Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
4 juin 2007

Encore la carte scolaire ...

Tout le monde en parle et vise ... à côté. Pas absolument, mais majoritairement. Je n’ai guère entendu que Marie-George Buffet le souligner (sur France-Inter) dans une suffisante clarté: il n’y a là qu’une démarche d’évitement pour ne pas affronter l’évidence de la nécessaire rénovation des fonctionnements pédagogiques.

En titrant son article dans Le Monde du 02-06 “Carte scolaire: poker menteur”, Gérard Aschiéri trouve une bonne formule mais ne l’accompagne ensuite que très incomplètement des contre-propositions indispensables. Dans le numéro de la veille, Xavier Darcos, en pleine crise de langue de bois et prolongeant un précédent accès du même syndrome sur France-Info le dimanche 20/05, avait contourné l’obstacle...

En deux articles (Catherine Vincent et Eric Le Boucher) et un point de vue (Jean-Pierre Boisivon), on trouvait pourtant dans la même période des éléments majeurs portant, par accord ou par réaction, vers une réflexion efficace. Quels sont les points essentiels à dégager en termes de réforme de l’enseignement?

Eric le Boucher (citant Jacques Attali - L’Avenir du travail (Fayard)): ... la très grande majorité des métiers de 2020 n’existent pas aujourd’hui et 80% des connaissances utilisées actuellement seront dépassées dans dix ans. Comment, à partir de là, s’accrocher encore au mythe de la formation “professionnelle” et entonner comme Jean-Pierre Boisivon le couplet: “Les bacs professionnels méritent des filières d’excellence”?

Le seul objectif viable de l’enseignement est de fournir une base de connaissances et de méthodes qui permettront ... de passer sa vie à apprendre. C’est la formation générale qui compte et doit primer, celle qui donne le goût et la curiosité d’aller plus loin, sans direction a priori. D’où l’importance d’un socle commun citoyen, généraliste, ouvert sur le dialogue, la compréhension partagée du monde, la communication informée et tolérante. Cela s’apprend ensemble. Cela justifie la mixité sociale et les classes hétérogènes dans les établissements “où ils sont” et “comme ils viennent”. On peut y consacrer un mi-temps scolaire.

À côté, il faut que chaque élève puisse - second mi-temps - laisser parler ses goûts et développer ses aptitudes dans des directions dont les compétences qu’il y acquerra auront ou non des retombées professionnelles directes mais feront surtout de lui quelqu’un qui a su s’intéresser à un domaine, qui a su commencer à en saisir les arcanes et qui - par les satisfactions obtenues - s’est préparé au mécanisme (et aux joies) des acquisitions à venir.

Mettre en place les deux mi-temps précédents, c’est totalement remodeler l’espace scolaire, la géographie scolaire, la chronologie scolaire, ainsi que le rôle et la mission des enseignants, car tout cela doit s’organiser dans des établissements polyvalents voués dans des emplois du temps à la fois souples et continus à une vie collective regroupant des formateurs et des formés œuvrant dans un même but: ouvrir des pistes à l’intelligence et à l’avenir.

Au lieu de quoi on lit (Catherine Vincent) “l’appel au secours” des enseignants du Collège Georges Pompidou de Villeneuve la Garenne (Hauts de Seine) qui ne s’enorgueillissent pas, après divers incidents graves, d’un viol commis à 11 heures du matin dans l’enceinte du Collège sur une élève de troisième .... 670 élèves et 7 surveillants. Et voilà revenir le problème lancinant du Deus ex machina et, face à une situation dramatique, la seule demande de moyens supplémentaires.

Interpellé au téléphone sur France-Inter un récent matin de la semaine dernière (jeudi ou vendredi; dans l’émission de Nicolas Demorand, entre 8h20 et 9h) par une auditrice professeur de l’établissement, Xavier Darcos a fait semblant de découvrir le problème (le viol date du 10 mai!) et promis, évasif et dilatoire, de se plonger dans le dossier dès son retour au ministère. Il paraissait singulièrement démuni.

Il n’y a pourtant guère que deux choses à dire, devant ces questions de climat violent dans un établissement. Soit surmonter effectivement la difficulté par l’encadrement et multiplier par 5 le nombre de surveillants. 670 élèves, 35 surveillants : un surveillant pour moins de vingt élèves. Voilà le Deus ex machina et, budgétairement, la solution ... immédiatement inapplicable.

Soit reposer le problème en d’autres termes. Il y a probablement, dans ce collège - je n’ai pas le nombre exact - plus d’une quarantaine de professeurs, une cinquantaine peut-être. Avec les surveillants en poste, l’administration et les TOS, l’équipe éducative doit facilement approcher les soixante-dix adultes. Le problème devient: Sur quel mode, dans quelles perspectives, avec quels objectifs et quelle répartition des tâches, 70 adultes peuvent-ils encadrer 670 collégiens dans l’irrespect résolu des programmes et des textes si leur respect est contraire à l’intérêt de la formation, à l’efficacité de l’éducation?

Poser l’affaire en ces termes est de la responsabilité du chef d’établissement, des enseignants, de leurs responsables syndicaux ... C’est le seul moyen de se saisir de la question dans sa globalité et de mettre les instances hiérarchiques (inspection académique, rectorat) au pied du mur. On peut, à 70, encadrer 670 gamins. Mais avec un investissement et une présence qui ne correspondent plus aux maxima de services en cours et pour des activités qui ne pourront pas s’inscrire dans le cadre usuel du déroulé des séquences de classes! Cela vaut la peine d’être “réfléchi”, cela mérite de déboucher sur une véritable proposition de fonctionnement provisoire impliquant toute la communauté éducative au delà de la seule “équipe” (c’est-à-dire s’élargissant aux parents). C’est à mon avis seulement sous cette forme que peut, localement, émerger la nécessité de l’autonomie des établissements et de la globalisation de leurs moyens dans l’incontournable adaptation de leur enveloppe aux missions dont on prétend les charger comme aux difficultés locales.

Soit mettre au pas les gosses, “à l’ancienne’, fantasme de quelques nostalgiques d’une école d’antan largement mythifiée qui ne renaîtra pas de ses cendres, soit repenser les métiers de l’enseignement dans les finalités renouvelées d’une époque ouverte sur l’accès de chacun - et vraiment de chacun, d’où qu’il vienne - au meilleur de ce qu’il peut devenir. Dans le renoncement à beaucoup d’habitudes, dans le sacrifice de quelques acquis et dans l’effort consenti de la nation pour faire d’un corps enseignant mieux formé, mieux payé, mieux reconnu, le constructeur de son avenir, il y a des espoirs à faire lever. Mais il faut peut-être, sans doute, s’il veut être entendu, que le “terrain” prenne d’abord son destin en main, le taureau par les cornes et fasse, dans la douleur, le premier pas.

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité