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AutreMonde
25 mai 2007

À/S Guy Môquet

D’abord deux documents relevés dans Lefigaro.fr ........ [A] La lettre de Guy Môquet à la veille de son exécution Lors d'une cérémonie au Monument de la Cascade du Bois de Boulogne, Nicolas Sarkozy a annoncé que sa "première décision" de président sera de faire lire chaque année dans tous les lycées la dernière lettre du jeune résistant Guy Môquet, fusillé à 17 ans en 1941.   "Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé,   Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas ! J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je l'escompte sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée.   Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.   17 ans 1/2, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine.   Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon cœur d'enfant. Courage !   Votre Guy qui vous aime. Guy   Dernières pensées : Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !" [B] Pourquoi je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet (par Michel Ségal, Professeur de collège en ZEP) Je suis enseignant de collège et je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet à mes élèves. Je ne leur lirai pas parce qu'ils seraient bien incapables d'en comprendre le sens profond, et même d'en comprendre les mots qui la composent ; parce que notre école demande aux enfants de réinventer eux-mêmes les règles d'écriture ou de syntaxe. Je ne la lirai pas parce que depuis une trentaine d'années, l'école leur apprend le mépris du patrimoine et la méfiance du passé. Je ne la lirai pas parce que cette lettre me fait honte, honte de la maturité d'un adolescent il y a plus de soixante ans face à l'infantilisation construite par notre école de ceux du même âge aujourd'hui. Je ne la lirai pas parce que nos enfants ignorent les événements auxquels elle se réfère ; parce que notre école préfère par exemple demander à des enfants d'analyser des « documents » plutôt que de leur enseigner des dates et des événements. Je ne la lirai pas parce qu'il y a longtemps que l'école refuse de transmettre aucun modèle ; parce que notre école n'envisage plus les textes d'auteurs comme des exemples mais comme des thèmes d'entraînement à la critique. Je ne la lirai pas tout simplement parce que notre école a délibérément détruit l'autorité qui pourrait permettre une lecture et une écoute attentives. Je ne la lirai pas parce que, même âgés de 16 ans, mes élèves ne sont que de petits enfants bien incapables d'appréhender son contenu et resteront sans doute ainsi toute leur vie : ainsi en a décidé notre école. Peut-être ne me croyez-vous pas car l'école que connaissent vos enfants ne ressemble en rien à celle que j'évoque ? En effet, j'ai peut-être oublié de vous préciser l'essentiel : je travaille dans une ZEP, c'est-à-dire là où peuvent être appliquées à la lettre et sans risque de plainte toutes les directives ministérielles, là où se préfigurent l'horreur et la misère du monde construit par notre école. Non, Monsieur le Président, je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet tant que n'auront pas été engagées les réformes structurelles du ministère de l'Éducation nationale qui mettront fin à la démence toute puissante des instances coupables des mesures les plus destructrices de tout espoir de justice sociale, tant que n'auront pas été engagées les réformes pour que l'école cesse de conforter les enfants dans leur nature d'enfants, pour que l'école accepte enfin de remplir sa seule mission : instruire. .......... ENSUITE, ESSAYONS UN PEU DE PROLONGER-RÉFLÉCHIR (?)............ La polémique est hasardeuse sur un tel sujet, mais enfin on ne peut pas se contenter de prises de position molles dans le confort des renoncements et de ce point de vue, Michel Ségal a le mérite de dessiner avec fermeté son attitude. Il a donc, de ce point de vue, raison. Et pourtant il a tort. Certes, les lectures et autres minutes de silence obligées à l’école sont la plupart du temps des moments pénibles et j’ai encore le souvenir d’épisodes comme le 11 septembre 2001 ou les attentats de Madrid du 11 mars 2004, face à de petites classes de collège que l’obligation de 60 secondes de mutisme plongeait dans des tortillements pouffants et déconnectait totalement du sujet. Toutes les attitudes imposées par la convention sont guettées par le ridicule et nul ne sait ce qui circule derrière le masque figé des croque-morts.... Mais enfin là, il y a un texte, donc un véritable support, une histoire à raconter et des mises en perspective à faire, et un sens à donner à cette initiative officielle, dont rien n’empêche le professeur de s’attacher à la resituer dans le contexte explicite d’un tâtonnement idéologique face à la question d’une identité française. Le thème est dangereux, pourquoi d’ailleurs il pourrait être intéressant d’en faire un moment de réflexion collective de la classe et de l’équipe pédagogique qui en a la charge. Je prône régulièrement une dichotomie 50/50 franche entre des activités socialisantes de groupe-classe hétérogène et la poursuite de l’excellence individuelle par le biais d’unités de valeur cumulables dans des