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AutreMonde
27 juin 2007

Remarques ...

L’autre dimanche dans le RER B, un jeune homme s’est fait “dépouiller”. Il était midi et demie. Porte-monnaie et téléphone portable. Ils étaient deux, menaçants. Pas mal de monde dans la rame. Personne n’a bougé. Le témoin qui m’a raconté l’incident n’en était pas fier. La ligne est pourtant très tranquille, mendicité épisodique, mais pas de bandes .. Et voilà.. De toute façon, nous y allons. Quand on voit le désarroi de ceux qui ont vu, et qui se remettent mal de n’avoir pas su dépasser l’impuissance collective, toutes opinions “de gôche” sous le coude, on se sent pris de l’envie de sortir armé. Pourquoi le nombre ne prend-il pas conscience de sa force? Pourquoi ce succès assuré des minorités violentes? Peut-on endiguer le retour des barbares? Et que peut, là, l’école?

La réforme universitaire est dans les pages Débats du Monde de ce 27 juin. Un témoignage y trône, sidérant, sur les pratiques d’embauche au niveau professoral. Si-dé-rant! Les magouilles y semblent tenir un tel rang qu’on en vient “à recruter sur un poste de langue étrangère une personne (très sympathique) qui présente l’intéressante particularité ... de ne pas connaître la langue en question”. L’article est signé. Il y aura sans doute des retours. Qu’ajouter?

C’est Alain Bentolila qui met l’accent sur une évidence trop occultée: le supérieur est malade de l’école. En affirmant: un tiers des étudiants ne sont pas bien préparés par le primaire et le secondaire, il me paraît bien optimiste... et en porte-à-faux. Sa conclusion d’ailleurs montre clairement l’erreur de fond qui ruine toutes les idées de réforme du secondaire: En bref, nous sommes placés devant un choix simple. Ou bien nous nous battons pour qu’école, collège et lycée construisent un socle ambitieux et dûment vérifié de savoirs et de savoir-faire indispensables à la poursuite d’études supérieures, ou bien nous interdisons à un tiers de nos bacheliers l’entrée dans une université qu’une autonomie bien utilisée aura rendue digne du nom qu’elle porte.

Il est absurde de construire un système éducatif dont chaque palier n’a pour finalité que l’accès au palier supérieur. La notion de scolarité obligatoire impose la fusion de l’école et du collège en une école de la formation citoyenne. L’objectif de la scolarité obligatoire n’est pas le baccalauréat! L’objectif du Lycée n’est pas la licence! L’objectif de la licence n’est pas le doctorat! Ces sottes fuites en avant créent des échecs inventés là où pourraient s’élaborer des réussites modestes et solides. Tout le monde est perdant.

Sélection est un mot interdit. Il faut donc se l’interdire, et parler, pour aborder toute étape, de la nécessité de préalables garantis. Et il faut reconstruire un système qui puisse assurer la solidité des acquis d’une certification de fin de cycle sans prétendre en faire une condition suffisante de succès pour le cycle supérieur. C’est pourquoi je plaide, dès la scolarité obligatoire, pour des formations modulaires, où un certain nombre d’unités de valeur acquises vaudra certification de niveau pour tel palier, c’est-à-dire bon de sortie pour une activité professionnelle avec bagage garanti, mais où l’accès au palier suivant ne s’ouvrira que sur la possession d’unités de valeurs autres ou complémentaires, spécifiques des apprentissages à venir. Sélection? Non, progression critériée, choisie, maîtrisée, fonction de ses investissements personnels et de ses aptitudes.

Il y a parfois chez nous, au détriment de la solidité, une hystérie de l’élitisme revanchard. Ecœurés par le délitement auquel conduit l’échec patent d’un enseignement de masse incapable d’adapter ses méthodes à ses missions, certains, perdant toute mesure, hypertrophient l’exigence pour stigmatiser d’autant l’effondrement du niveau des acquis.

Je feuilletais le blog de JP Brighelli. Il a la charge entre autres d’enseigner le français dans une classe préparatoire scientifique et il discutait des thèmes qu’auraient à aborder l’an prochain ses élèves, tirant de ce qu’ils allaient étudier l’Horace de Corneille (1640) quelques réflexions sur l’impact éducatif du “héros” (avec référence à Quinte-Curce (fin du 1er siècle après J.C.) et ses Histoires d’Alexandre le Grand [De rebus gestis Alexandri magni regis Macedonum]... ). Fort bien. Mais en guise de conseils de lecture préalable pour l’été ou de champ de connaissances à balayer voici que surgissent , au bénéfice de ses élèves,Tite-Live (avec prétérition sur Denys d’Halicarnasse (1er siècle avant J.C. Historien grec venu à Rome. Auteur des Antiquités Romaines)!), Corneille et la dialectique du héros (de Doubrovsky), le mythe des Horaces et des Curiaces chez Dumézil (Mythe et épopée), la préface de Georges Couton dans le Corneille de la Pléiade, toute l’Histoire romaine (!), l’Histoire du XVII° siècle (pour le contexte d’écriture et la dédicace de la pièce à Richelieu) et pour faire bon poids artistique, l’Histoire du néoclassicisme en annexant Poussin (vers 1640), Sebastiano Ricci (vers 1700) et David (vers 1800) sur le motif de l’Enlèvement des Sabines joint au Serment des Horaces .... au passage, et sauf la romanité et le bellicisme, que vient “faire sens” ici l’épisode de l’enlèvement des Sabines qui précède d’environ un siècle le combat des Horaces et des Curiaces?

