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AutreMonde
13 novembre 2007

Mais c’est qu’il est vénère!

Être “vénère” c’est, en (langage) verlan estampillé “djeune”, être énervé. Et beaucoup de ce que je lis dans Le Monde m’énerve, sans exclure ce que j’entends sur France-Inter. Ce matin (12/11) par exemple, pendant le 6-7 de Patricia Martin, il a fallu attendre la deuxième ou troisième occurrence d’une information relative à “la-décision-de-la-coordination-nationale-étudiante-réunie-ce-week-end-à-Rennes-d’appeler-au-blocage-de toutes-les-universités” (je ne garantis pas Rennes) pour que le journaliste daigne concéder qu’en fait de coordination nationale, une petite centaine d’étudiants s’étaient réunis, dans un enthousiasme mou, pour constater qu’ils ne représentaient pas grand-chose d’autre qu’eux-mêmes et en déduire l’urgence d’une radicalisation des slogans. Avant cette mise au point, on nous laissait imaginer à Rennes des ambiances de stade et de mai 68 en marche. J’avais entendu Valérie Pécresse sur Inter vendredi matin 9/11 et Le Monde daté de samedi 10 s’en faisait l’écho au sein d’un article assez copieux sur “Les présidents d’université [qui] dénoncent un noyautage du mouvement étudiant”. Sur Inter - l’émission est interactive de 8h40 à 9h - un auditeur enseignant soulevait le problème du libre accès aux cours à considérer, parallèle au droit de grève, comme exercice du droit au travail. Réponse ahurissante du ministre. En substance: “Comprenez bien, Monsieur, que nous ne pouvons pas intervenir sur les piquets de grève (ou de blocage) à l’entrée des universités en vertu de la notion de “trouble à l’ordre public”. Si nous intervenons, il y aura des réactions et du coup l’ordre public se trouvera troublé”. En d’autres termes et en toute contradiction avec le principe: “Force doit rester à la loi”, la principale préoccupation est non de faire respecter celle-ci, mais de ne pas bousculer ceux qui la piétinent afin d’éviter leurs gesticulations bruyantes. Aberrant. Le journaliste du Monde, apparemment pas plus choqué que l’animateur d’Inter, qui n’avait pas réagi (pour ne pas troubler l’ordre public radiophonique?), se contente de rapporter que: “La puissance publique ne peut intervenir” , et signale - ce qui fut dit - que Madame le ministre appelle les étudiants qui ne sont pas d’accord [avec les grévistes ou les bloqueurs] “à se rendre massivement dans les assemblées générales”. Ce “Démerdez-vous sans moi” est tout à fait symptomatique d’une pusillanimité politique qui s’effraie de tout début de contestation. La Droite en campagne présidentielle a beaucoup agité la notion de service minimum dont on ne l’entend plus parler maintenant que se profilent les grèves de la SNCF. Il y a là des mouvements de manche (ou de menton) ridicules, quand je suis persuadé que la seule mesure cohérente à prendre est simplement de faire respecter le droit au travail via des mesures concrètes interdisant aux piquets de grève de se constituer. La “majorité silencieuse” à qui Valérie Pécresse demande de venir peser sur des AG aux effectifs régulièrement étiques et que manipulent facilement quelques activistes décidés est un conglomérat d’individualités qu’effarouchent les prises de parole et les coups de gueule tranchés, un conglomérat vague et - par nature - totalement déstructuré, incapable dès lors de prendre conscience de sa force. Et c’est bien en fait à l’autorité publique de lui donner, en interdisant qu’on le lui interdise, la possibilité effective de manifester ses choix. Mais cela, dans un premier temps, ferait des vagues ... Et donc: “Force doit rester aux minorités agissantes!”. Vous aviez dit “Rupture”? Accessoirement, reconnaître que pour une fois, l’éducation nationale jusqu’au baccalauréat donne le bon exemple, où il est de tradition de laisser libre l’accès des enseignants et des élèves aux établissements quoi qu’il en soit des mots d’ordre de grève. On évite d’inutiles tensions et les choix sont plus clairs. Je vois, sur ce sujet de l’éducation nationale, dans Le Monde du week-end, que Xavier Darcos “veut diviser par trois l’échec scolaire lourd”. Extraordinaire fascination pour les nombres. Il ne s’agit pas de s’assurer la maîtrise de l’échec scolaire, d’en mieux cerner les causes structurelles et d’en dessiner de possibles thérapeutiques, non, il s’agit d’abord de le mesurer, puis de le diviser par trois! Éloge du calcul? On va réviser les programmes, mieux définir les “blocs horaires”, et ... soutenir les retardataires tant innés qu’acquis, avec, fin du fin, un “stage de remise à niveau entre la fin du CM1 [erreur journalistique? fin