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AutreMonde
6 juillet 2013

MONTESQUIEU-VOLVESTRE …. UN FESTIVAL

3819052[1]          C’était ce week-end, au sud de Toulouse, un festival de théâtre décentralisé. Paris, toujours Paris … C’était à quelques jours d’Avignon, avant Avignon en quelque sorte. En importance ? Non, pas encore, mais qui sait, un jour …. C’était aussi sur une île. Oh, une petite île, un peu plus grande qu’un terrain de football, l’Île du Ramier, ça s’appelle, sur l’Arize, un affluent de la Garonne bien connu, enfin, de ses riverains. Verdure.

On a monté un chapiteau, rouge et or, construit une estrade et trimballé des chaises et puis on s’est assis, et on a écouté, regardé, applaudi ce qu’ils sont venus nous raconter. On aurait pu croire à une fratrie. Une fille, trois garçons, tous quand même un peu barrés, surtout l’un des garçons mais enfin tous, quand même, un peu. Elle, elle voulait devenir chanteuse de jazz, et puis les autres, les autres ils voulaient faire ou ils avaient fait dans le foot ou dans le vélo ou dans la musique.

Faut quand même être un peu précis. Mina elle est d’abord gamine, elle est ravissante, elle bouge bien, elle rêve bien aussi, bon, comme gamine, elle est un peu chiante faut dire pour papa-maman, avec son monde de projets,  ça les énerve et on la prive de dessert, mais le rêve la tient, elle s’accroche, elle grandit, il faut chanter, n’importe quoi se chante, la méthode Assimil se chante, il faut jouer des coudes et recevoir des coups, mais il faut avancer, elle avance, elle ondule, elle se glisse, elle a peur, elle s’enhardit, elle vocalise , elle balbutie puis elle se libère, on ne l’écoute pas mais elle grandit et un jour on l’entend. Le corps n’est plus jupes courtes, socquettes, le cheveu n’est plus couettes, la chevelure est fluide et se déroule vamp, la robe longue moule, la voix enfle, la voix module, le jazz coule. Elle a décollé, Mina, les yeux grand ouverts sur la musique.

Lilian, c’est pas vraiment le même style. Pas un mauvais garçon, Lilian, bon fils même, très bon fils, référence à papa, à maman, faut leur faire plaisir, les rendre fiers quand ils sont devant la télé à regarder le Tour de France. Parce que lui, Lilian, c’est le vélo. Chacun son truc. Depuis petit, hein, les courses de village, pas mal de victoires de clocher, puis le niveau régional, papa toujours là à l’arrivée, penché en avant, à guetter le fiston et puis un jour, une équipe nationale et l’aventure suprême, le Tour, le Tour de France. Il s’en remettra pas vraiment, Lilian, surtout de cette étape pour remonter des Pyrénées sur Bordeaux, traversée des Landes, soi-disant du plat,  ouais, enfin, sur la fin, parce qu’il y a encore des montées avant. Il s’est très vite échappé, il a eu jusqu’à quatre minutes trente d’avance sur le peloton, mais il n’était pas promis à la victoire, Lilian, on la lui a volée sa victoire d’étape, des histoires de gros sous, le choix du patron, la vedette attendue c’est un autre, faut manger son chapeau, on vous le fait manger plutôt, contraint. Du coup, ça le rend un peu violent Lilian, et après, au fond, philosophe. Il a pas mal réfléchi, Lilian, et il sait formidablement l’expliquer, le coureur cycliste. Il y est allé, et puis il en est revenu, tellement qu’il est devenu vieux Lilian, mais même vieux, ses mollets se souviennent et c’est très émouvant, des mollets qui se souviennent si bien.

Dans toutes les familles, il y en a toujours un qui est plus atteint que les autres. Chez eux, c’est Adrien. Adrien, il a du bruit dans la tête, mais pas n’importe quel bruit, non, des tapatap, des tipetip, des tapatap-tipetip, en rythme, avant même de le savoir, il est batteur. Mais alors le batteur obsessionnel, le batteur hypertrophique, le batteur obnubilé, le batteur que plus batteur y’a pas, que plus batteur tu meurs. D’ailleurs, il est un peu mort, Adrien, mort à tout ce qui n’est pas batterie, même les claques qu’il prend dans la poire, si elles tombent en cadence, il les intègre, il les savoure, dans le rythme, bien ça ! Tout ça finira mal, ça peut pas finir bien ces trucs-là, mais avant, quelle apothéose, quelle plongée dans le son, quelle pyramide rythmique, quel Everest scandé. Il est génial Adrien, mais il s’est trompé de monde, peut-être, s’il  était né caisse claire s’en serait-il sorti, mais là, pauvre gamin à tête creuse, sans doute pour mieux résonner … Il sait tout de la batterie, il fait tout d’une batterie, il ne lui restera rien, sauf ses mains, pour faire tiptiptap sur ses genoux, et nos yeux, pour en pleurer.

Et puis le grand frère, Soler. Autre style. Pas con, non, même pas con du tout mais enfin, quand on a des tocs, quand on n’est qu’un toc…. Le trouble obsessionnel compulsif, surtout un jour d’enterrement, surtout quand le mort, c’est le père, c’est pas bon, ça, c’est pas bon du tout. En plus, il aimait bien le foot, Soler, même qu’il marquait des buts des fois, souvent, au club, et puis qu’y’avait l’oncle, qu’avait marqué un but en Coupe de France, on l’avait vu à la télé, qu’était bon l’oncle, un vrai  bon, lui. C’est pas rien ça quand même. Et c’est lourd, aussi. Très lourd. Alors du coup, Soler, quand il marque, il veut pas lever les bras, il veut pas courir et sauter comme un lapin Duracell, il voudrait rester digne. Pas facile ça de rester digne, quand on a marqué un but et que quand on a marqué un but, il faut sauter, gueuler, courir comme un dératé en se mettant le maillot sur la tête, et surtout, surtout, lever les bras. C’est obligé, ça, sinon les autres, qu’ess qu’y disent, hein ?

Alors, devant le cercueil, avec le père mort là, tout raide, qu’est plus sur les gradins pour comprendre qu’il veut pas lever les bras, ou pas comprendre, Soler, forcément, il dérape un peu dans les alignements, faut que tout soit au carré, les tombes, les filles, les livres, faut rien qui dépasse, et pas les bras au dessus de la tête.  Faut … il s’inquiète Soler. Et nous aussi, parce que, au fond, de quoi il est mort le père. Faudrait quand même pas que ce soit du coup de bêche d’Adrien, quand il était à cramer la batterie sur la pelouse, la batterie de l’Adrien, dans le jardin, papa Bernard,  sur plainte du voisinage, oui, ça inquiète, ça …

Bon, Mina, elle a l’air d’avoir pris le large, en scène dans une minute qu’on lui dit, alors la famille, c’est un peu loin ; Lilian, ça lui a foutu un tel coup, cette étape qu’on lui a volée, c’était sa vie cette étape, que  le reste, même difficile, même atroce … parce que c’est atroce un coup de bêche dans la tronche à papa, peut pas dire que ça soit courant , mais c’est peut-être du passé, peut-être pas descendu jusqu’aux mollets de Lilian,  lui, c’est plutôt le vélo dans la gueule du salaud de patron de course son truc, voyez.  Tandis que Soler, Soler il l’aimait bien, papa, même si la batterie lui plaisait pas, à papa Bernard, y préférait le foot, un peu beauf pour tout dire, faut admettre, mais en attendant Soler, c’est le seul qui pleure vraiment, qui pleure vraiment ce con qu’il trouve pas con du tout et qui le fait pleurer justement, à  plus être là que tout raide, qui privait Mina de dessert parce qu’il supportait pas ses trilles, qui guettait l’arrivée de Lilian sous la banderole, qu’était le frère de son champion de foot de frère qu’avait marqué à la télé, et qui venait le voir au stade, même s’il encaissait pas le bordel rythmique de l’autre autiste, l’Adrien cadencé,  ouais, Soler, il le pleure papa et ça lui fout  pas l’introspection franchement optimiste.

Oui, on aurait pu croire à une fratrie. Une fille, trois garçons, tous quand même un peu barrés, surtout l’un des garçons mais enfin tous, quand même, un peu. Et même, à y revenir, beaucoup. Mais bon, les familles ….

La programmatrice était Isabelle Jeanbrau ; les artistes, Juliette Wiatr, Erwan Creignou, Cédric Chapuis et Olivier Soler. Tout ça venait de Paris et d’ailleurs. Convergences réussies. Talents.  Le chapiteau, c’était Raïssa Vigner. L’organisation,  l’association Culture en Volvestre.

Qu’y z’ont même eu de beaux articles dans la Dépêche du Midi. Qu’elle s’épatait, la P.Q.R. A la page Montesquieu-Volvestre. Ah, mais ! C’était la deuxième édition. J’avais raté la première. J’espère la troisième.

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