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AutreMonde
29 août 2007

Miracles de l’aprézan ...

Il y a peu, à propos d’une remarque de Luc Cédelle (cf. commentaires ci-contre: “Qui?”), j’avais en réponse évoqué les critères de choix du journal Le Monde concernant les contributions publiées dans ses pages “Débats”. Ce retour fleurait indiscutablement “l’amertume du refusé”, mais la tribune offerte ce dernier week-end (numéro daté Dimanche 26 / Lundi 27) à Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant me semble loin d’invalider, sur le fond, ma réaction. Dans un idiotisme à l’exotisme accrocheur: “Dean est passé, il faut renaître. Aprézan!”, sur une catastrophe indiscutable et qui mérite indiscutablement l’intérêt actif de la solidarité nationale, deux signatures connues n’en alignent pas moins des généralités banales (ou des banalités générales) assises sur un truisme: “Le désastre est aussi un moment de remise en question pour penser, s’engager et construire l’avenir sur de nouvelles bases”, dont chacun sait qu’il n’est que le mouvement de menton convenu de tous les lendemains de drame. Et qu’y a-t-il de neuf dans cette réflexion qui se veut analytico-prospective? L’aprézan! L’aprézan mis à toutes les sauces, l’aprézan martiniquais pour ne pas dire créole comme trouvaille langagière et articulation rhétorique. Le médecin de Molière avait un seul diagnostic et pour tout mal la même cause: “Le poumon”. L’avenir maîtrisé, clarifié, sublimé de Chamoiseau-Glissant s’aidera, lui, d’un seul vocable: Aprézan! Certes, mais ... Aparssa? Quel est le fond de l’énoncé? Que la monoculture bananière est l’erreur à ne pas reproduire / Que les subventions vont d’abord à ceux qui en ont le moins besoin / Qu’il ne faut pas que les secours servent à réamorcer le cycle de la dépendance à un seul produit / Qu’il faut repenser et faire éclore localement une autre agriculture, globale et biologique / Qu’il faut régénérer la Martinique, terre de nature et de beauté... Qu’y a-t-il là de novateur, d’inattendu, de décapant, de décisif? Notre adhésion est tout acquise. Mais qui est ce nous? Les lecteurs du journal? Les “décideurs”? Nous dirons: “Oui, bien sûr, bien sûr, ils ont raison”, et puis nous passerons ensuite à autre chose. Il n’y a pas, dans les bonnes intentions vagues qui tissent le billet, à travers un constat de bon sens mais que chacun a déjà fait, de quoi modifier l’avenir. Il faut aller beaucoup plus loin, beaucoup plus près des solutions. Tout vœu pieux est certes une piste... mais aussi l’annonce assurée d’un inaboutissement. On attend un aprézan plus détaillé, plus structuré, à cibles toutes définies, avec calendrier et détail des étapes, répartition des rôles, analyse des circuits rénovés de subventions devenues efficaces, avec causes de dysfonctionnement exhibées, dessin précis de la réorganisation des aides au redémarrage, au redémarrage de quoi d’ailleurs, moins vaguement, etc. Faute de quoi, cet aprézan pourrait bien être un serrarien.... Mais voyons, tant qu’à réfléchir, quelle est donc dans l’affaire la position du journal, la philosophie sous-jacente à la publication d’une telle chronique de “renouveau martiniquais”? Évidence: la notoriété de Chamoiseau-Glissant s’ajoute à l’innocuité de leur message pour permettre une publication qui flatte sans aucune conséquence dommageable la position du quotidien comme tribune des “Janconus”. Autre évidence: on publie mais on ne questionne pas au fond les contenus. On fournit le document brut, sans commentaires d’accompagnement. Du coup, la succession au fil des numéros de points de vue de toute sorte, dont celui-ci n’est qu’un exemple, assemble un patchwork incertain d’avis plus ou moins pertinents disséminés au long de ce qui fait ou a fait par ailleurs quelques “titres” sans que se dessine une philosophie opérationnelle de la rédaction, installée dans une non-analyse critique de l’offre d’idées tous azimuts dont le journal se veut le support. Un bruit mou de cailloux qui tombent dans la vase et puis y disparaissent tandis que se re-lisse la surface: Débats? Untel a écrit dans Le Monde ... Ah! Et alors, qu’a-t-il dit? Je ne sais pas répondait ma grand-mère, retour des réunions électorales, mais qu’est-ce qu’il a bien parlé! .... Parvenu là, j’ai relu mon papier. Il faut de temps en temps regarder en arrière pour mieux reprendre son élan. Où est-on arrivé? Comment aller plus loin? ... reprendre son élan? Là surgit la question: à quoi cela sert-il c’est à dire akoibon? Pourquoi donc ai-je écrit? Et pourquoi Chamoiseau&Glissant, avant moi? Sentiment d’une exigence interne? “Il faut bien que nous le disions, car personne, sinon, ne le dira”? Et moi qui leur répond: “Foutaises. Ce que vous racontez, tout le monde le sait et nul n’en fera rien ...”. Moi qui leur répond? Allons, allons, ils ne le sauront pas! Ils s’en moquent, d’ailleurs. Peut-être moi aussi. Et le Monde a mené tout le monde en bateau, juste pour s’exhiber: “janconus”, au suivant... Alors? Pourquoi écrire? Écrire, c’est donner une forme “en extériorité” au monologue intérieur que l’on poursuit et qui, s’accrochant à des thèmes qui le font sur-réagir, soudain ne s’en contente plus. Mais, mise en forme faite, la chose est expulsée, la pression est tombée. Et c’est - inavouablement - peut-être bien ce qui seul compte. Chamoiseau & Glissant ont-ils fait œuvre utile? Que leur chaut! Ils ont fait. Ils vont mieux. Et moi, sans doute, aussi ... La poule est encombrée, la poule se sent mal, la poule pond son œuf, la poule se détend! Et du coup, aprézan, tout le monde est content ?!!
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