Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
4 juillet 2008

Meirieu-Coligny sur l’autel de la pédagogie?

Sous le titre assez ridiculement excessif : Une Saint-Barthélémy des pédagogues, le quintette composé de Jean-Louis Auduc (IUFM Créteil), Rémi Brissiaud (IUFM Versailles), Sylvain Grandserre (Professeur des écoles), Philippe Meirieu (université Lumière-Lyon-II) et André Ouzoulias (IUFM Versailles) publie dans Le Monde daté de Vendredi 4 juillet 2008 une “contribution au débat” impressionnante de mauvaise foi.

La mort programmée des IUFM leur a semblé nécessiter la référence historique.
À quel fier massacre renvoyer?
Et même, pourrait-on aller jusqu’au génocide? Voyons... Une Shoah pédagogique? Non, ça va faire trop d’histoires, on ne peut pas plaisanter avec ça ...
Est-ce qu’Un Rwanda éducatif passerait mieux? Guère... Alors quoi?

Il nous faut une gentille tuerie plus localisée... Un peu historique et assez lointaine ... Le sacrifice de Léonidas et de ses 300 hoplites au défilé des Thermopyles, pour retarder l’avancée des armées perses de Xerxès, en 480 avant J.C.? “Passant, va dire à Spartes que nous sommes morts ici pour obéir à ses lois”? Ça aurait de la gueule mais... Meirieu en Léonidas, le jarret tendu et la javeline à pointe de bronze en main ... C’est un peu juste.

Ou alors on se rapproche, dans le temps. On passe aux affrontements puniques. Rome contre Carthage. Et en marge, vers 240 avant J.C., la révolte des mercenaires carthaginois, trop longtemps impayés [... il ne serait pas étonnant qu’il y ait des “Heures Sup” ou des “Frais de déplacement” en retard dans les IUFM, c’est une coutume rectorale bien établie; ça ferait le lien], révolte que mate Hamilcar Barca qui bloque les protestataires au défilé de la Hache et - d’après l’historien grec Polybe qui le rapporte soixante ou soixante-dix ans plus tard -... les fait tous piétiner par ses éléphants. Oui... pas mal ... mais cette histoire d’éléphants va déplaire au parti socialiste; ils vont y voir une allusion déplaisante... Il ne faut pas s’aliéner tout le monde.

Bon, on va tenter plus franco-français, plus “bien de chez nous” ... .

Voyons... Tiens, l’hérésie cathare, ça pourrait être bien ça! 1209, le sac de Béziers par les troupes de Simon de Montfort avec la bénédiction d’Arnaud Amaury, légat du pape et son injonction: ”Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens!”. Ça peut faire un bon titre... Mais par qui remplacer Dieu? Compliqué. Célestin Freinet? Ferdinand Buisson? Maria Montessori? D’autres? Il va y avoir des querelles d’écoles... Non. On cherche un autre épisode ...

Le bûcher de Montségur alors? Ah, oui! Ça “peut le faire” ça! Hugues d’Arcis pendant des mois tenant le siège au pied du piton rocheux et puis la fin des 210 “parfaits”, le 16 mars 1244, hommes, femmes, enfants qui refusent d’abjurer et qui se jettent dans les flammes au Prat des Cramats, au champ des brûlés... Excellent! Oui... Bon ... mais enfin, ils n’étaient que 210 ...À la réflexion il faudrait trouver plus “volumineux”, plus “cossu en nombre” ...

Et donc la Saint-Barthélémy!
Et oui! Que des avantages!
Sans doute Meirieu est un peu plus âgé que le rôle principal: Gaspard de Chatillon, sire de Coligny n’a que 53 ans, mais à l’époque, on fait “naturellement” plus vieux... ça ira.
Et puis c’est du solide ça, la Saint-Barthélémy, tout le monde connaît, de nom au moins. Le remuement de la période a fait florès, il y a eu de la littérature grand format dans les environs (Dumas et la reine Margot; c’est la nuit de ses noces), et du cinéma (Chéreau à la caméra et Brialy en amiral défenestré jusques aux pieds d’Henri de Guise, à quatre heures du matin, ce 24 août 1572)... Évidemment, Xavier Darcos en duc de Guise, ça peut faire un peu sourire...
Mais enfin le tableau est bon. Et il y a le nombre. On compterait sur toute la France, avec l’extension des massacres à la province, environ 20 000 morts. Voilà un bon ordre de grandeur pour notre tuerie pédagogique...
Et puis, à y réfléchir, c’est bien une guerre de religion que cette affaire de “républicains” et de “pédagogues”, pleine d’anathèmes et d’insultes, de quasi sang et de fureur, d’excommunications, de Jean-Paul Brighelli(s) et de François Dubet(s)....
Allons, c’est adopté: Une Saint-Barthélémy des pédagogues
On le tient! On envoie ça au journal!

