Remarques (II) ...
J’entendais rappeler ce matin à la radio - avec transposition au couple Sarkozy/Fillon - ce mot de Renaud Muselier du temps qu’il faisait équipe avec Dominique de Villepin (sauf erreur aux Affaires étrangères) : Il fait tout, je fais le reste. La réussite concise de certaines formules m’enchante. J’ai trouvé celle-là excellente .
À propos de Sarkozy, les lecteurs du Monde sont étonnants de mauvaise foi si on se fie au billet hebdomadaire du médiateur (Véronique Maurus) dans sa livraison de ce week-end. Dans l’embrouillamini qui a accompagné l’éviction de Colombani et d’où émerge finalement à la tête du journal une sorte de triumvirat, un courrier semble-t-il abondant est venu affirmer l’indécence de la présence à la barre du conseil de surveillance d‘Alain Minc, essentiellement coupable d’avoir explicité son soutien à Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle. L’atteinte à l’objectivité , à l’indépendance, du quotidien fait le fond des critiques.
Amusant de voir le lectorat largement bobo et consentant d’un organe de presse qui d’évidence penche à gauche et a - après avoir un peu boudé et lorgné du côté de Bayrou - appelé à voter Ségolène, hurler au crime contre l’honnêteté et à l’assassinat déontologique pour une prise de position qui n’a que le tort de n’être pas la sienne. Le persiflage du Monde à l’endroit de Sarkozy a été - voire: est - une constante de la rédaction et son hyperactivité plus souvent qu’à son tour moquée. Mais là, tout allait et va bien, sur le principe trop connu: Être indépendant, objectif, c’est partager mon point de vue. Agaçant quand même.
Cela dit, nous en sommes tous là. Vieux lecteur du journal, je me régalais en 1985 des investigations anti-mitterrandiennes d’Edwy Plenel lors de l’affaire du Rainbow Warrior et les disputes familiales allaient bon train, tout le monde votant à gauche, mais les uns fascinés par l’artiste de l’Élysée et les autres, dont j’étais, électeurs à reculons d’un personnage honni. Le Monde cet automne-là fut selon les premiers un torchon inqualifiable, un exemple pour la profession selon les seconds!
En attendant, ce ne sont pas les archives exhumées de l’Élysée pour la période Rwanda de la fin du second septennat de Mitterrand qui vont me le remettre en odeur de sainteté. Les thuriféraires, s’il en reste, vont pouvoir faire profil bas et l’insolente aptitude au mensonge à quoi nous avions confié le pouvoir attriste encore une affaire qui n’en avait pas besoin.
Bernard Debré l’autre jour, invité de France-Inter, affirmait que leur appartement de l’époque donnant sur les jardins, son frère et lui, appelés par leur mère intriguée du manège, avaient sans en comprendre alors la portée assisté en octobre 1959 de derrière leurs rideaux aux répétitions de l’attentat de l’Observatoire, Mitterrand s’entraînant à sauter la grille basse pour échapper, accroupi derrière les buissons, à la vindicte supposée de quelques complices-mitrailleurs (sept impacts de balle dans sa 403 quelques jours plus tard). On sourit aujourd’hui. Mais la morale, là-dedans? La politique ne mourra pas de ses excès de vertu...
Et Darcos dans tout ça?, comme Jacques Chancel au sommet de sa gloire terminant ses radioscopies par: ... et Dieu dans tout ça? Outre que Darcos n’a qu’un très lointain rapport avec Dieu, il ne risque pas, lui, de mourir d’excès d’imagination. L’année scolaire se termine, les médias bruissent un peu de baccalauréat, Aschiéri se demande si l’annonce des 10000 postes en moins à la rentrée 2008 est une aubaine syndicale, et sous un crachin qui fait soupirer, après Christiane Rochefort en d’autres temps, Encore heureux qu’on va vers l’été, la perspective de la coupure des grandes vacances - qui le sont d’ailleurs de moins en moins - dilue les bonnes volontés dans l’assoupissement des velléités réformistes ministérielles, s’il y en eut.... Navrant. Les problèmes éducatifs relèvent des marronniers journalistiques. On en reparlera un peu en septembre. Le baccalauréat aura sans doute fait ses 81 ou 82% de diplômés sans grands contenus et rien, au fond, ne changera.
Alain Peyrefitte vaticinait: Quand la Chine s’éveillera... Il semble qu’on soit un peu en voie de ce côté là. Et du nôtre? Quand la salle des profs s’éveillera..? On ne peut rien espérer que des établissements eux-mêmes et de prises de conscience locales. Et c’est un pari bien risqué. La subsidiarité, c’est à dire le transfert à l’échelon de leur efficacité optimale des responsabilités et des choix, ne parvient pas à entrer dans le champ de vision de l’administration centrale et je crois que, partant, le système est bloqué. Affirmation qui fleure fort son élitisme larvé et son crypto-mépris du corps enseignant, je crois que ceux qui pourraient penser la réforme (la refonte!) du système n’ont pas l’expérience du terrain qui seule ouvre les bonnes pistes, et que ceux qui sont sur le terrain, globalement, n’ont pas les moyens de la penser et s’enlisent dans la déploration et le passéisme revendicateur. Difficile, vraiment. Et Darcos ne me paraît pas être pour le moment, par son non-discours, l’homme de la situation. Où sont les idées?
L’effritement de la culture est quelque chose de désespérant. Mais il ne faut pas vouloir l’endiguer par l’apport de matériaux excessifs, il faut modestement valoriser le plaisir qu’elle procure, les plaisirs qu’elle ouvre. Éveiller la curiosité, montrer que d’humbles outils peuvent conduire à des réussites notables, faire réfléchir. Souligner aussi que plus on apprend, moins on sait, et que c’est très bien ainsi. La certitude est le douloureux privilège de l’imbécile. Tout cela s’enseigne en classe, pas à pas, lentement, et il faut rêver d’une école où des maîtres compétents recommencent à le mettre en œuvre collectivement, en équipe, dans la foi renouvelée de pionniers qui ont à rebâtir une société aux repères incertains mais, j’en suis persuadé, chez les jeunes, à l’appétit et à l’attente intacts.
On est loin des pourcentages au baccalauréat. On est tout près de la nécessité de faire lever une armée de jeunes maîtres entre les mains desquels déposer l’autonomie des établissements et l’avenir. Combien de violences inutiles et d’échecs dommageables va-t-il falloir pour qu’en éclose l’évidence?