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AutreMonde
20 mai 2011

Vive les profs, qu'ils disent .....

 

Le Monde Education de ce Mercredi 18/5

Une Lecture.

Un numéro fort intéressant, mais …..

En gros titre : VIVE LES PROFS !

Toujours cette tendance excessive à l’enjolivement individualisé déjà notée. Certes, il est des enseignants qui s’en sortent, dans l’enthousiasme et l’équilibre, mais, sans les réduire à l’arbre, ils sont un maigre bosquet qui cache la forêt.

Et  les réussites individuelles d’une petite minorité ne doivent pas être  mises en valeur au point de laisser croire que tout ne va pas si mal.

Si, tout va mal, parce que le problème dépasse et largement les questions de personnes, et que la valorisation de succès qui ne sont qu’individuels ne porte pas de généralisation possible,  trop liés qu’ils sont  aux  personnalités qui les obtiennent.

C’est un remodelage des structures et des méthodes susceptible de permettre d’atteindre à l’efficacité de tous qu’il faut viser.

Maryline Baumard ouvre le numéro d'un éditorial trop sentimental:

«  Mon prof, ce  héros ? »

Appel à témoignage : dites-nous les enseignants exceptionnels qui vous ont marqués … Il ne faut pas jouer à ça !  Multiplier les Louis Germain des souvenirs de Camus ratés ne va pas réformer le système. Faire pleurer  dans les chaumières, peut-être. Mais à quoi bon ?

Les médias veulent des mythes, les gamins aussi, mais il faut lutter contre, il faut faire l’éloge des besogneux en soulignant qu’ils sont de valeureux médiocres, acharnés à se hisser à la hauteur d’une tâche exigeante et difficile qui demande un effort quotidien, lent, régulier, et non l’invention à chaque coin de cour d’école, de collège ou de lycée, d’un Napoléon au petit pied franchissant son pont d’Arcole pédagogique, quand chacun sait combien cette image d’Epinal de l’autre, le Grand, est une contre-vérité !

L’école qu’il faut bâtir, c’est une école où des modestes  pourront modestement  mettre des compétences solides et tranquilles, assurées sans gloriole sur leur base, au service de la construction lente d’un avenir qui passe par l’humble cheminement de leurs obscurs efforts.

Craignons les héros flamboyants.

Recrutons, aidons, guidons dans un cadre renouvelé, de bons ouvriers.

Et puis :

J’ignore qui a signé (page 2)  l’analyse des évaluations en fin de 5ième mais ce qui y est dit (bien qu’assez maladroitement) en quelques lignes est essentiel : rien n’aboutira « tant que la communauté éducative dans son ensemble (c’est-à-dire y compris le gouvernement) ne comprendra pas que la scolarisation de masse implique de mettre en place une véritable ‘‘école du socle’’ qui, de la maternelle à la 3ième , tâche de faire réussir chacun sans chercher à sélectionner chacun ».

Cette école de la scolarité obligatoire- l’idée se retrouve dans la colonne voisine présentant de « L’écolo-éducation » à la mode Eva Joly -  qui doit concilier  la qualité de la formation de base pour tous et l’accès à l’excellence individuelle pour chacun, elle est à la fois nécessaire et possible, mais personne n’ose la penser. Trop tôt dit Bruno Julliard au nom du parti socialiste. Tout vient toujours trop tôt. Et tout ce qui était prématuré fin Mai 1981 (mais vous n’y pensez pas, rien n’est mûr et puis, il faudrait 15 ans pour en voir les fruits) quand je me débattais, adossé à mes (petites) responsabilités régionales, pour en plaider l’urgence dans l’opportunité exceptionnelle qu’offrait le moment, se voit opposer le même argument trente ans plus tard (deux fois le temps craint de la refonte suggérée).

Odieuse et pusillanime incompétence du politique !

 La présentation de Luc Cédelle (« Dix enseignants heureux dans leurs classes ») m’a semblé plus équilibrée (page 3), mais ses suites me laissent rêveur.

 Les cumuls d’Eric Cobast dans ses habits de  Léonidas aux Thermopyles endiguant les assauts de l’inculture – prof en Khâgne, à l’ENSM, dans des prépas privées, Coach-Blogueur pour Sciences-po… -   je les lis comme une indécence. Se faire « des couilles en or » par superposition d’interventions pédagogiques ne mérite pas mon admiration. J’ai enseigné assez longtemps en classes préparatoires et ne pas considérer comme un temps plein ce travail exigeant au point de le démultiplier aussi allègrement ne me semble pas signer les investissements requis. Mais le mythe de Superman fonctionne ici à plein et le surhomme est apte à tout. Mon dieu, me dis-je, combien je devais être en dessous de ma tâche, pauvre soutier obligé, pour varier ses cours d’une année l’autre, de travailler tout l’été, et,  pour suffisamment nourrir d’intelligence ses élèves et contrôler leurs efforts, contraint de leur consacrer l’un dans l’autre cinquante à soixante heures par semaine, petits congés inclus. J’avais sans doute, comme disait Fernand Raynaud, une tête à vendre des lacets.

