RENTRER À PETITS PAS ET REGARDER LA TÉLÉ ...
À l'idée de reprendre, pour la première fois peut-être, je me suis senti pleinement Bartleby, cette année, I would prefer not to ... À quoi bon?
Il y avait pourtant des projets, de quoi faire; oui mais voilà, aussi, cette étrange question : À quoi bon? À mon bureau, assis, je regarde dehors, en me penchant un peu pour cause d'ordinateur, dont l'écran est mon horizon le plus habituel. L'immeuble d'en face, agréablement austère et assez récemment ravalé, ne me renvoie nulle réponse. Il reste indifférent, les fenêtres du sixième gardent leurs volets clos, trois pièces sont éclairées au cinquième, personne au balcon, une télé est allumée au quatrième, rien ailleurs, la triste semi-obscurité du soir qui tombe. Au rez-de-chaussée, le bistrot a baissé le rideau et le glacier a fermé boutique, de toute façon, la température est tombée, il n'a pas eu la clientèle des temps de canicule, aujourd'hui. J'attends.
Comme le lièvre de La Fontaine, je songe. Car que faire en un gîte à moins que l'on ne songe?
Mon enthousiasme pédagogique est éteint. À l'unisson de Pap N'diaye qui m'a l'air l'homme des promesses molles. Que va donner l'année scolaire? Le métier fout quand même un peu le camp, avec ces recrutements de contractuels en speed dating. Là, sollicité en juin, je me suis laissé embarquer dans l'opération Cordée de la Réussite que promeut depuis au moins dix ans le ministère, avec semble-t-il pour cette rentrée un renouvellement des perspectives. Des établissements d'enseignement supérieur proposent à des lycées de s'encorder, avec l'ambition de permettre à un petit volant de boursiers et autres élèves estampillés QPV (Quartiers de la Politique de la Ville, zones difficiles en gros) volontaires de dépasser, motivés, l'autocensure et de viser les classes préparatoires pour tâcher de s'arracher au destin que leur situation sociale dessine. Des groupes d'une dizaine de gamins sont encadrés (tutorés) par des étudiants de l'enseignement supérieur, des élèves des grandes écoles, deux heures par semaine. Moi et d'autres, on supervise plus ou moins l'affaire, des enseignants chevronnés étant eux, sur le terrain, en position de conseil direct et de soutien vis à vis des jeunes intervenants. J'ignore ce que cela va donner. On commence ...
Parallèlement, je suis les débuts en post-bac et en maths de trois enfants de parents ou d'amis. L'envie de garder un peu d'utilité à des compétences qui s'effilochent. Peut-être aussi le désir de justifier ma pension de retraite. Au fond, je n'ai jamais bien vécu cette situation de retraité, payé à rien foutre. Le sentiment qu'il faudrait, à la mesure de ses moyens, donc de moins en moins, mais toute la vie, maintenir une activité au service de l'intérêt général, de la collectivité. Et je ne suis pas l'homme des associations, du petit bénévolat militant, j'ai besoin (j'aurais) d'une structure officielle, une sollicitation claire de l'Etat, une sorte de fonctionnariat prolongé et éternel, un petit volant d'heures hebdomadairement consacrées, sur des tâches bien définies, au mieux-être de la cité.
Je n'ai jamais consacré de temps notable à la télévision, j'envisage de m'y mettre. La programmation d'Arte ouvre des pistes intéressantes et je découvre peu à peu arte.tv. Et puis les livres, le cinéma, oui, oui, sans doute, on peut s'occuper, mais je rame dans le vide. Je ne suis pas expos, j'y trouve souvent de l'intérêt quand on m'y traîne, mais je ne prends pas l'initiative, comme cet été à Montpellier, une visite du Musée Fabre, qui m'a été une occasion de saine râlante tant, dans un lieu architecturellement beau, j'ai subi une invraisemblable accumulation de croûtes, occasion de sentir la différence entre l'artiste véritable, ici absent, et le mauvais peintre. Un petit Greuze m'a plu, et un triptyque de Yan Pei-Ming, découvert à l'occasion. Le reste, dont d'innombrables et mauvaises productions de François-Xavier Fabre, néanmoins lauréat du grand prix de peinture de l'Académie en 1787 et qui a donné son nom au musée, m'a plutôt affligé. Dans le lot, un célèbre Courbet de 1854, La Rencontre, qui m'a surtout semblé raté!
Pour revenir à la télé, Arte diffusait Marguerite, hier soir. J'avais adoré le Giannoli de À l'origine et je n'ai pas partagé l'enthousiasme de la critique pour ses Illusions perdues. Marguerite, que je n'avais pas vu au cinéma, est entre les deux, chronologiquement, et à voir le film sur le petit écran, je suis resté tiède. Catherine Frot est assez touchante mais, après un certain enthousiasme quand je l'ai découverte chez Bacri-Jaoui, dans Un air de famille, pilotée par Cédric Klapisch, en 1996, j'ai été assez vite lassé par son jeu trop "à l'identique" et du coup ... Ce soir, c'est Mal de pierres, avec Marion Cotillard, qui est programmé. Un film de Nicole Garcia. Je vais essayer ... C'est tiré (on dit "librement adapté" ...) d'un roman italien de Milena Agus. Si j'accroche, je lirai le roman. Le principe (et la réalisation) du passage du livre au film est toujours une source intéressante de réflexion.