MÉDIOCRITÉ AMBIANTE
Maussade est le moment. Nous entrons dans le temps de la campagne officielle. On parle un peu plus de l'Ecole que je ne l'aurais pensé, mais je n'ai pas vu passer d'idées qui me retiennent tellement. Et je ne crois pas qu'elles seront développées. Ça radote beaucoup. Il n'y a d'ailleurs pas, de toute façon, quel que soit le sujet, de prise de position tranchante, hors quelques radicalités aux extrêmes, souvent sympathiques à gauche d'ailleurs et, globalement, ça manque. Mais la radicalité est difficile à manier, et dangereuse car elle s'associe volontiers à la bêtise. Il faudrait en quelque sorte pouvoir être radical dans un climat général de bienveillance.
Sur les inégalités de revenus, par exemple, personne, il me semble, n'ose prendre l'affaire par le bon bout pour la porter assez loin. J'entends Philippe Poutou demander un SMIC à 1800 €. Pourquoi s'intéresser au plancher? Je pense plus efficace et plus moral de fixer un plafond, pour remplir en l'abaissant les caisses de l'Etat, et répartir ensuite au mieux les gains. Chevénement, en d'autres temps (été 1984, il me semble), voulait des méthodes et décisions simples et pratiques. C'est cela. Tout est trop compliqué. Tout l'effort de l'administration devrait porter sur ce point : avoir une connaissance exacte des revenus, de quelque type qu'ils soient et qui qu'ils concernent, du plus humble agent d'entretien au plus scandaleux milliardaire. Ne resterait ensuite qu'à passer le rabot - j'ai proposé une formule souple et sans effet de seuil - afin que nul, à la fin de l'année, ne puisse avoir encaissé en net plus de 300 000 €. Bien sûr, à ce tarif, les plus grosses fortunes ne pourraient plus entretenir leurs biens et devraient s'en séparer. Comme personne n'aurait davantage les moyens de prendre le relais, l'Etat les rachèterait pour un euro symbolique. On dit toujours dans ces cas-là que rien n'est aussi simple, qu'il est impossible de procéder ainsi. C'est pourtant à partir du fait accompli impossible que les systèmes se réorganisent. Les capacités d'adaptation exigent le dos au mur et le plus efficace est de partir du résultat au lieu de ratiociner sur les obstacles réputés inextricables .
Je suis assez satisfait de voir que l'on s'intéresse un peu ces jours-ci au scandaleux et abusif recours aux cabinets de conseil dont j'ai parlé dans mon billet du 02 mars dernier. Il me semble avoir entendu E. Macron s'en défendre hier par l'effet de cette invraisemblable mauvaise foi des politiques que rien ne déstabilise. Combien, de ce côté-là, de pognon de dingue évaporé? Comment une telle gabegie peut-elle se mettre en place ? Où sont les petits et les grands serviteurs de l'Etat? Un gros chantier semble en attente par là.
L'émotion corse autour de la mort d'Yvan Colonna me sidère. On mesure mal, d'ailleurs, sa réelle étendue, le boucan d'une poignée d'extrémistes peut suffire à faire croire à un assentiment qui n'est qu'un vague et pusillanime usage de l'omerta, la crainte d'aller contre. Eh quoi, la justice est passée en son temps, créditant d'assassinat le berger de Cargèse. Partant de là, les cironstances de sa mort ne sont que le regrettable effet de regrettables dysfonctionnements administratifs et ne devraient justifier qu'un deuil strictement privé, limité à des proches dont on comprend qu'ils oublient le condamné au bénéfice du fils, du père, de l'époux. Eux exceptés, tout drapeau en berne est absurdement indécent pour qui, simple citoyen, ne peut oublier l'exécution ignominieuse d'un fonctionnaire de la République.
Il faudrait un vrai projet collectif. J'aimerais penser que l'école peut le constituer comme outil de reconstruction d'une société tout entière tournée vers le bien-être général à travers les épanouissements personnels. La difficulté au fond tient à ce qu'on passe son temps à vouloir régler les problèmes, alors que la véritable direction de travail serait de faire en sorte qu'ils ne se posent pas. Le meilleur moyen de traiter l'alcoolisme demeure de ne pas boire. Peut-on enseigner ou apprendre la modération? Lutter contre la violence, c'est d'abord éviter la dispute. Mais peut-on gérer les passions? Apprendre à canaliser les enthousiasmes? Il est certain que l'eau tiède n'est un projet pour personne. Non, je vais me répéter, mais il faut apprendre à être excessif dans la maîtrise de ses excès, et la formule - sauf erreur de Cocteau - est excellente qui énonce qu'il faut savoir jusqu'où on peut aller trop loin.
Y réfléchir ...