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AutreMonde
7 mai 2007

Sylvie ... (II)

Alexandrie, les Huns, les Turcomans, les Cosaques, la statue d’or de Moloch, la Béatrice de Dante, le sang des Valois et les souvenirs de la Ligue se bousculent en quelques pages pour souligner de leur contenu métaphorique la montée des souvenirs, l’installation du décor, le dessin de la situation. Mais la métaphore, pour prendre sens doit être assurée de ses points d’appui. Or ....

Prononcez “Alexandrie” devant une classe... Je prends les paris, vous allez déclencher un collectif “Alexandra!” accompagné d’amorces de déhanchements et du murmure (ou du glapissement) des notes de la rengaine de Claude François, grand standard des pistes de danse. Amusant (ou triste) aboutissement d’un “déroulé” historique qui a commencé vers 330 avant J.C. quand Alexandre le Grand fonda la ville, réalisation dit-on la plus moderne de l’urbanisme antique. Foyer de la civilisation hellénistique, avec sa bibliothèque de 700000 volumes, la cité fut au cœur du développement de la science grecque (Archimède, Euclide ...), et au centre d’une intense activité intellectuelle jusqu’aux premiers siècles de l’ère chrétienne (école néo-platonicienne).

Les Huns, dans l’imaginaire collectif, c’est sans doute et d’abord Attila, les grandes invasions qui venaient de l’Est, autour des années 400, de Mongolie, les cavaliers qui montent leur chevaux à cru ou - dans d’autres versions - qui glissent de la viande sous leur selle pour l’amollir et la préparer à être mangée ... Mon instituteur de Pessac (Gironde) mimait tout ça très bien, cavalcades et sourires (forcément cruels) d’Attila inclus. Un peu plus tard pour moi, les Huns ce fut surtout la sonorité héroïque de ce groupe de mots: Les champs catalauniques, une impression d’affrontement titanesque, une bataille du côté de Reims ou de Troyes quand ils furent défaits et leur élan rompu par la coalition hétéroclite mais farouche à la tête de laquelle s’était placé Aetius, général romain. On était en 451 et l’air - je l’entendais - vibrait du cri des mourants ....

Vous allez à Turcomans, on vous renvoie à Turkmènes et in fine à Türk, “Nom signifiant Fort donné à de nombreuses populations d’Asie centrale qui prirent corps vers le VI° siècle, conquirent l’Iran, se répandirent en Asie occidentale et fondèrent ... la Turquie”. Je parlais de mon instituteur et c’est vrai qu’à la même époque, nous ne nous lassions pas de cette devinette: “Qu’est-ce qui est plus fort qu’un Turc?”. La bonne réponse était: “Deux Turcs!”. Mais les nigauds, en cour de récréation, séchaient ... Il y eut même une variante. On ajouta: “... et que deux Turcs?”. Les échaudés du premier tour croyant se rattraper disaient: “Ben ... trois” et déclenchaient l’hilarité: “Mais qu’il est bête! Il fallait dire: Un éléphant!”.

L’apparition des Cosaques est plus tardive (leur structuration semble datée du XV° siècle). On les donne nomades, paysans réfugiés d’Asie Centrale et de Moscovie (région de Moscou) partant occuper les steppes de la Russie méridionale et s’organisant en communautés de type militaire sous la conduite d’un chef élu (hetman). Ils finiront, après trois siècles de péripéties guerrières - d’où émerge (fin XVII° siècle) le nom de l’hetman Mazeppa qui lutta pour l’autonomie de l’Ukraine contre Pierre-le-Grand et dont le personnage inspira Byron, Hugo, Pouchkine, Liszt et jusqu’à un opéra de Tchaikovski -, par s’absorber dans l’armée russe à la fin du XVIII° siècle.

Moloch est mentionné dans la Bible. Cette histoire de statue d’or m’est incertaine. Divinité confuse, liée ailleurs au dieu Baal, avec plusieurs renvois à Carthage, dans les références consultées, ce serait bien plutôt une statue en bronze dans laquelle - variante parmi d’autres atrocités pour la même fin - on faisait périr par le feu les enfants que traditionnellement on immolait à sa gloire ou qu’on offrait, victimes propitiatoires, à des exaucements à venir.

La Béatrice de Dante est plus aimable. On ne les connait souvent que par leurs prénoms, mais il se nommait Alighieri et elle Portinari. Leurs maisons étaient parait-il voisines. Elle avait dix-huit ans et lui neuf quand il la croise pour la première fois, en 1274. Elle mourra prématurément en 1290; entre-temps, ils ne se seront jamais parlé, à peine vus, mais de ce fantasme vaguement effleuré, Dante tirera la source d’une vie entière de chants d’amour et lèguera aux études littéraires quelques uns des plus célèbres matériaux de la supercherie amoureuse. Leur couple mythique (il s’est par ailleurs marié à vingt ans et a fondé une copieuse famille!) ne sera guère concurrencé dans la postérité que par celui que formeront Pétrarque et Laure de Noves quelques décennies plus tard.

Avec le sang des Valois, on revient à l’Histoire de France. On nous présente la famille comme branche des Capétiens dont elle prend le relais sur le trône en 1328. Elle a été fondée par Charles “de Valois”, fils de Philippe III le Hardi (lui-même fils de Saint-Louis), qui avait reçu le Valois en apanage. L’apanage désigne en fait une portion du domaine royal qu’on accorde aux cadets de la Maison de France en compensation de leur exclusion de la couronne. Et Charles ne pouvait régner, le trône revenant à son aîné, Philippe IV le Bel. À sa mort en 1314, les trois fils de ce dernier (Louis X le Hutin, Philippe V le Long, Charles IV le Bel) lui succèdent assez brièvement sur le trône, mais meurent non moins successivement sans héritier. Cette branche est donc “épuisée”, et c’est le fils de Charles de Valois qui sous le nom de Philippe VI de Valois installe la nouvelle lignée. Après sept Valois “directs”, on verra apparaître un Valois-Orléans, Louis XII, aîné du frère d’un des précédents, puis, François 1er ouvrant le bal et Henri III le fermant, cinq Valois-Angoulème, issus d’un frère de Louis XII. Henri IV, qui monte sur le trône en 1589, est un Bourbon. Exit les Valois .....

Que reste-t-il? Ah, oui: La Ligue. C’est la fin des guerres de religion. Confédération de catholiques français, elle œuvre à partir de 1576 en vue, sous couvert de défense de la foi, de détrôner Henri III au bénéfice d’Henri, duc de Guise, mais ne cesse pas pour autant, passé l’assassinat de ce dernier en 1588, sa lutte contre la désignation d’Henri IV jusqu’à la soumission de Paris en 1594 - après l’abjuration du Navarrais.

Oui, rien moins que tout cela, rien moins que ce patchwork d’allusions éclatées, pour avancer de quelques pages dans le récit, pour passer d’un théâtre parisien à une voiture de poste, en route pour un village, justement, du Valois. Le pays de Valois? Définition? Apparemment, on se dispute. L’Oise, le Val d’oise, l’Aisne, la Seine-et-Marne, chacun en a sa part mais tous le veulent en entier! Crépy-en-Valois, Senlis, Chantilly s’en réclament à travers respectivement les Valois, les Capétiens et les Condé; les 62 communes de la “Communauté de communes du Valois”, centrées sur Crépy-en-Valois, coincées entre les bois et forêts d’Ermenonville à l’ouest, Compiègne et Retz au nord, Montigny à l’est, prétendent détenir la totalité de la dénomination; Villers-Cotterets, arguant de François 1er y signant en 1529 l’ordonnance éponyme qui imposait le français dans les actes administratifs, trouverait scandaleux de ne pas en être, ainsi d’ailleurs que La Ferté-Milon .... Etc.
Pour le Robert, on simplifie: Est de l’Oise et Sud de l’Aisne, et on cite Chaâlis, ancienne abbaye cistercienne, près de Senlis, présente chez Nerval.
Quant au bourg de Loisy, où se rend le narrateur et où réside Sylvie, il en existe bien un, mais en Saône-et-Loire, du côté de Châlon/Saône, un petit village de 520 habitants, trop loin du bassin parisien pour être dans cette affaire autre chose qu’un Illiers préfiguré....

... Et si nous jetons un coup d’œil un peu plus loin dans le texte, de quoi nous parle-t-on encore, entre deux souvenirs? Mais de Cythère et de Watteau, avant d’arriver à Rousseau, morceau de résistance. Ce sera pour la prochaine fois ...    À suivre ....

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