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AutreMonde
15 juin 2009

Le Lièvre de Patagonie

Mémoires – Claude Lanzmann.

(Gallimard) - Reprise Compte rendu publié sur 'Mémoire-de-la-Littérature'

Drôle d’aventure que la lecture de ce pavé (546 pages, sans compter l’index des noms propres cités, pas moins de  598, d’Adamov, Arthur à Zweig, Stefan, au point qu’on est tout étonné de ne pas y trouver le sien …). Quand il s’agir d’écrire la vie, sûr qu’il est un peu là, Lanzmann !

L’amplitude anecdotique du propos est assez stupéfiante, et il y a cent vies dans celle-ci. Mais la plongée mémorielle – sauf pour la partie relative à l’élaboration et au tournage de Shoah, béance offerte à la modestie dans un océan de gloriole – est assez épuisante de vantardises multiples, comme si ce qui ressemble souvent à une accumulation de propos journalistiques était la reconstruction tartarinesque d’un parcours bien décidé à se relire en mythe. La litote est un art inconnu de Lanzmann. Il ne vit que d’excès, ne côtoie que des géants, ne franchit que des gouffres et n’accomplit que des exploits. À cette aune, les deux ou trois (tout au plus) occasions d’humilité qu’il s’accorde laissent le lecteur, témoin probable, se dit-il étonné, d’une phase de rédaction dépressive, passablement inquiet. Mais ça ne dure pas. Le héros rebondit, tel qu’en lui-même enfin l’autosatisfaction l’enfle.

Le bouquin, par la profusion de détails qu’il fournit sur des moments clés de l’histoire française (enfin, pour beaucoup, germano-pratine) des soixante dernières années du siècle écoulé, sans compter la partie dense, riche, consacrée à Shoah, dans une suspension alors  de la rodomontade qui renforce l’impact du récit, le bouquin donc, par la venue au-devant de la scène de tant d’acteurs qui furent les figures de proue de leur propre modernité et de la nôtre, qu’ils bâtirent, et que l’on voit, là, du côté du familier, de l’intime, de l’envers du spectacle, n’en est pas moins, toutes dents agacées (ou non, chacun sa sensibilité)  passionnant.

J’avais pris, à la lecture, énormément de notes : trop.

Comment synthétiser un tel capharnaüm ? À les re-feuilleter, j’y retrouve de tout et j’y perds mon latin.

Ici ou là, un terme ou une allusion pédante, histoire de rappeler qu’on a fait sa khâgne : cénesthésie (Larousse : Physiologie : Impression globale résultant de l’ensemble des sensations internes), dans la phrase (à méditer !) «  Je n’ai pas de cou. Je me suis souvent demandé, dans une nocturne cénesthésie anticipatrice du pire, où le couperet, pour m’étêter proprement, devrait s’abattre ». Avec  ça Lanzmann affirme qu’il a dicté son texte. Ben voyons ! Ça sent à l’évidence son langage parlé, ça …

Plus loin arrive apagogique: « C’est sur le ‘Duelo a garrotazos’ [Un tableau de Goya qu’il a présenté par ailleurs et commenté de façon tout à fait convaincante] que j’avais apagogiquement envisagé d’inscrire le générique de début de mon film ‘Tsahal’… » . Mouais. Un raisonnement apagogique est un raisonnement « par l’absurde ». On jugera…

Acceptons irénique, peut-être plus fréquent (l’irénisme, au delà de son acception précise : ‘Attitude de charité et de compréhension adoptée entre chrétiens de confessions différentes pour étudier les problèmes qui les séparent’ (Larousse), ce n’est jamais que le culte du compromis pacificateur), mais que penser  de nitescence (qui signifie : lueur, clarté !) dans « la maléfique nitescence du Graal hégélien » à propos du vol (qui tourne mal) dans les rayonnages de la librairie des Presses Universitaires de France, aujourd’hui remplacée par un hideux magasin de fringues,  place de la Sorbonne, d’un ouvrage de Hegel, en l’occurrence Genèse et Structure de la Phénoménologie de l’esprit. On peut faire plus simple.

Un autre ? Allez, un autre : stichomythique

« Il nous arriva (…) de  passer une nuit entière dans une cellule du commissariat de la place Saint-Sulpice, nous récitant l’un l’autre stichomythiquement  (…) des strophes alternées ». Le passage atteint d’ailleurs des sommets, car ces prouesses poétiques en viennent à embuer d’émotion , au petit matin, les yeux las et humains de [leurs] gardes. Comment survivre à de tels ridicules ? Quant à la stichomythie, c’est, dans la tragédie antique, la technique du dialogue vers pour vers. En quelque sorte, ici, on ne dit que ceci, que les jeunes gens concernés récitent alternativement des strophes ; et la lanzmannienne formule n’est qu’une redondance inutilement pédante.

Peut-être y a-t-il un besoin éperdu de reconnaissance, derrière les vantardises et le pédantisme, mais alors, comme la frustration à compenser d’un second couteau. J’y ai pensé à partir de ce passage :

« Bref, j’arrangeai les affaires de Simone [Signoret] autant que je le pus (…). Elle en conçut pour moi de l’amitié, je devins sa plume favorite. »

Un passage qui se prolonge dans ce qu’on pourrait déchiffrer comme une amertume rentrée, tant il a côtoyé - et pour le public, dans l’ombre - de vedettes : « Je les ai toutes et tous vus, et traités, et je puis dire sans vanité [ah ! le ‘sans vanité’ des modestes professionnels…] que j’ai fait faire à la carrière  de certains un saut qualitatif. Bardot (…), Moreau (…), Ava Gardner (…), Richard Burton et Liz Taylor [et vingt comme ça derrière pour arriver à :] j’en passe, j’en passe… » Peuchère !!!

On ne saurait épuiser, sans l’être, les occasions de s’esbaudir d’un texte aussi proliférant que parfois, fantaisiste….

Pour en rester aux sourires, des naïvetés étonnent.

On est en 1943. Il a recruté une certaine Hélène Hoffnung et transporte avec elle – faits de résistance dont je ne conteste en rien le danger ni ne mégote sur leur indiscutable courage – de coupables (pour l’occupant) valises. Il faut contourner le problème des patrouilles : « … Hélène m’enveloppait d’un regard énamouré, m’étreignait, m’embrassait à pleine bouche (…) Chaque rencontre d’une patrouille, chaque mouvement suspect était l’occasion d’un baiser, plus ou moins fouillé selon le degré d’alerte (…) alors que rien de sexuel n’exista jamais entre nous. » Belle austérité patriotique et qui m’a soudain semblé mal coïncider avec les dix-huit ans des héros. 

Ou ceci…

Il a rencontré Judith Magre. Ils ont alors vingt ans. « Nous vécûmes pendant près de six mois une passion torrentielle, fîmes l’amour toute la nuit qui précéda le concours d’entrée à l’Ecole Normale [Supérieure], j’échouai, évidemment. »  Astucieux, non ? Certains savent se trouver des excuses plus gratifiantes que d’autres…

Un peu plus loin, voilà le khâgneux qui trébuche. On peut s’abriter des citations approximatives de Proust, mais à cette coquetterie près, on tombe dans le vers boiteux et mal attribué. À propos du parcours amoureux et d’ailleurs tristement et dramatiquement déplorable, clos pas un suicide, de sa sœur Évelyne, Lanzmann se tourne vers Musset :

« Elle eut d’autres amours, plus que de raison sans doute, et chaque fois que j’en étais averti, je me récitais ces deux vers de Musset, dans Rolla :

‘C’est que croyant voir, sur ses amours nouvelles

Se lever le soleil de ses nuits éternelles’  »

Ce qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est que le premier vers n’est pas ‘rond’, ce n’est pas un alexandrin, sauf à tirer sur la diérèse (croyant devenant  croi-y-ant, pour faire trois syllabes de deux). Du coup je suis allé vérifier. Ce n’est pas dans Rolla, mais dans Namouna que l’on trouve la citation, rectifiée, dans la strophe suivante (l’adresse est à Don Juan):

« Mais toi, spectre énervé, toi, que faisais-tu d'elles?

