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AutreMonde
13 décembre 2006

Brighelli et Rebonds (Libération).

Pourquoi tant de haine ?

Puisqu’il faut bien continuer à suivre, malgré parfois les désagréments de l’exercice,  je passe, entre deux activités, chez Brighelli Jean-Paul, pourfendeur émérite du «pédagogisme» et d’Artagnan auto-proclamé de la Résistance Éducative. Enfin, aux dernières nouvelles, ce serait plutôt John Wayne, tant on le sent se régaler de l’assimilation qu’il suggère de son Blog (www.bonnetdane.midiblogs.com) à Fort Alamo.

La référence, en passant, n’est pas nécessairement optimale, tant, dans cette histoire, les chefs firent preuve d’irréalisme et manquèrent de lucidité, allant à la mort - et à la tête de la poignée d’hommes que leur charisme leur avait inféodé - dans cette ivresse des héros qui confine parfois, hélas, à l’imbécillité.

Pour aller au plus court : le Mexique ouvre ses territoires du Nord aux pionniers américains dans les années 1820, y voyant un élément de stabilité face aux révoltes indiennes. Ces nouveaux colons se plient mal à la loi mexicaine et, implantés au Texas, amorcent une sécession dans les années 1830. Des escarmouches se produisent avec les troupes du Général Santa-Anna qui tient le pays, dont l’une autour d’une vieille chapelle franciscaine des environs de San-Antonio, Fort Alamo, déjà. En 1835, le général Sam Houston, qui a fédéré les espoirs des texans, envisage la destruction du Fort et le repli de la petite troupe qui le tient vers le Nord, où il tâche d’organiser une armée. Flottement du commandement, mauvaise prise en compte de l’avancée des troupes de Santa-Anna, qu’on croit encore loin, toujours est-il que quand les patrouilles d’éclaireurs du Fort repèrent l’avant-garde de l’armée mexicaine, fin février 1836, il n’est plus temps d’organiser le départ. Et deux centaines d’hommes ( 187 ou 189 selon les sources, sans compter des femmes, des enfants et … des esclaves noirs, tous non combattants qui seront pour la plupart épargnés) s’enferment dans Fort Alamo. Il y a là, qui vont entrer dans la légende, le jeune lieutenant-colonel William B. Travis (26 ans), avec la garde nationale, Jim Bowie, à la tête des volontaires texans, et David Crockett, sénateur du Tennessee autant que trappeur illustre, qui s’est entouré d’une poignée (une douzaine) de compagnons. Le déséquilibre des forces est invraisemblable : l’armée mexicaine aligne plusieurs milliers d’hommes autour du Fort. Il semble que Santa-Anna ait proposé une reddition. Travis répond par un coup de canon. En retour, Santa-Anna, qui a occupé San-Antonio, fait hisser le drapeau rouge au clocher de la ville: ce sera sans merci.
Le siège va durer treize jours. L’assaut final est donné à l’aube du 6 mars 1836. Le Fort est pris à 21h après une résistance qui cause aux assaillants des pertes énormes et fonde un mythe. Il n’y eut pas un seul survivant parmi les défenseurs.

Deux films se sont essayés à faire entrer l’affaire dans l’histoire du cinéma :
Celui – qui fait référence - de John Wayne en 1960, avec lui-même en David Crockett, Richard Widmark en Jim Bowie et Laurence Harvey en W.B.Travis, et celui de John Lee Hancock en 2004, où Crockett est joué par Billy Bob Thornton, Bowie par Jason Patric et Travis par Patrick Wilson.

JP.Brighelli rêverait-il d’une troisième prise ? Dans quel rôle ?
Avec ceci, que je soulignais plus haut, que rien ne garantit la validité, l’opportunité, le réalisme, l’efficacité ni la pertinence d’une prise de position dont l’horizon reste un désastre. Je parle d’Alamo, Texas, bien sûr. Car sinon, puisqu’il faut un ennemi, je vois mal Philippe Meirieu en général Santa-Anna. Mais qui sait … ?

La brighellienne chronique est titrée «La loi de Murphy». Également désignée par l’acronyme LEM (Loi de l’Emmerdement Maximum), cette pseudo-loi, qui aurait été énoncée en 1949 par un certain Edward A. Murphy Jr. (Capitaine d’aviation ; Edwards Air Force Base) et prétend s’appuyer sur des statistiques solides, affirme en quelque sorte qu’en toutes circonstances, le pire est toujours sûr. Énoncé original : If it can go wrong, it will (Si ça peut tourner mal, ça le fera). C’est, archétypiquement, la loi de la chute des tartines : Toute tartine beurrée (ou confiturée, ou les deux) qui tombe, livrée à elle même, atterrit du mauvais côté.

Tout ceci rappelé, et le pire pédagogique, inévitable comme attendu, étant visiblement, pour Brighelli, l’élection à venir de Sainte – c’est lui qui persifle et du coup sanctifie - Ségolène à la présidence de la République, qu’en est-il du fond de sa chronique ? Deux articles sont attaqués, publiés dans Libération (http// :www.liberation.fr/rebonds/221402 (resp.221404).FR.php), qui argumentent avec (m’a-t-il semblé) modération, autour de la nécessité, peu ou prou, d’aller vers une approche collective des difficultés pédagogiques et donc vers un véritable travail en équipe des enseignants, impliquant davantage de présence « sur site », c’est à dire dans les établissements. Qu’on y mette quelques conditions préalables (de l’ordre de l’aménagement des locaux) et quelques garde-fous n’est que très naturel. Mais l’évidence de cette exigence est telle que le combat frontal, sans discussion et sans nuances, que mènent avec virulence Brighelli et la minorité ( ?) / majorité ( ?) fort peu silencieuse de ses semblables me paraît tout à fait d’arrière garde. Seulement Brighelli est sans doute de ceux qui tiennent à affirmer haut et fort qu’ils préfèrent mourir debout que vivre couchés. Fût-elle, à l’analyse comme à l’usage, assez vide de sens, je dois reconnaître que c’est une formule qui ne manque pas de panache. Comme n’a pas manqué de le noter dans son rapport l’officier mexicain chargé de l’exécution des quelques ultimes combattants de Fort Alamo dépouillés de leurs armes : "Bien que fort malmenés, ces malheureux moururent sans se plaindre et avec une grande dignité". Tête haute et, puisque la brighellienne est des plus fournies, moustache au vent !

Cette histoire de travail en équipe et de présence accrue des enseignants cristallise des crispations que les très grandes difficultés de la situation pédagogique actuelle ne peuvent qu’induire. Mais on peut discuter, écouter, et tâcher de convaincre. Alors, ici, pourquoi tant de haine ? Car objectivement, on en est là. Les camps se déchirent et s’affrontent, la bave à la commissure des lèvres. Bel exemple de dialogue philosophique et de maïeutique en actes ! Dommage.

Je l’ai déjà écrit plusieurs fois, la réaction – restauration que Brighelli appelle (et il le sait, vainement) de ses vœux ne correspond plus aux possibilités de l’époque. La question n’est même pas de savoir si elle serait souhaitable : elle est irréaliste et irréalisable. Et mettre le casoar et les gants blancs pour monter à l’assaut n’y changera rien. Il faut s’adapter, chercher la ligne de moindre résistance et trouver le meilleur (ou le moins mauvais) compromis entre l’exigence de l’écoute fantasmée du disciple attentif, docile, curieux d’apprendre et intelligent qu’espère en nous tout ce pourquoi nous nous sommes formés, et la démission, le renoncement accablé devant le bordel ambiant. Il faut cesser de rêver, non pas « Sauver les lettres » ou « Sauver les maths », mais bien d’abord « Sauver les meubles » ! On rebondira plus tard.

Et on ne sauvera pas les meubles en restant immobiles. Et le dépassement des habitudes acquises, l’acceptation de contraintes imprévues mais porteuses à terme d’un mieux enseigner, sont nécessaires. Et difficiles à insérer dans un système aux inerties gigantesques et aux responsables dépassés. D’où la nécessité, une fois encore, de cesser de se jeter des anathèmes à la figure et d’accepter, sur la base d’une formation des maîtres remise à plat et revue, sur la base de l’exigence préalable de locaux adaptés bien équipés, sur la base d’un réexamen sérieux des salaires, d’accepter donc une autonomie véritable des équipes éducatives et une redéfinition des services, sous la réserve complémentaire d’une reconfiguration (corps d’inspection à redessiner) des structures d’impulsion / suivi / soutien des efforts à venir desdites équipes dans leur réinvention du métier.
Il ne faut pas se battre pour les lettres, les mathématiques ou l’histoire, mais pour l’intelligence et pour la culture, sachant que si l’intelligence est de tous les temps, la culture, quelquefois et en tout cas pour le plus grand nombre, peut éventuellement n’être que du sien.

Words, words, words ? Justement, il serait temps d’en sortir pour les dépasser par l’action. Et on sera, je le crois, plus efficace dans le sens de ce plaidoyer que sabre au clair, dos au mur, Alamo, ou bien encore Waterloo morne plaine, La garde meurt mais ne se rend pas, etc.

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Commentaires
B
Vous parlez dans une autre page (http://ednat.canalblog.com/archives/sorties___spectacles/index.html) du rapport de l'Inspection générale sur l'état de l'enseignement en Corse, et de l'article de mon excellent ami Antoine Albertini (qui m'interviewe dans le n° de décembre du magazine Corsica…) dans le Monde de la mi-octobre.<br /> Dommage que ce soit au détour d'une page culturelle de votre blog, et non dans la rubrique Education. Comme si tout ce qui touche à la Corse avait un parfum ludique — anecdotique, en quelque sorte… Et vous voudriez qu'on ne fît pas sauter vos maisons de coloniaux importés ?!<br /> <br /> Trêve de plaisanterie. Reste à dire que les constats dudit rapport sont vrais (la moyenne du Bac passant magiquement de 8,5 à 10), mais que ce n'est en rien spécifique de la Corse. Que l'état de l'élève corse moyen n'est pas plus reluisant que celui de l'élève continental (j'allais dire "français" — on ne se refait pas) moyen. Que "l'enfant-roi" dénoncé ici est au fond le même que cet autre qui sévit là — cet élève auquel on demande son avis, et dont le droit à l'expression a été entériné, quoi qu'il ait ou n'ait pas à dire, par la loi Jospin. À quand un rapport de l'IG sur l'état de l'éducation en France ?<br /> JPB, qui ne saurait trop recommander la lecture d'un petit ouvrage paru chez Gallimard, dans la collection Découvertes, et intitulé sobrement "La Corse — île de beauté, terre de liberté". Ou, chez le même éditeur, les deux guides parus sur l'île de Pasquale Paoli — écrits par le même… Ou même un roman paru il y a trois ans chez Ramsay, et que l'on peut trouver encore chez les bouquinistes, intitulé "Pur porc" — sur les alentours de l'affaire Erignac.
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B
Juste une précision : l'Alamo de 1960 fut en effet signé par John Wayne himself, mais c'est John Ford qui assura l'essentiel de la mise en scène… Ce même Ford dont je salue bien bas les Cheyennes — une autre histoire de résistance désespérée, parce que la fin heureuse ne trompe personne — il y a un livre à faire sur le fins "simulées", de Tartuffe aux Cheyennes en passant par les Liaisons (et je m'avise au passage que ma bibliothèque idéale n'est pour ainsi dire faite que d'ouvrages à fins "de convention", après une histoire de violence : avez-vous vu ce film de Cronenberg ?).<br /> Alors, je sais bien que le "c'est bien plus beau lorsque c'est inutile" est aussi une pose. Mais j'ai tellement joué, quand j'étais enfant, à faire l'indien mort ou tout au moins assiégé (mon préféré, le Géronimo d'Arnold Laven, avec Chuck Connors dans son seul rôle acceptable), que mourir les armes à la main est chez moi une seconde nature."Et je voudrais mourir un jour sous un ciel rose / en disant un bon mot pour une noble cause".<br /> À ceci près que les pédagogues qui vont revenir en force dans les fourgons de la Sainte Vierge ne me donneront pas même l'occasion de finir en héros — ils m'exileront dans quelque recoin oublié du territoire, parce que je les sais aussi dépourvus de panache que d'intelligence.<br /> JPB
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