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AutreMonde
9 septembre 2008

À propos de Yasmina Khadra.

Je crois l’avoir dit en passant : poussé dans le dos par une amicale belle-mère (il en est), j’ai tâté du Khadra au printemps et, soucieux d’en finir, après avoir abandonné en cours de route et au bout de cent pages (on notera malgré tout l’effort) pour cause d’ennui profond (banalité des situations ; conventions d’écriture de la veine « polars »…) La part du mort (j’attendrai quelque déplacement en TGV pour envisager de reprendre ce roman de gare en essayant de le mieux apprécier (?)), je me suis imposé sa trilogie qu’on pourrait dire « dans l'axe du mal », Les hirondelles de Kaboul, L’attentat, Les sirènes de Bagdad.

Yasmina Khadra (de son vrai nom Mohammed Moulessehoul ; il a pris à ses débuts, officier dans l’armée algérienne, un pseudonyme féminin pour des raisons de sécurité), enfant - né en 1955 - du Sahara algérien, qui fait l’admiration de l’ancienne institutrice pied-noir ci-dessus évoquée par son maniement de la langue française (« Et dire que c’est nous qui lui avons appris cela, dire que ce petit arabe est tombé amoureux de notre langue ! Comment l’en remercier assez ! Etc. ») , ne me semble décidément pas être un véritable écrivain.

Pour écrire, il écrit, la question n’est pas là ; il écrit même beaucoup, et l’on voit en vitrine ces jours-ci son dernier travail, sous un beau titre d’ailleurs : « Ce que le jour doit à la nuit », sauf erreur sur l’histoire coloniale de l’Algérie.

Mais son style m’agace. La personnalisation systématique des villes, des objets, du soleil, de la lune, du brouillard, de la mer qui ne cessent de s’étonner, s’épanouir, s’affliger, et nous entretenir de tous leurs états d’âme me fatigue. On y sent une application dans la métaphore (à mon avis) maladroite qui brouille la portée du discours. En fait, Khadra est scénariste.

Par exemple Les sirènes de Bagdad, pour ne citer que le dernier lu, est un parfait scénario de thriller, bien découpé, avec le nombre satisfaisant de personnages stéréotypés, avec ses situations bien typées, le petit village dans le bled irakien, loin du bruit et de la fureur, l’ennui qui suinte, le choc d’un raid américain, le traumatisme des traditions piétinées, la volonté de vengeance du héros, le départ pour Bagdad, l’engrenage progressif de l’implication terroriste, la mise en place du complot, l’absurde, l’issue inutile et désespérée. Tout est en place. Il ne reste presque qu’à dire : Moteur !

Yasmina Khadra a le sens de l’intrigue. Dans chacun des courts romans de sa trilogie, la montée du schéma dramatique parvient à se frayer peu à peu un chemin qui retient l’attention à travers des notations annexes destinées à poser le décor et épaissir la psychologie des personnages auxquelles je trouve des pesanteurs encombrantes.

Dans son autobiographie (L’écrivain) que je n’ai pas lue, Khadra me dit-on raconte la découverte de sa passion pour l’écriture à travers la lecture de contes. Et c’est vrai qu’il a l’imagination du bon conteur, mais d’un conteur me semble-t-il oral tant la maladresse de ses images, trop banales à l’écrit, pourrait gagner à être seulement entendue, dans le rythme d’un discours plus naturellement tendu vers l’événementiel, où la scorie de l’enluminure un peu ratée passe mieux.

Oui, trois romans ici et trois contes moraux, désespérés et amers, avec une histoire solide, mais qui ne parviennent pas à installer une réelle épaisseur de texte dans un porte-à-faux des images qui signe à la fois un effort d’écriture et son échec. J’ouvre au hasard Les hirondelles de Kaboul : « … La poussière continue de flotter dans l’air, voilant un pan du ciel où un troupeau de nuages d’un blanc affligeant s’est immobilisé. Loin, derrière les montagnes, on croit percevoir des déflagrations que l’écho falsifie à sa guise. Depuis deux jours, des tirs sporadiques éructent dans l’indifférence générale… ». Ouais ….

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