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AutreMonde
22 janvier 2022

DISCOURS SUR L'ECOLE - Billet pré-présidentiel n° 5

Nul en mathsNul en maths 2

C'était la fête aux maths sur France-inter, ce vendredi 21 janvier.

Dans la matinale (le 7-9 de Demorand-Salamé), on recevait Cédric Villani et Jean-Pierre Bourguignon, venus parler d'Alexandre  Grothendieck. Dans le 13-14 de Bruno Duvic, Anne Castella (universitaire) et Sébastien Planchenaut (Président de l'APMEP - Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public) venaient déplorer les effets de la réforme du baccalauréat sur l'enseignement des mathématiques.

Au croisement des deux interventions, il y avait ce constat simple et qui vaut pour nombre de réformes, mis en avant par Cédric Villani: a) les principes directeurs de la réforme des programmes organisant un recul de l'enseignement spécifique des mathématiques en classe de première au bénéfice d'une pratique diluée dans un enseignement scientifique transversal ne sont pas en contradiction avec les propositions du rapport Villani-Torossian sur les mathématiques - b) la mise en oeuvre de ces principes dans la réforme a abouti au résultat inverse de celui espéré  tant pour passer de la théorie à la pratique il faut commencer par s'assurer que la théorie a été comprise par ceux chargés de l'appliquer et qu'ils en ont la compétence.

Les choses ont été assez clairement dites et les photos ci-dessus peuvent les souligner. La question n'est pas de pleurer sur la baisse de 20% des horaires consacrés à l'enseignement des mathématiques, elle est de savoir ce qu'on veut efficacement enseigner et à qui, et si on y arrive. Et en gros, la réponse est non. Car ce qui est mal défini, quel que soit le domaine abordé, c'est le bagage minimum fournissant dans ce domaine les armes d'une socialisation éclairée, d'une compréhension lucide, d'un dialogue équilibré avec le monde tel qu'il est. Si on parvient à le définir, son acquisition par tous doit alors être l'objectif premier de la formation initiale. Un objectif qui ne se discute pas. Et qui, sauf cas pathologique, doit être et sera atteint.

Toute autre avancée dans le domaine concerné relève alors du choix et peut s'organiser en fonction des goûts et des talents particuliers, en fonction des ambitions scolaires de l'élève, en fonction de ses projets de vie professionnelle, dans un effort chez lui de construction consciente de son avenir.

Prenons un exemple simple en mathématiques pour faire mieux sentir cette difficile affaire de détermination du bagage minimum.

Niveau 1. Soit un produit dont le coût de fabrication est 10 €.  Je sais que toutes taxes et  frais confondus, sa commercialisation entraîne un surcoût d'un montant de 30% de son prix de vente. A quel prix dois-je le vendre pour réaliser un bénéfice de 2 € ?

- Je dois comprendre qu'il me reviendra  70% du prix de vente

- Je dois être capable de l'abstraction me permettant de donner un nom, P, au prix de vente inconnu

- Je dois être capable de traduire par l'opération abstraite 0,7xP le calcul de ce qui me reviendra de la vente

- Je dois être capable de comprendre que mon bénéfice net sera le résultat de l'opération abstraite : 0,7xP- 10

- Je dois être capable de poser et résoudre l'équation  0,7xP- 10 = 2 en exhibant la solution  P = 12/0,7

- Je dois être capable de déterminer le résultat de l'opération 12/0,7  en posant celle-ci et en exécutant la division à la main, avec un arrondi sur deux décimales pour obtenir 17,14.

Niveau 2.  L'unité est l'euro. Soit un produit dont le coût de fabrication est C.  Je sais que toutes taxes et  frais confondus, sa commercialisation entraîne un surcoût d'un montant de 30% de son prix de vente. A quel prix P dois-je le vendre pour réaliser un bénéfice B ? Exprimer P en fonction de C et de B.

- Je dois être capable de poser l'équation: 0,7xP-C=B

- Je dois être capable de la résoudre formellement: P=(B+C)/0,7

- Je dois savoir appliquer cette formule qui me donne une réponse "générale", selon les valeurs de C et de B.

Niveau 3.   Même énoncé qu'en 2, mais question supplémentaire. Ecrire un petit programme en langage Python (langage au programme actuellement des lycées) qui définisse une fonction P(B,C) prenant en entrée les valeurs des variables B et C et fournissant en sortie le résultat P cherché au centime d'euro près, soit avec un arrondi sur la deuxième décimale. On n'utilisera pas pour l'arrondi la fonction directe round() et on le déterminera avec l'aide de la seule fonction floor().

- Je dois donc être capable d'analyser la question, de construire un petit algorithme de calcul et de le traduire p.ex. en Python comme suit.

Les # ne sont que des marqueurs de commentaires et n'influent pas sur le programme

def P(B,C) :

   P=100*((B+C)/0.7)    # on multiplie par 100 (ex:1.71428.. devient 171.428...)

   E=floor(P)      # on prend la partie entière (E = 171)

   If (P-E)>0.5:   # ce critère permet  de savoir si dans 1.71428... la troisième décimale est inférieure ou égale à 5

      E=E+1       # Si elle est supérieure ou égale à 6, 171 devient 172 mais dans l'exemple  ce n'est pas le cas, on ne change rien

   return E/100   # et en divisant E (qui ne joue que sur les deux premières décimales) par 100, on affiche le bon arrondi

En appelant P(2,10) j'aurai ainsi directement à l'écran le prix de vente requis : 17,14 € pour un coût de 10 € et un bénéfice de 2 €.

En appelant P(3,19) j'ai à l'écran 31.43 qui correspond bien à (B+C)/0.7 = 31.4285...   soit un prix de vente de 31.43 € pour un coût de fabrication de 19 € et un bénéfice net de 3 €.

ALORS ? Quel est le bon niveau du bagage minimum? Le niveau 1 est absolument indispensable. La discussion, ensuite est ouverte. Faut-il imposer les calculs littéraux du niveau 2? Faut-il aller jusqu'à la petite programmation du niveau 3? NON. Le bagage minimum, que chacun peut et doit acquérir, c'est le niveau 1. Il ne doit pas faire question en fin de scolarité obligatoire. Les deux autres niveaux pourront très bien être atteints, mais parce que l'élève se sera engagé dans des voies optionnelles complémentaires.

Un ressort essentiel est là. L'élève de la photo ci-dessus qui bute sur des multiplications posées élémentaires doit être soutenu, encouragé, attendu jusqu'à ce qu'il maîtrise totalement les compétences du bagage minimum. L'élève qui se tient la tête devant un tableau surchargé doit être vue comme une élève qui s'est engagée dans la voie du perfectionnement et de l'excellence individuelle en mathématiques et qui a la volonté personnelle de s'y tenir.

Quel est le cadre possible de cette dualité?

Il est sous-jacent aux objectifs 8 et 9 du titre "Objectifs de 2023 et sq"  dans mon billet du 12 janvier dernier, objectifs que je développerai bientôt. Mais c'est toujours l'idée centrale d'une démarche pédagogique d'ensemble à deux volets distincts. Un volet consacré au groupe-classe hétérogène où l'interactivité collective permet à tous l'accès aux compétences du bagage minimum, et un autre volet où des groupes de compétence fondés sur l'homogénéité des acquis dans un domaine précis permettent l'étude classique des contenus d'une unité de valeur plus avancée. Dans le groupe-classe, le vivre ensemble guidé, la socialisation, la bienveillance à l'endroit des moins prompts à comprendre, la solidarité active entre pairs, la chaleur de l'échange, le goût de mettre ses acquis au service de la transmission et de l'intérêt général. Dans les groupes de compétence, la tension de l'effort individuel, l'ambition de l'excellence, la poursuite du projet, la volonté d'atteindre son but.

Cela demande une organisation et des changements profonds dans la méthodologie des apprentissages et dans la gestion éducative des classes d'âge. Je l'ai dit, je vais reprendre et préciser.

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