groupes d’étude homogènes. Il me semble évident qu’approfondir, professeurs et élèves, dans une vraie séquence de présentation et d’échange, la situation créée par la requête officielle de la lecture de la lettre de Guy Môquet est l’occasion d’une activité socialisante qui peut devenir particulièrement fructueuse. Il est vrai que cela requiert des enseignants une forte maturité pédagogique et le sens, aigu, du travail de formation en équipe .... Allons un peu plus loin. Michel Ségal est arc-bouté sur des amertumes que je comprends parfaitement et que je connais. Nul, qui n’a pas pris ces classes de ZEP en main, qui n’a pas connu la bêtise au front bas qui y prédomine, qui n’a pas subi les ricanements insolents des certitudes incultes qui y règnent, ne peut prendre la mesure des dégoûts pédagogiques engendrés. Pourtant, même là, certains jours, des espoirs peuvent naître et des pistes de communication s’esquisser, fragilités fugitives qu’une occasion peut faire saisir. Mais il y faut un travail collectif lucide, assidu, quotidien et la volonté de prendre le contre-pied de ce qu’il affirme quand il écrit: “... dans une ZEP, c'est-à-dire là où peuvent être appliquées à la lettre et sans risque de plainte toutes les directives ministérielles, là où se préfigurent l'horreur et la misère du monde construit par notre école.” Car justement, dans une ZEP - et c’est la force de sa faiblesse - on peut faire “n’importe quoi”. On le fait d’ailleurs, en général individuellement et dans le seul but de survivre, ayant depuis longtemps renoncé à enseigner. Mais voici qu’il nous parle “d’appliquer des directives ministérielles” et déplore ce que construit notre école. Mais qui construit, dans notre école, sinon les professeurs? Et pourquoi les professeurs continueraient-ils à appliquer (à tenter d’appliquer!...) docilement des directives inadaptées, contre-productrices, absurdes et inopérantes? Quand les enseignants se décideront-ils à comprendre qu’il leur suffit d’en décider collectivement pour que, notablement, l’enseignement et leur vie changent de sens? Toujours cette même plainte du “... mais nous sommes obligés de ...”. Le problème qui se pose à Michel Ségal ne doit pas être: “Que fais-je de la lettre de Guy Môquet dans mes classes?” Il doit être: “Quelle position utile à la formation des élèves et au climat de l’établissement pourrait adopter le corps enseignant du collège dans le cadre de cette demande ministérielle? Nous pourrions par exemple consacrer une demi-journée banalisée à cette lettre; envisager des présentations collectives relayées par des ateliers en mobilisant toute l’équipe éducative de l’établissement, avec appel à quelques intervenants extérieurs si nécessaire (parents disponibles, associations, individualités, ...). Reste à discuter de ça au niveau de l’ensemble des collègues....” Le problème est toujours le même: c’est un vrai travail de réflexion et de préparation qui sort des rails. Et sortir des rails .... Ce n’est pas prévu? Et alors ?... Que va dire le chef d’établissement? S’il s’associe et pousse dans le même sens, c’est mieux. S’il est contre, on fait sans lui et on le met en place quand même. Il faut apprendre à être autonome sans attendre l’autonomie! Etc. Michel Ségal se place en position de rouage broyé par un système qui le dépasse. Or le système, c’est lui, s’il s’aperçoit qu’il en est à côté de lui d’autres. N’étant pas déploration mais construction d’une démarche de ressaisissement collectif face aux exigences éducatives, une telle “mutinerie” enseignante ne serait plus que la reprise de pouvoir tranquille du pédagogue au bénéfice de l’enfant. Comment ne pas le voir?
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Commentaires
P
Cette critique de la lecture officielle de la lettre de Guy Môquet devant la jeunesse scolaire peut vous intéresser.<br /> Voici le lien :<br /> http://www.AgoraVox.fr/article.php3?id_article=30449<br /> Cordialement,<br /> Paul Villach
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C
Pas grand chose à dire.<br /> Banalement, trop d'accord.<br /> Ces brèves pour que vous le sachiez et que n'ayez pas l'impression de "prêcher dans le désert".<br /> <br /> Je replacerai en me l’appropriant malhonnêtement: <br /> «… nul ne sait ce qui circule derrière le masque figé des croque-morts... » <br /> <br /> C’est vrai mais ça fait mal :<br /> « …qui n’a pas connu la bêtise au front bas qui y prédomine, qui n’a pas subi les ricanements insolents des certitudes incultes qui y règnent, ne peut prendre la mesure des dégoûts pédagogiques engendrés »<br /> <br /> Je ne crois pas :<br /> « …même âgés de 16 ans, mes élèves ne sont que de petits enfants bien incapables d'appréhender son contenu… »<br /> <br /> Je crois, en revanche, qu’ils haïssent l’école parce qu’ils y sont humiliés depuis des années et qu’ils peuvent se poser en victimes puisqu’on les oblige à y rester.<br /> Aussi, ils ne veulent pas réfléchir, d'abord, parce que pour eux, c’est se soumettre à un «oppresseur». <br /> <br /> Pour cela il me paraît contre productif de maintenir, dans les conditions actuelles, la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans.
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