Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
3 juillet 2007

Remarques (II) ...

J’entendais rappeler ce matin à la radio - avec transposition au couple Sarkozy/Fillon - ce mot de Renaud Muselier du temps qu’il faisait équipe avec Dominique de Villepin (sauf erreur aux Affaires étrangères) : Il fait tout, je fais le reste. La réussite concise de certaines formules m’enchante. J’ai trouvé celle-là excellente .

À propos de Sarkozy, les lecteurs du Monde sont étonnants de mauvaise foi si on se fie au billet hebdomadaire du médiateur (Véronique Maurus) dans sa livraison de ce week-end. Dans l’embrouillamini qui a accompagné l’éviction de Colombani et d’où émerge finalement à la tête du journal une sorte de triumvirat, un courrier semble-t-il abondant est venu affirmer l’indécence de la présence à la barre du conseil de surveillance d‘Alain Minc, essentiellement coupable d’avoir explicité son soutien à Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle. L’atteinte à l’objectivité , à l’indépendance, du quotidien fait le fond des critiques.

Amusant de voir le lectorat largement bobo et consentant d’un organe de presse qui d’évidence penche à gauche et a - après avoir un peu boudé et lorgné du côté de Bayrou - appelé à voter Ségolène, hurler au crime contre l’honnêteté et à l’assassinat déontologique pour une prise de position qui n’a que le tort de n’être pas la sienne. Le persiflage du Monde à l’endroit de Sarkozy a été - voire: est - une constante de la rédaction et son hyperactivité plus souvent qu’à son tour moquée. Mais là, tout allait et va bien, sur le principe trop connu: Être indépendant, objectif, c’est partager mon point de vue. Agaçant quand même.

Cela dit, nous en sommes tous là. Vieux lecteur du journal, je me régalais en 1985 des investigations anti-mitterrandiennes d’Edwy Plenel lors de l’affaire du Rainbow Warrior et les disputes familiales allaient bon train, tout le monde votant à gauche, mais les uns fascinés par l’artiste de l’Élysée et les autres, dont j’étais, électeurs à reculons d’un personnage honni. Le Monde cet automne-là fut selon les premiers un torchon inqualifiable, un exemple pour la profession selon les seconds!

En attendant, ce ne sont pas les archives exhumées de l’Élysée pour la période Rwanda de la fin du second septennat de Mitterrand qui vont me le remettre en odeur de sainteté. Les thuriféraires, s’il en reste, vont pouvoir faire profil bas et l’insolente aptitude au mensonge à quoi nous avions confié le pouvoir attriste encore une affaire qui n’en avait pas besoin.
Bernard Debré l’autre jour, invité de France-Inter, affirmait que leur appartement de l’époque donnant sur les jardins, son frère et lui, appelés par leur mère intriguée du manège, avaient sans en comprendre alors la portée assisté en octobre 1959 de derrière leurs rideaux aux répétitions de l’attentat de l’Observatoire, Mitterrand s’entraînant à sauter la grille basse pour échapper, accroupi derrière les buissons, à la vindicte supposée de quelques complices-mitrailleurs (sept impacts de balle dans sa 403 quelques jours plus tard). On sourit aujourd’hui. Mais la morale, là-dedans? La politique ne mourra pas de ses excès de vertu...

Et Darcos dans tout ça?, comme Jacques Chancel au sommet de sa gloire terminant ses radioscopies par: ... et Dieu dans tout ça? Outre que Darcos n’a qu’un très lointain rapport avec Dieu, il ne risque pas, lui, de mourir d’excès d’imagination. L’année scolaire se termine, les médias bruissent un peu de baccalauréat, Aschiéri se demande si l’annonce des 10000 postes en moins à la rentrée 2008 est une aubaine syndicale, et sous un crachin qui fait soupirer, après Christiane Rochefort en d’autres temps, Encore heureux qu’on va vers l’été, la perspective de la coupure des grandes vacances - qui le sont d’ailleurs de moins en moins - dilue les bonnes volontés dans l’assoupissement des velléités réformistes ministérielles, s’il y en eut.... Navrant. Les problèmes éducatifs relèvent des marronniers journalistiques. On en reparlera un peu en septembre. Le baccalauréat aura sans doute fait ses 81 ou 82% de diplômés sans grands contenus et rien, au fond, ne changera.

Alain Peyrefitte vaticinait: Quand la Chine s’éveillera... Il semble qu’on soit un peu en voie de ce côté là. Et du nôtre? Quand la salle des profs s’éveillera..? On ne peut rien espérer que des établissements eux-mêmes et de prises de conscience locales. Et c’est un pari bien risqué. La subsidiarité, c’est à dire le transfert à l’échelon de leur efficacité optimale des responsabilités et des choix, ne parvient pas à entrer dans le champ de vision de l’administration centrale et je crois que, partant, le système est bloqué. Affirmation qui fleure fort son élitisme larvé et son crypto-mépris du corps enseignant, je crois que ceux qui pourraient penser la réforme (la refonte!) du système n’ont pas l’expérience du terrain qui seule ouvre les bonnes pistes, et que ceux qui sont sur le terrain, globalement, n’ont pas les moyens de la penser et s’enlisent dans la déploration et le passéisme revendicateur. Difficile, vraiment. Et Darcos ne me paraît pas être pour le moment, par son non-discours, l’homme de la situation. Où sont les idées?