 Courte visite au blog du héros (http://blog.letudiant.fr/concours-sciences-po-iep/) pour survoler quelques articles récents. Dans le dernier paru, des conseils de relecture aux étudiants pour ôter de leurs copies un maximum de scories formelles, on en relève au moins quatre :  ‘‘ il yabien – débarraser – a-t’on – poutant’’. Amusant, non ?

J’ai fait un saut (bref, une petite demi-heure) jusqu’au site de Philippe Mercier,  professeur de mathématiques dépeint comme sauvant les « naufragés des maths par des cours vidéo » : http://maths-videos.com

Sur le principe des sondages, j’ai partiellement testé trois présentations : les angles et les enchaînements d’opérations en 5ième, la fonction affine en 3ième . C’est aimable, mais totalement magistral et indiscutablement ennuyeux. Y a-t-il là de quoi aider un ‘‘naufragé des maths’’ ? Si oui, c’est une pierre apportée à l’édifice des anti-pédagogues, tant l’exposé pesant, monocorde, répétitif,  à sens unique, renvoie à la pédagogie de papa et à l’hypothèse – depuis longtemps invalidée sur le terrain – d’un élève attentif, motivé, concentré, ‘‘désirant’’. Il y aurait alors là la preuve que le problème pédagogique essentiel, ce que je ne suis pas loin de penser, ce n’est pas l’enseignant, c’est avant tout la discipline, l’écoute.

Dominique Augé, qui enseigne les langues anciennes en Savoie et qui parle de « remettre le plaisir de la lecture des textes anciens, en latin et en grec, donnés sans traduction, au cœur de la pédagogie de [sa] discipline », ne fournit aucunement les indices d’une méthodologie rendant ce vœu opératoire. L’ordinateur ? Une fois le terme prononcé, que produit-il ? Et à  qui va-t-on faire gober que la musicalité obtenue pourra faire office de formation à la langue ? Il est plus que probable que Dominique Augé ne concrétise pas ce qu’elle rêve et prétend,  et continue à faire ânonner « rosa, rosa, rosam, rosae, rosae, rasa ; rosae, rosae, rosas, rosarum, rosis, rosis » ... comme on le lui fit ânonner à son heure. A moins que le progrès ne consiste à faire chanter la comptine sur les notes de Jacques Brel ?

Je passe sur « La méthode ‘‘Orangina’’ pour réveiller les amphis endormis » de Thierry Isckia, professeur de management stratégique à TEM. Ce qui en est dit n’apporte aucun éclairage sur son contenu, mais il  paraît que cela fait « kiffer » ses étudiants. Magnifique ! Encore une victime du jeunisme. Le professeur de management semble persuadé de sa réussite. Ma foi, c’est une façon comme une autre  de s’auto-manager dans la congratulation.

Du mieux quand même, encore que … : Jean-Michel Le Baut, pour qui « la littérature doit être vivante », a lancé ses élèves dans l’étude de Lorenzaccio  via de faux comptes Facebook au nom des personnages de la pièce. Pourquoi pas ? Mais comment sont alimentés ces comptes ? Les ‘‘profils’’ et les ‘‘amis’’ sont définis par le texte de Musset, qui nourrit aussi les ‘‘dialogues’’. L’idée est amusante. Le contexte historique peut s’y intégrer. C’est une perspective assez séduisante, indiscutablement. On est malgré tout curieux de voir le résultat réel. On a le même genre d’inquiétude à lire les prouesses d’une Catherine Henri (son livre : Libres Cours)

Au chapitre que j’intitulerais pour ma part  « Trop beau pour être vrai », il y a encore Sophie Rousseau qui a  « installé sa classe dans les coulisses d’un opéra » (l’Opéra  national de Paris) et, au lycée Louis Barthou de Pau, cher à mon cœur pour y avoir sévi quatre ans vers le milieu des années soixante-dix, Marie-Laure Pierre (Histoire-Géographie) et  Bruno Faux (Allemand) qui « enseignent en duo et en section franco-allemande »   dans la perspective de l’Abibac .

Mais quand on redescend sur terre pour cerner in fine le bilan de tout cela, censé faire lever l’espoir de lendemains pédagogiques qui chantent, on s’aperçoit qu’ont été retenus les témoignages :

-         d’un enseignant post-bac francilien

-         d’un professeur de collège (non ZEP) mosellan

-         d’un professeur de lycée professionnel marseillais

-         d’un universitaire de Paris-VII

-         d’un professeur de lycée savoyard

-         d’un enseignant en école de commerce parisienne

-         d’un professeur de lycée brestois

-         de deux professeurs de lycée palois chargés d’une section d’excellence

-         d’un professeur des écoles francilien

-         d’une enseignante de maternelle parisienne.

Ce qui fait dix lieux d’enseignement pour onze enseignants et ne concerne la question essentielle de la scolarité obligatoire que via une maternelle, une école et un collège non ZEP, et du coup  réduit statistiquement à très peu la couverture du secteur éducatif à repenser en priorité.

Le problème, tout à fait dramatique, des collèges et spécifiquement de l’enseignement en ZEP se résume donc ici, en termes de professeur-miracle, à un enseignant de mathématiques non-ZEP dont la performance pédagogique se défausse en enseignement magistral à distance internétisé.

On est quand même singulièrement « à côté de la plaque ».

C’est l’économiste américain Jeffrey Sachs qui remet, longue interview de Maryline Baumard, les choses en place, en soulignant cette évidence qui est aussi la raison pour laquelle le politique « se dégonfle » : « Il faut considérer  les impôts comme le prix à payer pour développer la ‘‘civilisation’’ ».

Je me souviens encore qu’en mai 1981,  j’avais essayé de faire valoir cette opinion que la Gauche avait – au besoin en se contentant de gérer partout ailleurs les affaires courantes – une seule et prioritaire urgence : « Changer l’école ». Au besoin en disant aux parents, vous risquez d’être une génération dont les progrès en termes de bien-être  vont être sacrifiés, mais c’est au nom de vos enfants, et si vous bâtissez l’école dont l’avenir a besoin, vous ne vous serez pas privés pour rien. Les fringants néo-conseillers du ministère qui se hâtaient de débarquer en province le dernier numéro de Libération plié en deux et soigneusement glissé dans la poche ou sous le bras comme on porte son idéologie en bandoulière riaient beaucoup.

Or que dit Jeffrey Sachs : « Le vrai changement  ne pourra survenir que lorsqu’on sera entré dans une vision holistique de l’éducation : quand on aura compris que l’éducation est  la valeur sociale et éthique de base de nos sociétés et doit être l’investissement premier d’une économie du bien-être »

On peut donner en passant le satisfecit qu’ils attendent à quelques parangons de vertu pédagogique, mais les médailles en chocolat qu’on attache à leur cou ne changeront rien au problème. L’école est à reconstruire, de la cave au grenier, et,  sans digressions en forme de contes de fées, c’est à cela qu’une politique vraiment visionnaire devrait s’attacher.

Au lieu de quoi, on continue à brasser du vent, et Jeffrey Sachs à s’adjoindre à la cohorte des justiciables du « clamant in deserto », ceux qui prêchent dans le désert.

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Commentaires
G
Vous marquez à nouveau votre originalité, dans ses heures conformistes, à l’approbation lasse. Vous portez un regard critique bienvenu tout en gardant une vision à long terme obstinée, ce qui est aussi singulier, malheureusement. <br /> De porter à la connaissance des collègues quelques démarches qui réussissent et rendent les acteurs heureux me semble aller à l’envers des analyses essentiellement statistiques et lointaines, des visions catastrophiques, démobilisatrices. De voir des personnalités créatives tranche avec la grisaille ambiante.<br /> Jadis dans les groupes pédagogiques l’échange des pratiques était la base de nos réflexions. Ce n’est qu’après que les théoriciens ont pris la place et pour en avoir eu l’expérience dans un syndicat qui n’était pas de masse, nous écoutions plus volontiers les descendus des arbres de Summerhill que nos pairs qui échangeaient encore dans les cours de récré. <br /> Une collègue qui exerce encore me disait que les nouveaux qui prennent aujourd’hui une classe ne manquent pas de bonne volonté, mais il faut tout leur dire tel que « n’oubliez pas d’éteindre les lumières lorsque vous partez ». Les power point dont ils ont été abreuvés n’avaient pas prévu le cas de figure. C’est que la mise au pas hiérarchique de la profession a rencontré le désinvestissement voulu par ceux qui en appellent au professionnalisme avant l’engagement. <br /> Bien la stratégie DSK !
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S
Vous ne croyez peut-être pas si bien dire.<br /> Que j'y aie pensé, c'est aller un peu loin. Mais je demeure persuadé que le seul moyen de se faire entendre est actuellement le scandale du fait divers préalable.<br /> <br /> Par exemple: Egorger un membre des corps d'inspection lors d'une visite - Ecoper de quelques années de prison (circonstances atténuantes: rien n'interdit d'en avoir choisi un - il en est - particulièrement infect) - Profiter de ce temps de réclusion pour écrire un livre - Eu égard au scandale, être assuré de publication suivie d'écoute.<br /> <br /> Il y a bien entendu la variante désormais dite DSK: Violer sauvagement une ATOS malencontreusement venue, la malheureuse, nettoyer une salle de classe où, à des heures tardives, on achevait de corriger un paquet de copies.
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C
Je m'apprêtais à chercher espérance en référence à "son prêche (supposé) dans le désert" lors de son long périple en ces lieux et à son toutefois indiscutable succès médiatique posthume.<br /> Mais la crainte de votre intransigeance parfois cruelle m'a incité à vérifier mes "croyances".<br /> Manqué. Expression émanant d'une interprétation erronée, nous dit-on, de propos attribués à Isaïe et Jean Baptiste.<br /> Je suggère, en substitution, une crucifixion volontaire en "prime time" pour que vous soyez entendu.<br /> Comptez sur mes prières.
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