Le problème, avec Bayrou ...

Oui, le problème, avec Bayrou, c’est qu’il est totalement dépourvu de charisme. Comment s’intéresser au fond du discours d’un homme qui, dans la forme, affadit tout. Prof, il a dû être ennuyeux, pour ne pas dire chiant. Légèrement sentencieux, comme savent l’être les médiocres pédagogues. Prenez vos Chassang-Senninger (il est un peu jeune pour le Lag&Mich, le Lagarde et Michard de ses aînés de dix ans), Nous allons étudier Ronsard, Mignonne allons voir si la rose, C’est bien non? Et la classe qui somnole et dodeline de la tête, Lycée Marguerite de Navarre à Pau. C’était un lycée de filles, ce me semble, rempli dès lors de petites béarnaises probablement dociles, On aime bien Monsieur Bayrou, Il est si gentil, etc.

Mais comment faire? François Bayrou était l’invité de l’émission “Le Franc-Parler” lundi 25 septembre, entre 19h30 et 20h15, émission pilotée par Stéphane Paoli, avec Raphaëlle Bacqué, du Monde et Laurent Bazin, d’ailleurs (je zappe toujours son média d’exercice). Il a dit des choses fort intéressantes, et d’abord celle-ci: “L’éducation doit être le sujet principal de la présidentielle”. Il a raison, y compris dans les premiers développements qu’il a esquissés de cette affirmation forte, par exemple à propos de la carte scolaire, où sa position anti-Ségo-Sarko est tout à fait recevable, voire la bonne (sous réserve d’examen des suites à donner aux pétitions de principe) . Il a raison, mais ses énonciations mollassonnes le rendent inaudible, l’arc est médiocrement bandé, la flèche, qui part dans la bonne direction, s’épuise et tombe au sol loin du but désigné.

Bayrou, c’est l’homme des bonnes intentions. Il peut être clair dans l’analyse, sa critique sait être affûtée, son art reste velléitaire. L’action échoue chez lui à se mettre en place, et il est alors, comme Achille, “immobile à grands pas”! À preuve, entre autres, son peu remarqué passage rue de Grenelle il y a quoi, quinze ans?

Pourtant il y aurait pour lui de l’espoir! Le vrai, celui qui change de camp et fait changer le combat d’âme! Dans le numéro du Monde daté d’aujourd’hui, on apprend presque tout - page 10 - de sa montée en puissance. Diable! Il y aurait une Bayroumania sur Internet et chez “certains” (c’est bien vague) intellectuels... Il se reconstruit tôt chaque matin, entre six et sept, par le biais de promenades mitterrandiennes dans Paris avec un de ses conseillers (j’espère que l’autre aime ça!), avant de longues et fructueuses heures de rencontres, d’écoute, de visites d’entreprises, et tout ça pourrait porter ses fruits, etc. “Maintenant, il est à la table de jeu...”. Mazette!

Pas si sûr, me semble-t-il, et les médias ne l’aident pas. Dans le bref portrait liminaire de l’invité qui ouvre l’émission déjà citée de France-Inter, ce que le chroniqueur trouvait de plus saillant à souligner, c’était qu’il avait surmonté un rédhibitoire bégaiement de jeunesse. François Bayrou, agrégé des lettres et ancien bègue, comme d’autres sont agrégés et anciens élèves de l’École Normale Supérieure. Et ce détail n’est pas un scoop, on prétendait déjà du temps de Mitterrand que celui-ci avait repéré le handicap surmonté et en avait déduit que le jeune homme irait loin. Un bègue qui ne bégaie plus, c’est une volonté en marche! Voire...

Bayrou a toujours eu droit au coup de pied de l’âne. Il doit avoir la tête de l’emploi. Je me souviens d’une notice du Monde quand il est arrivé au Ministère de l’Éducation nationale, qui tenait sournoisement à préciser son rang d’agrégation, 116ième, histoire de souligner que d’autres sont premiers. De Gaulle est sorti 13ième de Saint-Cyr dans une promotion dont le major était le futur Maréchal Juin. Lequel des deux a le plus pesé sur l’Histoire?

Le problème, avec Bayrou... C’est qu’il ne passe pas la rampe. Dommage, peut-être. On ne saura sans doute jamais, comme on dit par chez lui, si c’était du lard ou du cochon!