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AutreMonde
17 juillet 2007

TGV Niort-Paris avec Le Monde de l’Éducation

Sauf quelques vagues somnolences, le numéro de Juillet-Août m’a fait le trajet l’autre jeudi. On l’avait sans doute calibré pour. On arrivait à Montparnasse tandis que j’en finissais avec Charlotte Normann. Je ne savais rien d’elle en début d’après-midi et puis: “ Professeure de philosophie, s’insurge contre la hiérarchisation instaurée par une école qui se veut démocrate”. Démocrate ou démocratique? Curieux! Et puis: “professeure”... Horripilant! “L’idéal du bon élève est-il vraiment désirable?” questionne-t-elle. Elle est brune, jeune, cheveux assez longs, certainement bonne élève et apparemment désirable. Donc? “Une autre école est possible”, annonce dans son éditorial Nicolas Truong, qui a pris la responsabilité du numéro. Peut-être; une autre école est à tout le moins souhaitable, et nécessaire... mais le travail de compilation effectué ne m’a pas convaincu. N.Truong a listé, regroupé et interrogé, directement ou par textes interposés, quelques éléments de la classification: “Les penseurs, Les acteurs, Les passeurs”. Et rien me semble-t-il, là-dedans, qui dessine notre avenir. Pas mal d’utopies inopérantes et inutiles, inopérantes donc inutiles, quelques banalités, fussent-elles démythifiantes, de l’ordre du constat (Marcel Gauchet), ici ou là une affirmation vraie (Miguel Benasayag) mais sans esquisse opératoire et dans un cadre encore flou: “Il faut repenser le rapport du global au local: c’est par le local que l’éducation nationale pourra sortir de la crise (...) Les professeurs ne doivent pas attendre que les ministres donnent des solutions (...) Comment localement, et avec l’aide du centre, faire exister dans chaque établissement des noyaux de professeurs capables de s’approprier (des) problématiques (...) C’est (une) construction locale et collective qui pourra être envisagée lorsque les professeurs seront sortis de la plainte et d’une impression constante d’impuissance”. Tout à fait juste. Mais encore? ... Edgar Morin, photographié à son bureau, la main sur la souris, a la lippe toujours aussi dégoûtée pour ne pas proférer ici grand chose de constructif: “Par exemple, si quelqu’un a envie d’apprendre le chinois, on lui attribue un professeur de chinois”. Ah bon? Beaucoup d’idées généreuses mais avec un ciblage strict sur des populations marginales (le Valdocco; Janus Korczak; Fernand Deligny) quand il faut penser une refonte globale de l’école qui intègre la diversité des publics, de tous les publics scolaires. Et puis on souffre à la restitution journalistique d’actes de foi farfelus: “Ainsi avec une barrette de dix perles et deux perles à l’unité, l’enfant obtient douze sans savoir encore compter jusque là; et s’il aligne trois fois cette même quantité en assemblant trois barrettes de dix perles et trois groupes de deux perles, il obtient trente-six: il comprend le sens de la multiplication alors qu’il ne sait pas la faire sur le papier “. Propos intrinsèquement sots prêtés à une enseignante “Montessori”... L’enfant n’a rien compris du tout, et surtout pas le principe de la multiplication puisque sa juxtaposition est un mécanisme additif spontané quand la multiplication est une modélisation abstraite qui ne peut lui être qu’imposée de l’extérieur. Le “saut” multiplicatif ne peut pas être auto-construit par les gamins. Et ce petit morceau de bravoure en pédagogie expliquée est, tel quel, une foutaise. Je m’étouffe un peu en lisant une anecdote: “Les acquisitions de l’enfant se fondent sur son vécu (...) à l’école. Ce matin, la classe (...) est saisie d’une belle agitation. Ariel a amené un jeune moineau trouvé dans la rue (...) L’opportunité de l’instant fait glisser la leçon de français vers les sciences naturelles. Il résultera de ce moment de vie une production écrite: aidé de Roland et Maxence, Ariel écrira un article dans le prochain journal de la classe”. Ce compte rendu me semble relever du conte de fées et j’imagine sans peine le joyeux, l’indescriptible, l’immaîtrisable bordel consécutif à l’introduction d’un moineau vivant dans une classe “normale”. La maîtresse s’appelait sans doute Mary Poppins.... Le code inspiré des ceintures de judo (sport qu’il pratiquait) de Fernand Oury est intéressant, avec une couleur de ceinture par matière pour un élève donné, ainsi que son schéma de principe, qui a mon accord: “Une école hétérogène et sur mesure pour chaque élève”. Je lisais les quatre pages de Philippe Meirieu quand la petite américaine de la rangée de fauteuils de devant, quatre ou cinq ans, est devenue un peu envahissante. Elle avait engagé depuis un moment la conversation avec ma voisine, la trentaine assez volumineuse, un visage agréable, jean et petit Marcel, tatouage sur l’épaule droite, dont la robustesse semblait sportive et le biceps ferme, style handballeuse. Elle était restée muette (la voisine) jusque là et plongée dans le dernier John Irving (“Je te retrouverai”) dont j’ai antérieurement dit tout le mal que j’en pensais. J’avais renoncé à l’idée première de l’interviewer à ce sujet, l’essentiel du roman ou peu s’en faut - ceux qui l’ont lu doivent s’en souvenir - consistant à montrer le héros soucieux de s’endormir, suite à une habitude contractée auprès d’une amie d’enfance, aux côtés de quelqu’un “qui tienne son sexe dans sa main”. Le thème me paraissait un peu scabreux pour une entrée en matière. Mais la petite New-Yorkaise (car il va de soi qu’américaine, elle ne pouvait plus être que cela) tenait à nous aider à briser la glace et, dès Meirieu entamé, se mit à psalmodier à l’adresse de ma voisine: “The man behind you, is that your man?”. Les dénégations se faisant en anglais (et m’apprenant que seul un certain Nicolas méritait une réponse affirmative et devait déjà être en attente sur le quai de la gare d’arrivée), j’optais pour une attitude d’évidente méconnaissance des langues étrangères qui me permit de venir tranquillement à bout d’un Meirieu qui m’a paru, mais j’étais un peu distrait malgré tout, assez vide et assez vain, bien que toutes références pédagogisantes dehors, rajoutant quelques noms à ceux sélectionnés par le responsable du numéro, Nicolas Truong, déjà nommé. Le plus amusant eût été qu’il fût justement, Truong, le Nicolas de la demoiselle... Je n’ai pas pu vérifier, ni même songé à poser la question ... Dans l’article de Marie-Laure Viaud, le titre vaut sourire: “Écoles différentes: (..) Elles ne scolarisent que deux mille élèves mais (...) leurs résultats sont parfois meilleurs que celui des écoles normales”. Parfois? Donc: les résultats des écoles normales sont la plupart du temps meilleurs que ceux des écoles différentes. Dans ce cas, où est le bénéfice? Dans le corps de l’article, les indications relatives au collège Anne-Frank du Mans retiennent l’attention, la mienne en tout cas: la pédagogie esquissée se rapprocherait-elle de ce que je prône? Jusqu’où?: “Les élèves ne sont pas regroupés en classes. Ils appartiennent à (...) un groupe de tutorat stable sur toute l’année. Toutes les six semaines, ils s’inscrivent dans des groupes de besoin et d’intérêt, un peu sur le modèle des unités de valeur à l’université: Calcul mental niveau 2 ou Égypte ancienne ou Géographie-SVT: les volcans ou ... L’évaluation se fait sous forme de brevets validant des savoirs et des savoir-faire, l’élève possédant la liste des brevets devant être obtenus de la 6° à la 3° “. Cela mérite des compléments d’information. On peut sembler là sur la piste de cette hétérogénéité (le groupe de tutorat) dans la diversité (les UV modulaires) qui m’est chère. Globalement, quoi qu’il en soit, le collège Anne-Frank servant d’exception, le numéro m’a semblé bien peu efficace. Les congés scolaires sont là pour que les enseignants réfléchissent. Le matériau fourni, trop tourné vers l’hommage aux apôtres d’un renouveau qu’ils n’ont pas installé et qui ne correspond plus exactement aux spécificités d’aujourd’hui n’est pas vraiment de nature à faciliter la prospective. Il faut restructurer tout le système éducatif. On nous propose là des témoignages quasi individuels de grands anciens qui ont fait de l’expérimental localisé. Il faut simultanément repenser l’organisation générale pour installer le cadre d’une décentralisation maîtrisée (autonomie résolue des établissements et réseau de coordonnateurs actifs non directifs) et redéfinir entièrement le métier, de la formation au recrutement et aux missions de service, pour que puissent vivre des équipes vraiment responsables, dans la spécificité des méthodes et des adaptations qu’elles exigent, des populations scolaires qui leur sont confiées. Difficile et nécessaire. Et résolument “nouveau”. À peu près tout est à inventer. Il est superflu de se tourner vers l’histoire, car cette fois, elle dessine peu l’avenir.
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