L’effritement de la culture est quelque chose de désespérant. Mais il ne faut pas vouloir l’endiguer par l’apport de matériaux excessifs, il faut modestement valoriser le plaisir qu’elle procure, les plaisirs qu’elle ouvre. Éveiller la curiosité, montrer que d’humbles outils peuvent conduire à des réussites notables, faire réfléchir. Souligner aussi que plus on apprend, moins on sait, et que c’est très bien ainsi. La certitude est le douloureux privilège de l’imbécile. Tout cela s’enseigne en classe, pas à pas, lentement, et il faut rêver d’une école où des maîtres compétents recommencent à le mettre en œuvre collectivement, en équipe, dans la foi renouvelée de pionniers qui ont à rebâtir une société aux repères incertains mais, j’en suis persuadé, chez les jeunes, à l’appétit et à l’attente intacts.

On est loin des pourcentages au baccalauréat. On est tout près de la nécessité de faire lever une armée de jeunes maîtres entre les mains desquels déposer l’autonomie des établissements et l’avenir. Combien de violences inutiles et d’échecs dommageables va-t-il falloir pour qu’en éclose l’évidence?

Publicité
Publicité
Commentaires
S
Je ne peux pas dire: "Après vous" car, lecteur du Monde, je vous "connais" . Il n'y a nulle erreur de votre part. <br /> Pourquoi savoir qui parle? <br /> Il est vrai qu'au travers des très nombreuses propositions - refusées - que j'ai adressées au journal et si j'en juge par ce qui est publié - et signé - en "Débats", le "Qui parle?" me paraît souvent primer le "Que dit-il?" .... <br /> Mais merci pour votre intérêt. Cordialement.
Répondre
L
Bonjour,<br /> Votre blog me paraît intéressant. Mais je trouve très perturbant que (sauf maladresse informatique et donc erreur de ma part) vous ne vous présentiez pas.<br /> Bien cordialement.<br /> Luc Cédelle
Répondre
S
Certitudes? La douleur, en fait, était pour moi, pour vous, pour l'autre, qui subit.<br /> Salle des profs? Vous donnez la réponse vous-même: l'affaire n'a de sens que dans la perspective et par la vertu et dans le cadre de la mise en place préalable d'une refonte radicale du système, d'un renouvellement de la formation et du recrutement des enseignants, d'une redéfinition de la notion de service, bref d'une révolution accouchant d'une autre Éducation Nationale. Ce qui peut-être nous distingue, c'est que je crois cette révolution possible, éventuellement par le haut. Donc un messie? Pourquoi pas. Plus simplement et plus dangereusement un raz-de-marée incontrôlable des ras-le-bol d'où émergeront dans la nécessité, le dos au mur, des leaders locaux? Qui sait? Je doute quoi qu'il en soit qu'on puisse continuer à l'identique sans dégâts. L'idéal serait une vraie prise de conscience politique, en quoi la gauche ne cesse de faillir. Dommage.
Répondre
C
Confortables certitudes et Salle des Profs.<br /> <br /> Je lis toujours avec intérêt vos messages. <br /> Je suis très souvent en accord avec vos analyses et parfois jaloux de l’originalité de vos propositions.<br /> Fin des amabilités.<br /> <br /> 1- "La certitude est le douloureux privilège de l’imbécile."<br /> J’ai tout d’abord été séduit par la formule, prêt à la glisser négligemment dans une conversation en donnant l’illusion d’une «création philosophique» spontanée.<br /> Mais à la réflexion je crains l’ambiguïté de «douloureux privilège» car la certitude n’est pas à mon avis douloureuse mais au contraire très confortable. Elle est le fond de commerce des religions qui donnent des réponses toutes faites à nos questions sans réponses.<br /> Aussi je propose : «Heureux les simples d’esprit, le confort béat des certitudes leur appartient.»<br /> <br /> 2- "Quand la salle des profs s’éveillera..?"<br /> Sans modification radicale du système (Votre suggestion d’élection des chefs d’établissement par les enseignants eux mêmes, me convient) ou de leur contrat de travail : jamais.<br /> Car la Salle des Profs est tout le contraire de ce qui à peut être induit le réveil de la Chine, ce mélange de dictature politique et de libéralisme économique. (Je ne me prononcerai pas sur ce que pense l’immense majorité des Chinois de ce «réveil»)<br /> Malgré les lourdes frustrations actuelles des professeurs, dans le contexte difficile du «marché du travail», le statut protecteur de salarié de la fonction publique évite leur révolte constructive. Et l’administration, impuissante à dynamiser les «passifs» n’apporte aucun vrai soutien aux initiatives volontaristes pour que leurs auteurs, dans leur solitude, aient le sentiment d’être, pour le moins, encouragés et reconnus. <br /> <br /> C’est pour cela que je ne crois pas, comme vous, que le « déclic » pourra venir des équipes éducatives elles mêmes car, en fait, trop rares.<br /> Et que j’espère une mobilisation de la société civile comme ce fut le cas autour de <br /> l’appel de Jean Massé.<br /> Mais je reconnais que ça tient de l’attente du messie.
Répondre
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité