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AutreMonde
9 juin 2007

Velléités et Prétéritions [I]

On lit, on réfléchit, on compare, on rassemble les matériaux, on croit se sentir des idées. On se dit: Oui, c’est ça, je tiens une piste, ceci ressemble à cela, je vais faire le rapprochement, tenter le syncrétisme, etc. On ne fait rien. Le temps passe, latence, inertie, flemme vague, intentions molles. On y était presque, mais c’est le presque qui a prévalu. On diffère. On attend. Et l’ineffectué remplace l’inabouti ....

D’une idée l’autre, j’avais dix fers au feu, de longue date ou plus récents. À survoler au début du printemps un blog qui avait partagé mon écoute proustienne au Collège de France, j’étais tombé sur une chapelle “RenaudCamusienne” dont je ne me sentais, Proust écarté, nullement proche, n’appréciant de Camus que l’Albert. On y peut en outre observer, par les commentaires interposés qui y sont déposés, un courant “gay” qui n’est pas de ma rive mais où une allusion élogieuse - et dûment homosexuée - m’avait renvoyé au Spartacus-Kirk Douglas de Stanley Kubrick. Voilà un projet que j’avais eu, et enterré. Au hasard d’un DVD, à l’automne, j’avais revu le film, puis lu le bouquin d’Howard Fast qui l’a inspiré, publié en 1951 . H. Fast s’extirpait alors des “geôles de la chasse aux sorcières” nous précise la quatrième de couverture. Du coup, maccarthysme oblige, j’étais allé voir le fil de Clooney, Good night and good luck, didactiquement tristounet mais informativement intéressant. Et comme j’avais un vague souvenir de lecture au lycée d’un autre Spartacus, celui d’Arthur Kœstler, premier volet (en 1939) de la trilogie qu’allaient compléter Le Zéro et l’infini (1940) puis Croisade sans croix (1943), j’y étais retourné. Le bouquin d’Howard Fast se lit facilement mais enfin, à côté de la profondeur de la réflexion de Kœstler sur les responsabilités du pouvoir, sur la terrifiante responsabilité des porteurs d’espérance, c’est quand même de l’ordre du roman de gare ... Le livre de Kœstler est magnifique et j’étais plein du projet d’en tirer force remarques évidemment pertinentes en emportant Fast, Clooney et Kubrick dans le souffle épique de ma plume inspirée .... Flop!

De même Anatole France. Dans Proust on trouve Bergotte, dont on retient toujours au moins la mort, devant la Vue de Delft de Ver Meer et son petit pan de mur jaune, et de Bergotte on passe à France, qui en fut dit-on chaque fois, le modèle. Et l’envie m’est revenue il y a quelques mois, sans doute sur une réflexion d’Antoine Compagnon, de relire Les dieux ont soif. Le titre est magnifique et terrible, repris d’une formule de Camille Desmoulins, monté sur l’échafaud en 1794, avec Danton et les Indulgents, tous condamnés à mort par le Tribunal révolutionnaire, qui s’étaient trop alarmés des excès de la Terreur pour ne pas en finir victimes. J’ai repris une petite édition de poche (Pierre Citti), très bien faite, avec index terminal fort précieux de noms propres, de Jean Bailly, premier maire de Paris en 1789 (exécuté sur le champ-de-Mars en 1793) à Johann Winckelmann (1717-1768) archéologue, historien, inspirateur du néoclassicisme ... et que j’ignorais. Soixante-dix courtes notices pour accompagner et éclairer les références dont France truffe son texte. Et de ce court roman, par attraction formelle, je suis passé, jetant un œil, le Spartacus en main, sur les “autres ouvrages chez le même éditeur”, à de nouveau Kœstler, un assez gros roman titré, dans sa version française (Denise Von Moppés) Les hommes ont soif (pour, intitulé original: The age of longing, Le temps de la nostalgie, du désir, du regret, littéralement).
Chez France, le parcours obstiné d’Evariste Gamelin et l’engrenage implacable des horreurs et des vanités (nous sommes dans les années de la Terreur) de tout engagement fanatique. Chez Kœstler, une saga plutôt passionnante au bout du compte et la rencontre étonnante d’un parangon du stalinisme et d’une américaine écervelée, sur un fond riche de réflexions politiques désenchantées et de personnages secondaires bien dessinés, multiples, lucides et désespérés. Les Dieux ont soif ... de sang chez l’un. Les Hommes, épuisés de matérialisme plus ou moins dialectique sont assoiffés de transcendance chez l’autre. Je comptais développer. Ça en est toujours là!

De loin en loin, las de trop d’impuissance chronico-constructive, je reprends quelque curiosité pour la rubrique hebdomadaire “Affaire de logique” du journal (Le Monde). Là aussi pourtant, j’ai bien perdu la main et je reste plus souvent qu’à mon tour le bec dans l’eau. Mais enfin, ces petits échecs ne sont pas vraiment frustrants si on sait ne pas s’entêter. L’obstination, qui peut être la planche de salut du chercheur professionnel, est la plaie de l’amateur. Il faut travailler au chronomètre. On se donne vingt minutes et ensuite, basta!, on attend la solution, publiée la semaine suivante.
J’avais ainsi séché il y a deux semaines sur la justification demandée d’un phénomène aisément constatable: quand trois cercles de même rayon ont un point commun, le triangle formé par leurs autres points d’intersection pris deux à deux est inscrit dans un quatrième cercle, toujours du même rayon et dont le centre se construit aisément comme huitième sommet du cube dont le point commun aux trois cercles de départ, leurs trois centres et leurs trois autres points d’intersection pris deux à deux constituent les sept autres sommets en perspective cavalière.
La justification, à côté de laquelle je patouillais en vain dans des directions vagues, est simple et appuyée - pour donner une étoffe un peu savante à une lecture de figure assez directe et directement convaincante quand guidée sans arsenal mathématique lourd - sur le théorème de Pohlke, référence offerte par les auteurs de la chronique avec la mention (le clin d’œil!) : Pour les connaisseurs. On ne trouve guère de renseignements (hors son théorème, daté selon les sources consultées de 1855 ou de 1860) sur Pohlke que je laisserai donc à son oubli biographique.

Mais du coup, ayant pris connaissance de ma maladresse pohlkienne, j’ai regardé l’agréable exercice du jour (c’était mardi 5 juin) : décomposer 30 en somme de trois carrés puis 1/30 en somme des inverses de trois carrés. Allez, là, je me donne la satisfaction très scolaire de devancer pour une fois de soixante-douze heures la correction à venir!
On trouve facilement: 30 = 25 + 4 + 1 soit 30 = 52 + 22 + 12.
À partir de là, il suffit de remplacer 1/30 par 30/302, puis de substituer au numérateur 30 sa décomposition précédente: 1/30 = 30/302 = [52 + 22 + 12]/302
On obtient la somme de trois fractions: 1/30 = 52/302 + 22/302 + 12/302
Soit: 1/30 = (5/30) 2 + (2/30) 2 + 1/302 = (1/6) 2 + (1/15) 2 + 1/302
Soit : 1/30 = 1/62 + 1/152 + 1/302

Amusant, non? ... Ah? Bon, tant pis...


* À suivre *

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