petit bonhomme qu’utilise l’hebdomadaire pour synthétiser graphiquement ses opinions cinématographiques.

Néanmoins ... c’est dans cette volonté de dédramatisation des conduites - un peu marginales face aux conventions de comportement qu’ils maintiennent par ailleurs - où les personnages se laissent entraîner par leurs inclinations ou leurs curiosités sexuelles (peut-être par une vague lassitude et l’incertaine envie d’en connaître un peu plus), c’est dans cette volonté disais-je, ou dans ce constat que rien finalement n’a de véritable importance, que le film est un peu ambigu. Peut-on réellement, avec sérénité, s’épanouir dans le flottement d’existences à vérités multiples, partielles, parsemées de demi-essais, de demi-succès, de demi-échecs, ni vraiment très content, ni vraiment très déçu, ni vraiment là, ni complètement ailleurs? Sam Karman semble affirmer que oui. Ou bien s’agirait-il non de s’épanouir, mais d’accepter la vie, soi, et du coup les autres, dans l’insincérité bonasse d’un compromis apaisé, tissé de micro-satisfactions ponctuelles, de petits détours discrets, de courts passages furtifs derrière le rideau, de demi-mensonges affables? On est ici très loin des dessous sulfureux de la bourgeoisie truqueuse et guindée de Chabrol. On ment, on ment tout le temps, bien sûr. Mais si l’on cède, avec une gentille constance, à sa dimension sexuelle, elle est petite et tout étriquée, craintive et minorée, on ne sait pas lui dire non mais elle ne pèse rien, ce sont petites choses, à moitié abouties, on baise un peu, comme ça, mais au fond rien ne vaut et pourquoi faire un drame?

À y mieux réfléchir, ce personnage de Gérald, ce gros gamin joufflu qui ne pense que bouffe et qui fait des gâteaux, peut-être est-ce lui, le véritable sens caché du film, sa clé d’interprétation. Sa gourmandise enfantine, c’est peut-être notre sexualité adulte à venir. Il est enfant, il peut l’afficher tout comme il peut, déchargé par ailleurs de responsabilités, s’y consacrer. Il va franchir la puberté, la chair va remplacer le sucre, les soucis de l’insertion professionnelle vont venir, le désir de s’intégrer socialement va développer les comportements conventionnels, des équilibres s’installent, fragiles, à respecter, mais l’hormone est tapie et elle est là, qui veille et guette l’occasion, sans trop d’excès quand-même, car le gros garçon était au fond un bon garçon, il restera adulte modéré. Pas de vague bien sûr, mais un éclair au chocolat, un mille-feuilles, de loin en loin, ça ne peut pas faire de mal, il suffit de ne pas le crier sur les toits ... et de remettre à temps de l’ordre à sa tenue. Il y a toujours un bon embouteillage pour justifier un petit retard ....

On serait dans le doux-amer ? Et dans les petits dérapages sans réel enthousiasme, sans réelles conséquences et sans aspérités? Pourtant la vie n’est pas tout à fait ça. Et Sam Karman a fait jouer à ses acteurs, Karin Viard, François Cluzet, André Dussolier et quelques autres, tous formidables, une petite comédie dont on sort enchanté mais qu’en fait nul, dans cette demi-teinte, ne saurait vivre. Non, non, “La vérité ou presque”, c’est presque la vérité, mais seulement presque. Ou alors ...

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