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AutreMonde
17 juin 2013

Baccalauréat 013 – Philosophie .

Tout cela est-il bien sérieux ?

BAC

• Les sujets de la série L

"Le langage n’est-il qu’un outil ?"

"La science se limite-t-elle à constater les faits ?"

Le texte à expliquer est un extrait d’une Lettre à Elisabeth de Descartes.

Bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu’on ne saurait subsister seul, et qu’on est, en effet, l’une des parties de l’univers, et plus particulièrement encore l’une des parties de cette terre, l’une des parties de cet Etat, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion[1], car on aurait tort de s’exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n’aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu’on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n’aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu’en se  considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d’exposer sa vie pour le service d’autrui, lorsque l’occasion s’en présente.

(Le coefficient de l'épreuve de philosophie en série L est de 7.)

• Les sujets de la série ES

"Que devons-nous à l’Etat ?"

"Interprète-t-on à défaut de connaître ?"

Le troisième sujet est le commentaire d'un extrait de De la concorde, de Saint-Anselme :

"Prenons maintenant un exemple où apparaissent une volonté droite, c’est-à-dire juste, la liberté du choix et le choix lui-même ; et aussi la façon dont la volonté droite, tentée d’abandonner la rectitude, la conserve par un libre choix. Quelqu’un veut du fond du cœur servir la vérité parce qu’il comprend qu’il est droit d’aimer la vérité. Cette personne a, certes, la volonté droite et la rectitude de la volonté ; mais la volonté est une chose, la rectitude qui la rend droite en est une autre. Arrive une autre personne la menaçant de mort si elle ne ment. Voyons maintenant le choix qui se présente de sacrifier la vie pour la rectitude de la volonté ou la rectitude pour la vie. Ce choix, qu’on peut aussi appeler jugement, est libre, puisque la raison qui perçoit la rectitude enseigne que cette rectitude doit être observée par amour de la rectitude elle-même, que tout ce qui est allégué pour son abandon doit être méprisé et que c’est à la volonté de repousser et de choisir selon les données de l’intelligence rationnelle ; c’est dans ce but principalement, en effet, qu’ont été données à la créature raisonnable la volonté et la raison. C’est pourquoi ce choix de la volonté pour abandonner cette rectitude n’est soumis à aucune nécessité bien qu’il soit combattu par la difficulté née de la pensée de la mort. Quoiqu’il soit nécessaire, en effet, d’abandonner soit la vie, soit la rectitude, aucune nécessité ne détermine cependant ce qui est conservé ou abandonné. La seule volonté détermine ici ce qui est gardé et la force de la nécessité ne fait rien là où le seul choix de la volonté opère."

(Le coefficient de l'épreuve de philosophie série ES est de 4.)

• Les sujets de la série S

"Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique ?"

"Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?"

Le troisième sujet est le commentaire d'un extrait de La pensée et le mouvant, de Bergson.

Qu’est-ce qu’un jugement vrai ? Nous appelons vraie l’affirmation qui concorde avec la réalité. Mais en quoi peut consister cette concordance ? Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l’affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c’est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application. Ce qui est réel, c’est tel ou tel fait déterminé s’accomplissant en tel ou tel point de l’espace et du temps, c’est du singulier, c’est du changeant. Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet. Prenons une vérité aussi voisine que possible de
l’expérience, celle-ci par exemple : « la chaleur dilate les corps ». De quoi pourrait-elle bien être la copie ? Il est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d’un corps déterminé à des moments déterminés, en la photographiant dans ses diverses phases. Même, par métaphore, je puis encore dire que l’affirmation « cette barre de fer se dilate » est la copie de ce qui se passe quand j’assiste à la dilatation de la barre de fer. Mais une vérité qui s’applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j’ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien.

(Le coefficient de l'épreuve de philosophie série S est de 3.)

        Un candidat ….  735341_6007217453181_2107725380_n … gonflé.

                                             ************ 

Oui, tout cela est-il bien sérieux ? Sagesse ou gâtisme, au fur et à mesure que j’avance en âge et continue à regarder les sujets de philosophie, je me demande chaque fois plus instamment quel est leur intérêt, et si « philosopher » ne serait pas une imposture.

Quelques brillants sujets, il en reste, capables de parler de tout et de n’importe quoi en y introduisant des cuistreries apprises obtiendront d’excellentes notes, mais le gros de la troupe, quelles sont ses possibilités réelles de recul et de réflexion, et que testera cette épreuve archi-convenue adossée à des questions plus ou moins abstruses et qui souvent pourraient aussi clairement se régler par un oui ou un non qu’autoriser un volume entier de contorsions spéculatives au bout du compte improductives ?

On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, proclamait Rimbaud. C’est à un ou deux ans près l’âge de la plupart des candidats au baccalauréat. Et ce qui ne me semble pas sérieux, c’est de leur poser des questions auxquelles ni eux, ni personne, n’est réellement capable de répondre autrement que par un silence hébété, ou des jongleries de sophiste.

"Le langage n’est-il qu’un outil ?"

Eh bien en gros, oui, un outil de communication, essentiellement. Mais encore ? Il suffit de passer en revue les aspects dérivés, le poète qui se parle à lui-même, le chercheur aussi, le politicien qui ‘‘parle’’ son élection avec son lot traditionnel de mensonges, le convivial qui meuble les silences de propos ‘‘phatiques’’ (qui parle pour ne rien dire), le mondain, l’arriviste, qui parlent pour congratuler, complaire, courtiser, avancer, obtenir, le parleur qui s’écoute parler, l’amoureux qui bégaie son désir, etc.

