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AutreMonde
14 janvier 2008

Rattraper le retard ...

On raconte souvent - j’ai déjà dû moi-même ici le raconter - que Mazarin avait sur son bureau la pile, modeste, des dossiers qu’il avait lui-même traités et celle, bien plus considérable, de ceux que le temps avait traités pour lui.... Nous en sommes sans doute tous plus ou moins là et sur ma gauche, au pied de la lampe allumée, je contemple maussade, ce matin, le petit tas de coupures de journaux, de billets de cinéma, de notes diverses, sur quoi je me promets de, je dois, depuis deux ou trois semaines revenir, réfléchir, et dont les strates manifestent que le temps est à l’oeuvre, que l’urgence s’estompe, que le vouloir se dilue et qu’il ne restera bientôt, avant le geste las de la main qui les poussera vers la poubelle, que le constat de la comptine: “... après l’heure, c’est trop tard!”. Mais même sur des impressions molles, entre velléité et renoncement, on peut trouver deux mots à dire .... et, par exemple, un ricanement pas trop lointain à recycler. Ainsi jeudi dernier, puisqu’à Lyon je devais me rendre, j’exhume d’un classeur , datée du 29 novembre, une chronique de Philippe Dagen (Le Monde ): "Une luxueuse anthologie du dessin à travers les siècles ** Le musée des beaux-arts de Lyon donne carte blanche au philosophe Jean-luc Nancy". Nous y sommes allés (car j’étais “en famille”). Lyon est une belle ville et la place des Terreaux (le musée y est au numéro 20) , avec la fontaine monumentale de Bartholdi (Frédéric Auguste; 1834-1904; "La liberté éclairant le monde" (New-York) et le "Lion de Belfort" dont on voit une réduction place Denfert-Rochereau ...), excentrée depuis que Buren a remodelé l’esplanade, est une belle place. Mais pour la “luxueuse anthologie” .... Le Monde avait choisi pour illustrer son article un travail de Francesco Salviati (qui oeuvra un temps à Fontainebleau, au château de Dampierre): "Trois hommes nus enlacés" (1545-1547), un petit format (17x15,5 cm) prêté par l’ENS des Beaux-Arts de Paris. Explicitement homosexuel, éloquent et peu représentatif de l’ensemble des accrochages .... puisque représentant quelque chose! J’exagère, bien sûr, il y a quelques jolis dessins “signifiants”, rares, un petit Watteau m’ayant paru sortir du lot, mais le déroulé de la recension de Dagen dans le journal: “... 150 oeuvres de Dürer, Raphael, Michel-Ange, Carrache, Le Brun, Watteau, Ingres, Delacroix, Puvis de Chavanne, Manet, Rodin ..” , constat personnel fait, me laisse au moins rêveur. Il y avait donc tout ça? Ce devait être tout à fait intéressant! Dommage qu’en deux heures et en repassant partout, je n’aie rien vu! Ou alors on a fouillé dans les poubelles des ateliers, récupéré des brouillons dont leurs auteurs ne voulaient pas, esquissés à la hâte un jour de distraction, un jour de crayonnage vague par une nuit sans lune et en rupture de chandelles; on les a quand même affichés et je suis passé “à travers” ... Le catalogue de l’exposition est trop couteux (39 €) et j’ai renoncé à y alimenter ma mauvaise humeur. On nous distribue à l’entrée des audiophones (j’ai refusé) nous racontant ce qu’on devait comprendre et une plaquette de petit format qui, sous le titre général de l’exposition: "Le plaisir du dessin", rassemble “les textes que l’on peut lire sur les cimaises ainsi que quelques autres du catalogue”. Et en effet, le texte abonde, aux murs: Matisse, Derrida, Mallarmé, Heidegger, Picasso, Merleau-Ponty, René Char, Aristote, Sigmund Freud, Delacroix, André Breton, etc. Souvent un beau texte, accompagnant un classement thématique, en dix chapitres, titrés: "Le tracé, la ligne"; "L’espace ouvert, investi"; "Matières, touches, sensations"; "Le geste du dessinateur"; "De la main dessinante à la main dessinée"; "La forme qui se cherche"; "Soutenir l’insoutenable"; "Passion du corps"; "Des plaisirs à dessein"; "Le dess(e)in hors du dessin" ... intellectualisation outrancière de croquis dont un nombre non négligeable relève du “n’importe quoi”. Mais Jean-Luc Nancy est philosophe et du coup, doit-on s’étonner? Oui, déception, décidément. On pourrait se répandre en anecdotes ... On peut prendre ici au pied de la lettre un énoncé affiché de Willem De Kooning, qu’on a dû vouloir illustrer: “Je sens ma main glisser sur le papier. J’ai une image en tête mais les résultats me surprennent”. Et oui, et nous plus encore! Restons-en là .... Le samedi 22 décembre, à 97 ans, Julien Gracq est donc mort. La “nécro” du Monde (le mardi 25) est bien faite. L’hommage du Nouvel Obs (n° 2252) aussi. Julien Gracq grand écrivain, assurément, qu’on peut relire, et Louis Poirier, homme privé qui avait pris ce pseudonyme, modeste normalien supérieur (il en est), professeur agrégé d’Histoire et Géographie, à Amiens, puis Angers, puis Paris où il a exercé jusqu’à sa retraite, Lycée Claude-Bernard, anonymement mystérieux, opiniâtrement célibataire sous l’aile protectrice de sa soeur