du CM2 plutôt ...] et le commencement de la scolarité au collège“. Autrement dit, sur cette dernière annonce, au lieu de dissoudre le saut de continuité primaire-collège dans une autre conception de la scolarité obligatoire, on va compliquer l’usine à gaz et prévoir quelques échelles de secours ... Et avec ça, j’ai raté le “Duel sur la 3” de la reine Christine dimanche soir, avec thème éducatif, dont Dominique Dhombres me rend compte dans le numéro daté de mardi 13/11. Il y avait justement Xavier Darcos, et en duettistes confirmés, Finkielkraut et Meirieu. Pas trop de regrets. J’ai l’extinction des feux usuelle à 23 heures, qui était celle du démarrage, et ce qu’on m’en dit ne semble pas bouleversant de nouveautés opérationnelles. Exercice d’école au sens propre semble-t-il, autour d’un verre aux neuf dixièmes vide (Finkielkraut) qu’on pourrait voir aux trois-quarts plein (Meirieu) ... quand il faudrait surtout revoir le contexte et la méthode du remplissage, sans négliger d’en remettre en cause le sens et en commençant par les missions et les profils des techniciens chargés de l’affaire. Apparemment d’ailleurs, ces derniers temps, le Finkielkraut est à la hausse et en veine de parlote médiatisée. Dans Le Monde du week-end déjà cité, deux pleines pages à partager avec Paul Thibaud (enfin, dans l’espace laissé libre par une envahissante photo des protagonistes assis où le mollet finkielkraltien est visiblement moins apte au maintien de la chaussette que la cheville thibaldesque). “Juifs et chrétiens, le débat” nous assène-t-on en gros titre. Finkielkraut se retrouve en chantre réservé du judaïsme et Paul Thibaud, comme son prénom l’indique, en chrétien convaincu. Le contenu? On échange pour commencer des généralités que je dirais hautaines pour l’inculte de la sensibilité (ou du fait) théologique: “Les chrétiens ont enfin admis la permanence du peuple juif; le mépris chrétien visait le juif charnel (le juif trop attaché aux valeurs matérielles) et ce mépris n’aurait plus cours; la substance de la repentance chrétienne (l’Église et la Shoah) reste ambiguë et Finkielkraut y voit “une pratique effrontément narcissique et anachronique de la mémoire”; les Aryens étaient les dépositaires de l’Idéal, la race de l’Esprit et c’est pour libérer l’humanité de l’étreinte du matérialisme qu’ils auraient entrepris l’extermination de la “race juive”; au juif on reproche le goût de la puissance, mais cela alimente la volonté de puissance du chrétien ...” Et puis le texte se densifie et en même temps s’organise autour de quelques idées effectivement riches et clairement structurées ... en deuxième lecture! Finkielkraut qui a un sens aigu de la modélisation simplifiée des situations (on le sentait bien dans son “Nous autres modernes”; il partage ce talent théorico-pédagogique avec quelques autres, dont Luc Ferry) énonce ce qu’il nomme “un poignant chassé-croisé des mémoires” : la Shoah rencontrant comme réponse dans la conscience européenne la religion de l’humanité, c’est à dire “l’universalisation de l’idée du semblable et la condamnation de tout ce qui sépare ou divise les hommes”. Écrasée par Auschwitz, la conscience européenne aurait emprunté la voie rédemptrice de l’indétermination, n’être rien pour ne plus être fermé à personne, tandis que les juifs, retirée la vague de l’hitlérisme, auraient profondément appris (et retenu) que quoi qu’ils disent, fassent, ou rêvent, ils demeurent rivés à leur judéité. Et du coup, “la religion de l’humanité fait honte aux juifs de trahir les valeurs proclamées en leur nom [en les accusant] de s’obstiner [par là] dans l’ethnicisme”. En sorte que: “... à l’heure du sans-frontiérisme et du métissage généralisé, l’État juif et l’identité juive apparaissent comme les très inquiétants vestiges du racisme séparateur”. On se recale ensuite sur quelques thèmes plus précisément polémiques, mais avec une élévation pleine de modération, cherchant à sortir de “la religion du ressentiment (contre soi-même, contre son histoire,..) qui a perverti la religion de l’humanité”, cherchant à trouver la route du “perfectionnement de soi”, évoquant une possible “alliance” entre juifs et chrétiens, “en défense de l’Occident face à l’islamisme radical”, mais sans accepter pour autant de “simplifier l’Islam [et de] le priver d’avenir en décrétant que les musulmans sont inaptes à la démocratie”, en mettant enfin l’accent, caractéristique dit Finkielkraut des grands penseurs juifs du XX° siècle - et il cite Lévinas, Arendt, Jonas -, “sur le thème de la responsabilité: répondre de l’Autre, répondre du monde, répondre de la culture et de l’expérience des belles choses et répondre de la terre”, allant jusqu’à affirmer: “il ne s’agit plus de réaliser les grandes espérances, mais d’être ému et requis par la fragilité” (belle formulation, mais au delà?...). On termine (Paul Thibaud) sur la nécessité d’un ressaisissement des vertus morales quand la morale du jour semble se limiter à “revendiquer ses droits” et dans une “réinterrogation de la laïcité” dont je partage le souci, mais pas l’issue qu’il lui donne, trop pimentée de religiosité en termes d’éloge “de la foi comme confiance fondamentale dans laquelle nous sommes nés et que les grands récits religieux continuent de faire vivre en nous”. Ce credo final de Paul Thibaud sur “l’espérance permise à une humanité qui va à tâtons vers ce qui la dépasse” au milieu de “la déréliction de la politique et de l’infantilisme civique” peut me faire accepter l’étude comparée des “grands récits religieux” comme outil d’analyse de la quête d’assurances, mais en aucune façon comme fin, tant tout l’effort doit porter sur le refus volontariste du “ce qui la dépasse”, porte ouverte à toutes les soumissions et oubli impardonnable de cette injonction toute simple: “Aide-toi, le ciel t’aidera”. À rédiger (sérieusement) ces derniers paragraphes, j’ai le désagréable sentiment d’avoir perdu en route tous mes énervements... Un coup d’œil aux coupures de presse ... : ah non!, il m’en reste un ou deux! D’abord - et change-t-on tellement de sujet? - ce billet de Pierre Barthélémy sur “Un système solaire à cinq planètes détecté dans notre galaxie” (le Monde du 8/11). On devine, à travers la recherche frénétique à laquelle se livrent quelques grands observatoires astronomiques, l’existence et l’importance d’un syndrome F.M.S. (Foutaises Métaphysiques Subliminales) qui déclenche chez moi des réactions difficilement contrôlables. Autour de ces soleils extérieurs à notre propre système solaire, certains sondent obstinément des “zones d’habitabilité”, à la recherche de cousines voire de clones de notre Terre où, pour crédibiliser selon nos critères l’apparition possible de vie, il y aurait présence d’eau sous forme liquide ... Angoisse métaphysique: Sommes-nous seuls dans le grand univers? Que d’affection, que d’attente solidaire pour d’hypothétiques petits hommes verts avec des antennes partout quand notre premier souci collectif est de haïr le village voisin et quand nous ne cessons de faire la preuve, à notre échelle véritable, que la seule configuration qui nous motive un peu, c’est le grand jeu des Hutus contre les Tutsis! Enfin, au chapitre “Mythes et réalités des engouements médiatiques”, voici Brigitte Salino toute pantelante d’admiration journalistique (jeudi 8/11) pour le bientôt ex-directeur de la Comédie de Reims, le bientôt jeune-et-beau directeur du Théâtre de la Ville (Paris): Emmanuel Demarcy-Motta. Photos en Une et en page intérieure, “Un sportif au théâtre de la Ville”, “Emmanuel Demarcy-Motta comme un bolide”, et Brigitte Salino qui fonce tête baissée dans tous les poncifs de la mise sur piédestal, transformant en épopée homérique pour papier glacé un parcours sans doute talentueux - j’avais vu et beaucoup aimé la mise en scène Demarcienne du Rhinocéros de Ionesco il y a de cela un ou deux ans (au Chatelet?) - mais assurément très “soutenu” par les circonstances et l’entregent familial. Très agaçant ce besoin d’héroïsation des réussites, ce coup de main fourni complaisamment au mythe qu’éventuellement le héros pressenti se hâte de contribuer à construire, haussant de quelques crans le niveau de ses goûts ou dons personnels en marge de son activité principale, ex cancre d’élite (“il est au lycée Rodin à Paris, enfin, plus souvent au café qu’au lycée”) ou sportif arrêté par dilettantisme (ou crise morale) aux portes de l’olympisme (ou ici de la Formule 1), avec frénésie de vitesse automobile (le dandy-fou-du-volant est très bien porté ... pauvre sécurité routière) et revendication de plaisir absolu ... Etc. Mais, bah, je m’agace sottement. Et ce monde austère et ascétique qui me conviendrait sans doute bien, ce monde de fourmis perdues dans l’univers et se foutant totalement de savoir ce qui les a produites et ce vers quoi elles vont, se contentant du difficile quotidien, manger, dormir et ne pas déranger son voisin, ce monde un peu gris d’étude et de monotonies empilées, il n’y aurait rien à en dire et puis, tout un chacun s’y emmerderait trop. Bah!, laissons les rêver. Mais quand même, entre deux, quelque part, il doit bien y avoir le moyen de mieux faire. Avec quelques efforts. Ah, oui ... Les efforts ....
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