Ah! Massacre et malheur! Tu les aimais aussi,

Toi! Croyant toujours voir sur tes amours nouvelles

Se lever le soleil de tes nuits éternelles,

Te disant chaque soir: "Peut-être le voici",

Et l'attendant toujours, et vieillissant ainsi!

Demandant aux forêts, à la mer, à la plaine,

Aux brises du matin, à toute heure, à tout lieu,

La femme de ton âme et de ton premier vœu!

Prenant pour fiancée un rêve, une ombre vaine,

Et fouillant dans le cœur d'une hécatombe humaine,

Prêtre désespéré, pour y chercher ton Dieu. »

Evelyne est morte le 18 Novembre 1966, et un ami, lecteur attentif du livre, s’étonnait devant moi l’autre jour de la notation de Claude Lanzmann soulignant que sa sœur « lisait et relisait sans fin ‘Belle du Seigneur’, d’Albert Cohen », un livre publié … en 1968.

Une anecdote (les petits levers du marquis Noblet d’Anglures) m’a soudain paru à ce point ‘scénarisée’ que j’y ai vu, sous l’un de ses aspects extrêmes, éclater cette fausse véracité d’un écrire la vie qui, loin du témoignage, n’est que prétexte à réécriture, c’est à dire à contrefaçon. Qu’on en juge :

Lanzmann se retrouve lecteur à l’Université libre de Berlin.

Parmi ses fréquentations obligées … « il y avait aussi les diplomates français (…) François Seydoux de Clausonne et un certain marquis Noblet d’Anglures, chargé des questions culturelles. Homme charmant, au visage fin, qui me donnait audience dans sa chambre à son petit lever, comme Louis XIV, J’étais un très jeune lecteur, il portait un bonnet de nuit et, de temps en temps, impassible et impavide, il lâchait devant moi un pet sonore, puis odorant. Il était marquis, pour lui, je n’étais rien qu’un roturier, et juif de surcroît, c’était sa façon de me le signifier. »

La démesure des interdits religieux m’a de tout temps accablé, et quand un nouvel exemple m’en est fourni, à quelque croyance qu’il se rattache, je me retrouve plongé au sein des temps obscurs d’avant l’intelligence et la raison, quand l’esprit n’avait pas encore installé son primat. Preuve que dans le domaine des croyances, nous sommes encore loin du compte.

Ici, Lanzmann raconte un embarquement pour Israël de Juillet 1952 (pour un reportage) à bord  du SS Kedmah, à cabine partagée  avec un grand rabbin  (croit-il se souvenir venant de Marrakech). L’anecdote, affligeante dans sa signification et ses prolongements, se suffit à elle-même :

« Je quittai notre cabine un vendredi après-midi avant le début de shabbat (…) en laissant la lumière allumée. (…) Je regagnai ma cabine vers quatre heures du matin [après une nuit sur le pont à discuter avec quelques autres passagers], peu avant l’aube, et je trouvai mon grand rabbin étendu en chaussettes sur son lit, les yeux largement ouverts, toutes lumières allumées. La Loi d’airain [ !!!] de notre religion lui avait interdit  de toucher à l’électricité et il n’y avait pas, sur ce navire d’une jeune nation, de ‘shabbes goys’,  de goys du shabbat, comme on en trouve aujourd’hui dans les hôtels israéliens, pour faire fonctionner les ascenseurs dont les touristes juifs américains ne sauraient se passer [ !!!!]. »

À lire cela, m’est revenu un dessin de Plantu – en fait à propos des limites intellectuelles de Georges Bush – où l’on voyait le pape qui recevait ‘Doubleyou’ et, dans  un phylactère de BD (une bulle à texte) pensait : ‘Mon Dieu qu’il est con !’. Et la transposition, avec Dieu le Père à la place du Pape et à la place de Bush, le grand rabbin de Lanzmann comme personnification des invraisemblables dégâts de la foi sur la raison, m’a paru s’imposer. Et je ne doute pas de l’affliction de Dieu devant tant de grimaces.

Tant qu’à faire, je préfère, un peu plus loin, l’histoire de Joachim Prinz, Bossuet de la bourgeoisie juive de Berlin, dont la renommée était si grande « que certains eussent été prêts à devancer l’appel [en clair à se suicider] pour s’assurer que ce serait bien Prinz, et non pas un autre, qui prononcerait l’ultime éloge [leur éloge funèbre] ».

Quelques scènes dignes du cirque parsèment – pour moi péniblement, pour les raisons déjà au fond ci-dessus citées – ce séjour en Israël. Mais assurément, on en trouve d’identiques dans toutes les micro-sociétés aux codes aussi absurdes qu’impénétrables, qu’il s’agisse de judaïsme extrême, de Franc-maçonnerie ou de sociétés secrètes aux ambitions moins nobles comme celles des Yakuzas japonais … Toute chapelle finit par aller à ses non-sens.

Enfin…

En tout cas, et pour conclure sur ce voyage en terre promise, face à des pressions qui le poussent à se mettre à l’étude (de la Torah), Lanzmann a un sursaut de refus qu’un autre qualifierait de spontané et dont je n’aurais rien dit s’il n’avait pas jugé nécessaire de l’affirmer « non thétique », souvenir sans doute de ses proximités avec Sartre, lequel tirait plus ou moins du foutoir d’Husserl sur la temporalité des occasions de migraine et l’installation de ce vocabulaire .

Thétique se rapportant à Thèse, l’attitude thétique peut être lue comme relevant de lourdes cogitations préalables, et donc la non-thétique comme ‘non-réfléchie’  et le ressort immédiat d’une rafraîchissante spontanéité. Je n’ai rien contre le pédantisme, il peut être amusant … s’il a la civilité de s’expliciter entre parenthèses ou ‘infrapaginalement’ (c’est à dire ‘dans des notes de bas de page’).

Le voyage retour de cette incursion israélienne est d’ailleurs l’occasion d’une de ces héroïsations qui sont sans doute consubstantielles à la sensibilité de Lanzmann et pour moi prodigieusement agaçantes. Le trajet Haïfa-Marseille est marqué par une tempête. Mais elle est, avec lui à la narration, authentiquement homérique et le voilà tel qu’il se décrit, dans un pastiche assez ridicule d’Ulysse face au chant des sirènes:

« … de mémoire d’homme, jamais navire de haute mer n’essuya en Méditerranée un ouragan aussi prolongé, aussi constant, aussi féroce. (…) deux personnes, deux seulement veillèrent pendant quatre jours et quatre nuits sur ce bateau ivre : le capitaine, Eliezer  Hodorov (…) et moi. (…) Le vaillant Eliezer avait cédé à ma prière : on m’avait solidement attaché devant la dunette, face à notre route, et, pour tenir et ne pas me laisser aller, je m’imaginais la taillant avec le navire comme si j’étais moi-même une étrave, une figure de proue. »

Et au bout de cette épopée, accueillant le retour du marin héroïque : « Les yeux, les bras, la bouche du Castor [et oui, elle était là, Simone !], ses mains sur mon corps comme pour le reconnaître, la longue étreinte un peu titubante qui nous réunit debout, dès que j’eus pénétré  dans la chambre rouge, au dernier étage de la rue de la Bûcherie … » 

Rire est le propre de l’homme … et le destin du lecteur des exploits de Lanzmann.

Il y en a comme cela des kilomètres…

La soixantaine de pages qui suit est atterrante de sottise hyperbolique :

-         Beauvoir lui soignant un anthrax lui fait « penser irrésistiblement aux femmes de Giotto [qu’il avait] vues à Padoue, sur les fresques de la Cappella delli Scrovegni » Ah ! Proust, ta fille de cuisine et ta Charité de Giotto, que voici un crime commis en ton nom !

-         Le lendemain, c’est aux dimensions d’une épopée des furoncles  qui l’accablent que se narre une marche forcée « dans le grand cirque dominant Grindelwald ». Beauvoir est toujours là. « La douleur était intense (…) nous étions loin de tout, nous n’avions pas de médicaments, aucune trousse d’urgence. Nul recours, c’était marche ou crève (…) le Castor allait, somnambulique, le regard perdu … ». Etc.

-         Bah ! Pourquoi continuer ? Les gags se succèdent. Il faut le lire pour le croire :  Il se vante de savoir tout des Alpes et de leur histoire sur le mode : Je sais les lieux, je sais les noms, je sais les dates …. comme Francis Blanche et Pierre Dac dans un sketch célèbre (Vous pouvez le faire ? Il a dit :Oui ! Il a dit : Oui !, Mesdames et Messieurs.  Il peut le faire…) …. Il publie dans Elle en 1959 un article sur le Dalaï-Lama d’autant plus remarquable… que c’est lui qui le dit.  Qu’il sauve Beauvoir de la mort dans le cadre d’une nouvelle expédition alpine en espadrilles ou qu’il fasse des tonneaux en 4 CV Renault, qu’il jette un défi à la course à pied à Armand Gatti,  ou qu’il lutte contre le froid d’un tournage en extérieur à coups de litres de Vodka, rien de ce qui le concerne ne saurait être du registre de l’ordinaire et avoir d’autre débouché que l’exceptionnel. La démesure est son quotidien. Et le mythe éclôt sous ses pas, et puisqu’il a traversé Tokyo, « il y a, dans le quartier des yakusas, les mafieux japonais, une boîte de nuit étroite et sombre (…) où [l]’attend, sur une étagère du bar, une bouteille de Chivas Regal marquée à [son] nom. » Ben voyons … !

L’histoire de Kim Kum-sun est une apothéose. C’est typiquement – à la lecture - un de ces rêves éveillés que se racontent sous leurs draps les pré-adolescents de 10-12 ans pour trouver le sommeil dans leurs poussées de romantisme hypnagogique (l’hypnagogie est, schématiquement, l’état intermédiaire entre la veille et le sommeil, le moment où tout bascule). Une idylle est là, tout à fait fantasmée, platonique et muette, avec ravissante infirmière et sur fond de voyage (été 1958) en Corée du Nord. Lanzmann nous offre  vingt pages d’anthologie rassemblant tous les poncifs de la rêverie pré-pubère et je ne comprends pas les émerveillements (car j’en ai lus) de la critique à propos de cette « si pure histoire d’amour » au pays de Kim Il-sung.  Le scénario est hollywoodien et Claude-Errol Lanzmann-Flynn le décline vaillamment, ramant, courant, sautant, plongeant, en héros magnifique mais condamné à l’adieu, dans des  regards éperdus de désir inassouvi et des serments retenus de souvenir éternel, comme il se doit d’en être dans les amours impossibles. Sans doute y a-t-il, sous cette imagerie de pacotille, les traces d’une émotion qui fut peut-être véritable, et qui n’a pas été cinquante ans après, oubliée, mais la narration hypertrophiée nous en est délivrée au prix de tant de fioritures que le ridicule en a tué la crédibilité.

Je vais m’en tenir là, je crois,  car en compilant ainsi le volume, outre qu’on n’en finirait pas (j’arrête à la moitié de mes notes …) , l’accumulation des dérapages héroïques fait qu’à trop s’agacer  continûment du miles gloriosus (le ‘soldat fanfaron’ que moquait Cicéron, l’expression est restée) qui s’y met en scène, on finit par oublier l’intérêt de l’ouvrage, qui est réel, dans la multiplicité des anecdotes croisées  et l’ampleur des informations.

L’ensemble reste passionnant. Il faut accepter de rire quand la coupe déborde et puis continuer. Indiscutablement, on apprend. Sous l’embellissement de détail, le parcours demeure étonnant de péripéties et il n’y a pas à regretter le voyage.

Et puis, il y a quand même quelques accès de modestie, quelques moments de gravité, quelques notations émouvantes , et des aspects inattendus de Sartre et de Beauvoir pour pimenter d’intime  leurs grandes figures d’intellectuels.

La guerre d’Algérie, le FLN (et la figure de  Franz Fanon, martiniquais, héraut atypique et violent de la question noire, qui en fut compagnon de route), sans oublier Shoah, longuement, dans une densité dont s’écarte soudain la parade, c’est le siècle en nombre de ses temps forts qui se déroule. 

Une vie très réécrite, certes, et trop souvent sans excessive retenue, mais quelle vie !

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Commentaires
L
Tres bon article qui illustre, avec les mots que je n'avais pas(!), ma pensée sur le livre
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S
Merci pour votre mise au point complémentaire.
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D
Ce livre, que je viens de lire tardivement, est un chef d'œuvre de l'humour. Si jamais les personnages comme Lanzmann vous font rire, ce qui est mon cas, vous allez le trouver jouissif. Si vous n'êtes pas trop agacé par le détail des exploits de l'écrivain, et si vous aimez le passé simple, vous pouvez même y trouver un certain intérêt, car il y a pas mal de commérages.<br /> La seule chose qui m'a vraiment gêné de ce bouquin en lisant le chapitre consacré à Shoah, et qui me gênait déjà à l'époque, c'est l'incroyable silence de Lanzmann par rapport au travail de sa monteuse, Ziva Postec. Une collègue que j'avais rencontré avant qu'elle ne commence le montage du film et que je n'ai jamais revue. La seule mention que Lanzmann fait dans le livre à son propos se résume à cette phrase: "Je remercie Ziva Postec, qui a monté le film à mes côtés". Il aurait peut-être fallu mettre: "Je remercie Ziva Postec, pour le travail remarquable qu'elle a fait sur Shoah. Je le sais car j'étais à ses côtés". <br /> Je monte des films depuis plus de quarante ans, et je me sens qualifié pour affirmer qu'un film comme Shoah est ce qu'il est grâce à sa monteuse. Je ne minimise pas le travail préalable fait par Lanzmann. La matière, c'est lui qui l'a apportée. Je ne dis pas non plus que pendant le montage il aurait été un témoin muet. C'est un homme intelligent et si le film, remarquable, existe c'est grâce à lui.<br /> Qu'il ramène tout à lui c'est sans importance, il est comme il est. Mais il manque sérieusement d'élégance en oubliant systématiquement de parler de celle qui a su donner forme, et sens, à cette matière. C'est peut-être ça qui le gêne.
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J
Eh oui, bien sûr Claude Lanzmann n'est qu'un humain avec ses faiblesses que le livre révèle à l'insu de son auteur. <br /> Mais quel livre riche, passionnant! <br /> Puis-je mentionner un autre anachronisme, à savoir que l'affaire des vedettes de Cherbourg (p 417) eut lieu Pompidou regnans et non sous de Gaulle..
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P
des lignes d'un critique frustré n'ayant sans doute rien publié d'interessant , meme pas signé ...et hypocrite en laisant comprendre que le livre est interessant en qq mots pour l'éreinter dans la totalité de l'analyse .
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AutreMonde
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