Suzanne, avouant après la disparition de celle-ci être “réduit à [sa] plus simple expression”. Curieux, peut-être dérangeant, pour moi au moins, ou pour Jérome Garcin notant dans son témoignage: “... Louis Poirier dont la vie sentimentale restera, pour moi, un mystère plus profond que la forêt d’Argol” , avec une allusion: "Au Château d’Argol" fut son premier roman, en 1938, publié à compte d’auteur. Qui fut vraiment l’encore jeune enseignant en veston-cravate que nous montre la photographie de 1951 que Le Monde a retenue, visage lisse, respirant en apparence le bon élève appliqué, peut-être inquiet? Qui fut vraiment le vieillard à casquette marchant en pull-over le long d’une berge, un peu penché, et qu’on croit deviner incertain dans ses équilibres, tel qu’a choisi de nous le présenter le Nouvel Obs? Peut-on connaître quelqu’un sans savoir qui et comment il a aimé? A-t-on besoin de connaître un auteur au delà de ses livres? On relira Julien Gracq, et quelques-uns, et quelques-unes, se souviendront de Louis Poirier. Avant, puis au gré des congés scolaires, j’ai un peu fait les salles obscures, seul, “accompagné”, ou grand-père, ce fut selon ... Les amateurs de film noir auraient grand tort de rater le James Gray (“La nuit nous appartient”) avec un Joaquin Phoenix (qui m’avait tant déplu en empereur Commode dans “Gladiator”) impressionnant de conviction. J’avais adoré Viggo Mortensen dans un précédent Cronenberg (“History of violence”) et je l’ai retrouvé sans déception dans “Les promesses de l’ombre”, du même metteur en scène, où il frôle Naomi Watts, décidément bien mignonne et supporte un Vincent Cassel, ma foi, très convenable. La critique avait largement salué les deux films. Aucun désaccord. Côté réserves: “Le renard et l’enfant”. Il est vrai que je m’étais déjà passablement ennuyé à “La marche de l’empereur”... La gamine est adorable sans doute (Bertille Noël-Bruneau, un patronyme de saison), mais enfin l’anthropomorphisme est excessif et les conséquences néfastes (pour la bête et pour toute bête!) d’une confusion enfantine entre animal sauvage et peluche ne sont pas assez soulignées, délivrant un message écolo des plus boîteux. Et puis où a-t-on vu une forêt française avec une telle densité immédiatement observable d’animaux (dont un gros ours ronchon à l’odorat étonnamment défectueux) et une meute de loups par ailleurs commençant à entamer à la dent la base d’un arbre mort pour en déloger le renard juché au sommet? Trop me semble ... un peu trop. Mais les petits-enfants ont applaudi ... Il faut dire qu’il fallait se réchauffer! La chaudière était en panne et la salle glacée, on a regardé le film en anoraks et “en situation hivernale”, très solidaires de la neige qui tombait à l’écran! Pour me rattraper, je suis allé voir aussi avec eux Lucky Luke: “Tous à l’Ouest” ... et là, sans autre commentaire, je me suis bien amusé. C’est très bien fait et Averell Dalton reste une cause sûre de contraction spasmodique des zygomatiques. Il reste un film, vu en couple, assez décalé par rapport à ce que m’en avaient rapporté les articles lus, d’où peut-être un jugement biaisé, un drôle de film pas totalement homogène, un peu patchwork de saynettes diverses, mais enfin amusant: “Faut que ça danse”, de Noémi Lvovski. Marielle est très bien, mais on nous l’avait tant promis grandiose... Il y a des trouvailles (l’intégration, au titre de cauchemar, d’un dessin animé hitléro-névrotique) et il y a Valeria Bruni-Tedeschi, la future belle-soeur du président puisque soeur de Carla ... Elle est, avec Emmanuelle Devos, de ces physiques en déséquilibre qui me prennent sous leur charme ... Sabine Azema est là, aussi, flamboyance rousse et promesse voluptueuse (?), la mine érotico-ahurie, professeur d’histoire et lectrice de petites annonces, désormais largement quinqua (ou peut-être déjà sexa?) génaire qui ne cesse pour autant pas d’être ravissante. La détente reste de très bonne qualité, avec des gravités inattendues et un couple parallèle amusant, celui de la vieille ex-épouse alzheimérisée de Marielle (Bulle Ogier) et de son garde du corps africain si plein d’humilité, d’honnêteté et de grands rires... Et voilà!... Si on veut...Quoi qu’il en soit, finalement, on a trouvé quelque chose à dire. Oh, pas sur tout, mais tant pis pour le reste, pour Beauvoir par exemple, qui n’est plus là pour protester et qui aurait tendance de toute façon à m’agacer (mais "Les Mandarins", lu sauf erreur en Math Elem (et oui, ça fait loin ça ...), c’est un bon souvenir et un probable bon roman). On va pouvoir pousser le petit tas de notes et de coupures de journaux etc. vers la poubelle. Il a quand même eu l’occasion de s’exprimer un peu. Et puis il faut regarder devant. Avec prudence d’ailleurs: ma femme insiste pour que nous allions derechef au cinéma voir le film d'Isabelle Mergault avec Michelle Laroque, “Enfin veuve”, et, comment dire ... ça m’inquiète!
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