17 avril 2008
Quinze minutes …
Voilà qu’on me sollicite pour le mois de juin. Une intervention de quinze minutes, en « lancement » d’une table ronde sur le thème de l’école. Colloque dans un cadre associatif. Pourquoi pas ? Il semble qu’il y aura là, assis autour de ladite table, des enseignants et des chefs d’établissement, outre quelques « personnalités » extérieures probablement « bien connues de leurs proches » … et ma foi, peut-être un peu plus ?
Quinze minutes pour proposer de changer le monde? C’est peu ! Dieu lui-même a besogné six jours l’autre fois, pour la première mouture ! On me dira que mon monde n’est qu’éducatif et que la comparaison est oiseuse … Peut-être, mais enfin, quinze minutes ? Que voulez-vous dire en quinze minutes, après « Mesdames, Messieurs, Bonsoir ! » ?
À trop ramasser sa pensée on la simplifie, on la schématise, on la déforme. Et puis il ne faut pas bloquer l’affaire en s’aliénant dès le départ les interlocuteurs par des formules lapidaires du genre : « Incompétence des cadres du système, pusillanimité des enseignants, inadéquation de leurs formations, inadaptation des structures, obsolescence organisationnelle … voici quelques-uns des problèmes majeurs de l’école dont nous devons débattre et dont la notable vacuité des différentes réflexions antérieures n’a en rien entamé l’actualité tandis que la prévisible autant que traditionnelle impéritie des politiques vide d’avance nos futures conclusions de tout avenir ». Évidemment, sur ces bases, l’échange risque de se raidir….
Alors quoi ? À défaut de "Force tranquille", formule dont deux septennats mémorablement « éducatifs » ont épuisé l’humour, s’essayer à la "Langue de bois tranquille" ? Faire dans le «Ça va mieux que si c’était pire» et, focalisant l’attention sur quelques expérimentations aussi réussies que localisées, se rassurer du beau feuillage de l’arbre qui cache la forêt dévastée, défoliée et venteuse de nos échecs éducatifs de masse ?
Non, délaissant l’imprécation hasardeuse et fuyant les discours émollients, se concentrer sur un thème essentiel, en cerner quelques caractéristiques, esquisser le schéma directeur simple d’une ressaisie du problème et voir venir … en tenant l’horaire.
Tout le monde sera d’accord pour vouloir porter chacun au meilleur de son excellence potentielle. Objectif quasi libéral !
Tout le monde sera d’accord pour faire accéder chacun à des comportements sociaux et à une compréhension intime du sens et des bénéfices de la notion d’intérêt général. L’objectif libéral se gauchit !
Tout le monde peut tomber d’accord sur l’inscription de ces deux objectifs au premier rang de ceux d’une scolarité réussie pour tous, s’adressant à tous, n’oubliant personne : la scolarité obligatoire, la formation 6 ans – 16 ans !
Bien.
Pour réussir l’affaire, il me semble évident qu’il faut poursuivre les objectifs cités «en parallèle», chacun sur un mi-temps scolaire.
L’excellence individuelle relève d’enseignements disciplinaires choisis, en petits groupes de niveau, avec validation en continu par courtes unités de valeur cumulables successivement acquises. Pas de critère d’âge.
Les acquisitions comportementales, la formation aux valeurs sociétales - tolérance, ouverture, intérêt général, intelligence du monde, maîtrise des outils de base de la communication inter-individuelle - relèvent d’activités encadrées en groupes hétérogènes quant aux aptitudes et aux acquis mais de même âge.
L’encadrement efficace de ces deux mi-temps exige des enseignants spécifiquement formés, spécialistes disciplinaires pour les parcours d’excellence, à forte compétence polyvalente pour les activités généralistes….
…. des enseignants à présence et investissement renforcés fonctionnant dans le cadre partagé d’équipes pédagogiques.
La notion de programme est forte dans les parcours d’excellence et pour ce qui est des parcours généralistes, faible dans le détail et la méthodologie mais encore forte dans les objectifs.
Le contexte d’applicabilité des perspectives dessinées est nettement :
- une fusion de l’école élémentaire et du collège dans l’entité unique d’une «école de la scolarité obligatoire», continuum de formation évacuant la notion de redoublement, sans césure
- une refonte de la formation des maîtres (et du recrutement)
- une simplification-homogénéisation des catégories enseignantes
- une relecture-rénovation des locaux donnant aux concepts de renforcement de la présence et de l’investissement des professeurs, au concept de fonctionnement des équipes pédagogiques, un sens
- une redéfinition de l’autonomie des établissements et de la désignation du chef d’établissement
- une révision-refonte des missions des corps de contrôle (de leur recrutement, de leur fonctionnement) basculant l’inspection vers l’impulsion-guidage-soutien-suivi des équipes
La fin de la scolarité obligatoire s’accompagne alors de la délivrance d’un Brevet de savoirs et savoir-faire généralistes et constate, par le livret des unités de valeur choisies et cumulativement acquises, un profil personnel d’excellence qui ouvre des possibilités de poursuite d’études ou d’insertion dans la vie active à hauteur de ses spécificités.
Le lycée s’inscrira utilement dans la même double logique : formation généraliste / parcours d’excellence, pour déboucher de la même façon et sous les mêmes contraintes générales imposées au contexte de fonctionnement sur la délivrance d’un Brevet de savoirs et savoir-faire généralistes et sur le constat, via le livret des unités de valeur choisies et cumulativement acquises, d’un profil personnel d’excellence ouvrant des possibilités de poursuite d’études (cette fois «supérieures») ou d’insertion dans la vie active à hauteur de ses spécificités.
Oui, bon, on doit pouvoir « faire » le quart d’heure introductif avec ça … et développer, préciser, argumenter, recadrer, répondre lors de la « table ronde ». Et puis Juin … c’est encore loin, Juin! Il y a Mai avant… Ah ! Mai ! Les mânes de Cohn-Bendit du temps qu’il était insolent et ingérable voudront peut-être impulser un petit quarantième anniversaire en fanfare … Alors…. On a le temps d’y revenir !
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