On peut couvrir quatre ou six pages, dessiner des micro-portraits (mal) imités de La Bruyère pour installer les monologues ou dialogues de différents caractères, de différentes positions sociales, caricaturer quelques perturbations psychologiques, on peut ‘‘pisser de la copie’’ , tâcher de n’oublier personne, proclamer que le langage permettra aussi de prendre conscience de soi, etc. mais on pourrait aussi bien ne rien faire.

Wittgenstein      Et bien entendu, aucun candidat n’aura omis de citer Ludwig Josef Johann Wittgenstein (1889-1951): « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ».

"La science se limite-t-elle à constater les faits ?"

Un non suffirait. Mais ce serait compter sans le démon des développements. Pas nécessairement gratuits, puisque ici, distinguer ‘‘le constat’’, ‘‘l’explication’’ (en prolongeant par le distinguo ‘‘explication’’/‘‘modélisation’’ !) et ‘‘la prédiction’’ peut ma foi justifier quelques lignes ou quelques pages.

Newton2       Si Newton s’était contenté de constater que la pomme lui tombait sur la tête, la science n’aurait pas, à travers lui, fait un bien grand pas. On ne félicitera pas l’auteur du sujet. ‘‘Quels rapports entre la science et les faits ?’’ eût été plus judicieux.

"Que devons-nous à l’Etat ?"

Louis XIV      Ben, L’état, c’est moi, non ?

Admettons que les temps aient changé … La réponse pourrait être un laconique : Tout ! Ce qui vaudrait aussi dans l’autre sens : Que nous doit l’Etat ?, puisque sans ‘‘nous’’, un nous collectif, il ne serait rien. C’est JFK : « Ne vous demandez pas ce que le pays peut pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez pour le pays ». Que va faire le candidat ? Il va parler de l’impôt, de la sécurité sociale, de la garantie de l’emploi … Certains vont penser à analyser les deux sens de la question, Kennedy de nouveau : Ce que nous devons à l’Etat, en termes de ‘‘remerciements pour’’ / Ce que nous devons à l’Etat en termes ‘‘d’obligations à remplir’’.  Droits et devoirs. Certains pourront se lâcher sur les ‘‘cailleras’’ qui semblent croire qu’on leur doit beaucoup quand ils doivent peu … Ou sur l’immigration. Sujet potentiellement dérapant .

"Interprète-t-on à défaut de connaître ?"

Horowitz

Horowitz, dit-on, faisait pas mal de fausses notes (ou Rubinstein?). Peut-être interprétait-il, à défaut de connaître ? Ce pourrait être un angle d’attaque iconoclaste. Sinon, qu’est-ce d’autre, ce sujet, qu’une discussion sur la pensée pré-logique, sur l’obscurantisme. Quand on ne sait pas, on invente. Et les dieux pleurent quand il pleut. Sauf qu’on peut dévier aussi sur les ressorts psychologiques, l’interprétation des attitudes, et jouer avec les quiproquos mondains (M’a-t-elle salué ? M’a-t-elle vu ? Pourquoi cette froideur ? … avant d’apprendre qu’elle a grimacé parce qu’elle avait un caillou dans la chaussure) ou les séances sur le divan de Freud (Et votre mère …? – Nooon !!! Ah ! Pauvre garçon ! Je comprends mieux que vous n’aimiez pas les escargots !)

"Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique ?"

Cahuzac

 Là, ça ne se discute pas ! Cahuzac s’impose. Il a dû faire un tabac dans les copies traitant le sujet. Cela dit, la question …. Les stylites des débuts du christianisme, survivant ascétiquement au sommet d’une colonnade en absorbant un œuf par jour ou un grain de raisin, vivaient fort moralement et s’intéressaient semble-t-il fort peu à la politique … Qu’est-ce qu’agir moralement? Si la moralité implique autrui, on tombe dans la politique, on abandonne le stylite à son triste sort  et on se pose des questions, par exemple sur Diogène et sur Socrate. Par exemple. Et sur Cahuzac et Tapie bien entendu, sans oublier Guéant, etc. Et les candidats ne manqueront pas d’avoir énoncé que la question serait plutôt : ‘‘Peut-on vivre moralement et s’intéresser à la politique ?’’

"Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?"

Arbeit macht frei Camp_Oranienburg        Au camp d’Orianenbourg, entre autres, on affirmait qu’il rendait libre !

Jacobi      Carl Gustav Jacob Jacobi (1804-1851) lui, travaillait (du moins il l’affirmait ; il en est également mort) ‘‘Pour l’honneur de l’esprit humain’’. 

Deux conceptions assez distinctes de l’affaire. Qui s’achèvent dans les deux cas par l’épuisement. Diable !

Le travail permet tout un tas de choses, voilà au fond toute la réponse. Mais détaillez mon ami, voyons ! Bof … Tant de formes de travail qu’on ne saurait énoncer de vérité générale. Jacobi, grand mathématicien, a certainement pris conscience de lui-même à travers ses travaux, dans une relative humilité, quand Evariste Galois prenait au même moment, mais dans une vie écourtée par un duel stupide, conscience de son immense talent dans une immense arrogance. Travail intellectuel. Cogito, ergo sum. Je pense, donc je suis. Le volet Descartes de l’affaire peut sembler évident. Quand le travail, c’est la pensée … Dans d’autres cas, cela risque surtout d’être la prise de conscience de ses courbatures.  Travaux multiples, et multiples prises de conscience. On pouvait, candidat, lister … écrire, écrire, etc.

                                    *****************

Pas vraiment passionnant, tout ça.

Restait comme recours possible, l’explication de texte.

Descartes, Anselme de Cantorbéry (Canterbury), Bergson.

On en dira peut-être deux mots une prochaine fois …



[1] Ici : discernement

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