Qu’il y ait là matière à réflexion et (re)mises au point pour l’enseignant chargé du cours ne semble guère discutable. Mais l’élève, le gamin qui a déjà du mal à ne pas faire une vingtaine de fautes d’orthographe dans sa copie double, qu’a-t-il à tirer de ces indications encyclopédiques, sinon un écœurement a priori pour l’étendue de son non-savoir et le découragement propice aux seuls assoupissements de plage? C’est à l’enseignant de tirer de ses vastes lectures ce plus qui maintiendra l’élève au dessus du texte et lui entrouvrira les portes d’une lecture contextualisée et réfléchie. Pour l’engager à cet effort d’attention à venir, mieux vaudrait le guider plus modestement, au besoin lui avoir préparé un petit topo mettant l’affaire en perspective, et pour ce qui est de ses efforts vacanciers, lui recommander déjà la lecture attentive de la pièce avec peut-être, sur le thème du héros et pour une approche d’une autre dimension, le Spartacus de Kœstler...

... et peut-être aussi, pour boucler la boucle, se demander avec lui si ces études de héros littéraires et antiques peuvent se rattacher, et comment, à des attitudes modernes, un dimanche, dans le RER B, quand un grand jeune homme apeuré se fait arracher son portable...

Note  . On trouve par exemple à l’adresse suivante une traduction (de 1659! Pierre de Ryer) du passage de Tite-Live (env. 60 avant J.C. - 17) le plus “concerné”:
http://www.gelahn.asso.fr/docs109.html

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Commentaires
S
Vos remarques sont intéressantes. La thématique locale autour du projet d’établissement est une proposition à la fois, j’en suis d’accord, indispensable et positive. Toute la difficulté est de l’enclencher. Équipe ?<br /> Pour JPB, hors divan du psy, je crois surtout qu’il n’arrive pas à endiguer son pédantisme. Il a la cuistrerie explosive au bénéfice (?) de ses lecteurs. C’est son cinéma. Et je ne lui jette que prudemment la première pierre ...
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C
Dans votre dernier message vous abordez, la peur dans la rue et vous vous (nous) interrogez: «Peut-on endiguer le retour des barbares? Et que peut, là, l’école? »<br /> <br /> Sans aucun doute, malgré ce que l'on pourrait croire, ses différents acteurs y sont, beaucoup plus en sécurité qu’à l’extérieur. <br /> Alors pourquoi titrer:"Peur à l'école"?<br /> <br /> Parce que je crois que la peur, ou plutôt les peurs, de tous ordres, de tout grade, objectives ou subjectives, trop souvent tues, cachées voire niées sont très présentes à l’école, qu’elles touchent quasiment tous ses membres et qu’elles perturbent enfin considérablement non seulement les rapports humains mais surtout son objectif premier: les apprentissages.<br /> <br /> Il me semble qu’un Projet d’établissement qui s’attacherait à rassembler élèves, enseignants, parents,…autour d’une réflexion sur ce thème pourrait donner lieu à une efficace (indispensable?) psychothérapie collective.<br /> Bien sûr il faudrait un minimum d’antidote à la peur: le courage; en pariant que, comme elle, il est communicatif.<br /> Il serait en conséquence facile d’aborder le thème du héros. (D’autant que la télé nous aide…Vous n’avez pas, j’espère, manqué les premiers épisodes de « Heroes »).<br /> Et proposer alors, aux élèves «le Spartacus de Kœstler». (Il me semble que ça fait deux fois que vous en parlez ; encore une fois et j’essaierai –peut être- de faire l’effort de le lire)... «et peut-être aussi, pour boucler la boucle, se demander avec (eux) si (des) études de héros littéraires et antiques (pouvaient) se rattacher, et comment, à des attitudes modernes, un dimanche, dans le RER B, quand un grand jeune homme apeuré se fait arracher son portable...»<br /> <br /> Quant à «l’hypertrophie d’exigence» de JP Brighelli…<br /> Et si elle ne cherchait qu’à masquer un réel et profond déficit de compétence (ou de confiance en soi) pour «tirer de ses vastes lectures ce plus qui maintiendra(it)l’élève au dessus du texte et lui entrouvrira(it) les portes d’une lecture contextualisée et réfléchie»?<br /> Autrement dit : JP Brighelli aurait il peur?
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