Et le fond? Ah! Oui, le fond ...

Je ne relèverai qu’un contrevérité dans un plaidoyer pro domo concernant les IUFM qui s’emploie surtout à nier l’évidence et l’échec d’une structure qui s’est voulue, succédant à la spécificité des écoles normales, un attrape-tout de la pédagogie des formations initiales ... pour s’égarer rapidement sur les chemins du discours creux.

Je veux parler du “Compagnonnage”.

L’affaire est pourtant je crois claire: un enseignant, c’est une double compétence en marche. La première est académique. Elle concerne les savoirs, à dominer, à maîtriser, dans une rigueur et une fluidité de la langue, écrite et parlée, dans un approfondissement et une mise à jour des connaissances, à constamment renouveler.

La seconde est de bonne pratique. Elle porte sur le rapport à l’élève, sur l’art et la manière (j’ai bien dit: l’art) de l’entendre et de l’écouter, dans une maïeutique socratique qui l’ouvre lui-même à ses propres incertitudes, à ses errements, à son manque d’humilité, en l’installant dans l’exigence et le désir d’apprendre. Difficile gageure et qui ne peut s’acquérir qu’en acte, sur le terrain, dans l’expérience (d’abord guidée) du dialogue pédagogique.

Et poser cela, c’est avoir tout dit. Et le refus de comprendre, sur le second volet, la nécessité d’un apprentissage “sur le tas” que ne peut remplacer, ni même efficacement préparer, l’envolée des discours amphigouriques de quelques maîtres ès comportements de classe qui parlent, en gros pour ne rien dire, de matières qu’en fait, ils ne connaissent pas, ce refus finit par relever de la malhonnêteté intellectuelle, adossée à la défense d’un privilège fort précieux: “Quand je discours sur la difficulté d’enseigner, je m’assure un statut qui me dispensera de m’ y casser les dents...”.

Ayant posé ces deux piliers du “geste” de l’enseignant, reste effectivement à en assurer la solide construction. Je ne dirai rien ici de l’académique que l’université, si elle veut réfléchir, est excellemment armée pour prendre en charge. Mais je veux préciser un peu le pilier “pratique”.
Les anciens stages pratiques de CAPES des âges pré-IUFMiens, les visites de classe “informatives”, les “demi” ou “quart” de service en responsabilité en première année d’enseignement ne répondent pas à la question.
Il faut aborder le problème de front et par là résoudre en une fois deux difficultés.
Dans une perspective de formation à Bac+5, trois premières années de formation académique, si elles sont exigeantes et denses, doivent permettre l’acquisition de connaissances suffisantes pour envisager d’aborder ( je n’ai pas dit pour dominer) un champ d’enseignement couvrant la scolarité obligatoire et le lycée.
Il faut alors ensuite passer à deux années d’immersion en pédagogie active, l’une en scolarité obligatoire, l’autre en lycée, comme assistant (doublure active) d’un maître de stage chevronné. Il ne s’agit pas de le regarder faire, mais d’organiser avec lui, entre pairs, plus que la répartition des responsabilités et des charges d’un service complet, la gestion effective et efficace, en parallèle et en binôme, de tous les aspects de celui-ci.

J’ai parlé de résoudre deux difficultés... parce qu’il y a par ce biais non seulement la seule voie d’apprentissage réel des réalités du “métier” mais encore, dès le départ de la carrière, la possibilité de poser les jalons de cette exigence absolue sous le signe de laquelle cette carrière devra s’inscrire, celle du travail en équipe.

Mise en place des maîtres de stage, accueil des stagiaires au sein des établissements, impulsion, animation des équipes éducatives locales pour qu’elles s’investissent collectivement dans ce pied-à-l’étrier dû au jeune collègue, levée des enthousiasmes, compléments d’auto-formation continuée pour les anciens dans cette participation au renouvellement du cadre enseignant, toutes ces pistes s’ouvriront qui solliciteront la compétence et les qualités des chefs d’établissement, des corps d’inspection, rendus (enfin!) à leurs vraies responsabilités .... Etc.

Il faut creuser, bien sûr, mais enfin oui, voilà de nécessaires chemins simples à ouvrir au lieu de se replier sur la déploration sans fin de ces paradis perdus de tous les évitements pédagogiques que peuvent représenter, pour ceux qui y enseignent, sans souci particulier d’efficacité pratique, les vaines oasis IUFMiennes où ils peuvent reposer, à l’abri des vrais soucis de classe ... et où ils tremblent désormais, dans la crainte épouvantable d’exigeantes réaffectations ailleurs, sur le terrain, là-bas, dans la jungle des ZEP de tous leurs cauchemars!

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité