NATHALIE AZOULAI / PUBLICITÉ MENSONGÈRE
Le titre m'a séduit. Je ne connaissais pas Nathalie Azoulai, hors la vague familiarité d'un nom déjà entendu. Elle était l'invitée d'Antoine Compagnon à la table ronde marquant la fin du récent Colloque "Proust écrivain" dont j'ai rendu compte par ailleurs :
C'était les 19 et 20 janvier derniers, sous la houlette d'Antoine Compagnon (et alii). J'ai eu, dans un emploi du temps chargé, l'opportunité d'aller entendre A.C. le vendredi mais ensuite, tranquillement, par petits bouts, j'ai tout écouté sur internet, prenant, sans aucun souci de restitution, quelques notes correspondant seulement à l'humeur d'un ressenti d'observation .
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Je l'ai écoutée à cette occasion et j'en ai surtout retenu l'envie de lire un livre au nom si beau (Pris Médicis 2015). La quatrième de couverture m'a fait croire à une sorte de transposition moderne. Il s'agit ni plus ni moins d'un survol biographique informé et, dans les trous de l'historiographie, fictionné à la mode intimiste, du parcours de Racine. Le prétexte moderne m'a paru des plus légers, avec ce ridicule que le Titus d'aujourd'hui s'y appelle Titus (connaissez vous des Titus ? Ma soeur avait un chien de ce nom, un teckel à poil ras particulièrement désagréable) et qu'il renonce à Bérénice pour épargner son épouse légitime, prénommée - la ficelle est un peu grosse! - Roma (j'apprends accablé qu'en 2020, 12 filles ont effectivement reçu ce prénom; pour Titus: 0 ).
L'affaire commence (ci-contre) assez mal, et l'on en a ainsi pour une dizaine de pages. On laisse ensuite ces contemporains embarrassants à leurs malheureuses amours et l'on part trois siècles et demi en arrière rejoindre Jean Racine. Pour qui a envie - et j'en avais envie - de retrouver ses souvenirs de la classe de première, du temps qu'on y étudiait sérieusement les classiques (Nathalie Azoulai elle-même, ancienne élève de l'ENS de Saint-Cloud, a une agrégation de Lettres modernes), la suite retient l'intérêt et la lecture est très agréable, attachante, d'un Racine complexe et tourmenté, que l'on suit de son éducation à Port-Royal à ses réussites mondaines, théâtrales, courtisanes et sentimentales, voyant avec plaisir resurgir du passé Marquise Du Parc et la Champmeslé et tous ces noms qu'on avait un peu laissés de côté, tous ces messieurs de l'abbaye, Hamon, Le Maistre, Arnauld et ces nonnes, Mère Angélique etc. Le miracle de la Sainte Épine me surprend au détour d'un oubli, Marguerité Périer, nièce du grand Pascal, que de choses remontent que je dois à Mme Vernière qui m'en parla au tout début des années 1960, hommage attendri et affectueux soit rendu ici à son magistère aussi compétent et lumineux que teinté de fantaisie ...
Ma nostalgie s'en est trouvée comblée. Mais il me semble que la circonstance est très particulière et sauf pulsion racinienne partagée, je m'interroge sur l'ampleur du lectorat. Quant aux modernes Titus (qui bat de l'aile) et Bérénice, empêtrés de Roma, il repassent plus ou moins vers la fin, pour quelques pages insignifiantes. RIP.