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AutreMonde
25 octobre 2014

Alain Finkielkraut : Répliques

(France-Culture / 25-10-2014)

Le thème retenu : La vie quotidienne au collège.

Mara GoyetFinkielkrautianis

Deux invités:

Mara Goyet, professeur d'Histoire-Géographie en collège (Paris - 7ième arrdt)

Iannis Roder professeur d'Histoire-Géographie en collège (Saint-Denis – 93)

Des anciennetés du même ordre, la quinzaine d'années. Deux expériences a priori très différentes. En réalité, Mara Goyet a elle-même enseigné une dizaine d'années en zone difficile (dans le 9-3 comme Iannis Roder) et n'a rejoint Paris intra muros qu'à la rentrée 2008 puis, à la rentrée 2013, les beaux quartiers, suite à une mesure de carte scolaire. Plus médiatisée (?) que Iannis Roder, Internet en fait la compagne de Claude Capelier qui fut naguère conseiller spécial de Luc Ferry lors de son passage au ministère de l'Education nationale.

Iannis Roder, outre sa charge d'enseignant au collège Pierre de Geyter de Saint-Denis, est formateur au mémorial de la Shoah et chargé à ce titre de l'information (du coaching?) des professeurs pour l’enseignement de cette période de l’histoire.

Chacun venait, lesté de son expérience et de l'autorité que confère la publication d'un ouvrage (éventuellement de plusieurs) ayant rencontré un écho notable, en l'occurrence ici, Jules ferry et l'enfant sauvage : sauver le collège (Flammarion – 2014) , pour Mara Goyet, et 
Tableau noir : la défaite de l'école (Denoël 2008) pour Iannis Roder. Alain Finkielkraut allait, en cours d'émission, se référer également à Jours de collège: une prof débutante en banlieue (Bartillat – 2014), ouvrage évoquant les débuts difficiles dans le métier d'enseignant de Sophie Delcourt (co-auteur avec Louise Cueno de l'ouvrage et derechef professeur d'Histoire-Géographie) .

Jules Ferry tableau_noir Jours de collège

L'émission s'est révélée extrêmement décevante, et son absence de contenu prospectif ne saurait valoir réponse ou seulement même début de réponse aux difficultés de l'enseignement dans le domaine de la formation initiale.

Le collège, c'est la seconde partie de la scolarité obligatoire qui a commencé avec l'élémentaire et qui exige dans son ensemble un ressaisissement complet.

Or, loin de chercher à prendre le problème, à travers les deux interlocuteurs, dans cette perspective, loin de chercher à discerner, à travers les difficultés du quotidien, les linéaments d'une possible reconstruction du dialogue de l'enfant avec son intégration à un monde qu'il lui faut découvrir avant d'y apporter sa pierre, on est resté à la surface la plus épidermique de ce qui n'a pas même été un constat sérieux.

Je connais bien le travail de Mara Goyet - ce qu'elle en dit dans ses livres et dans son blog (http://maragoyet.blog.lemonde.fr) - et mal celui de Iannis Roder, mais à l'écoute, leur identité de vue dans le superficiel revenait à ne pas saisir l'épaisseur de la question de fond qu'est l'échec du collège et à ignorer la recherche de moyens pour redresser la situation. Mara Goyet, sur la foi de ses écrits - et il ne semble pas, à ses réactions, que Iannis Roder soit d'une autre chapelle - ancre dans une expérience personnelle qu'elle affirme réussie la conviction que c'est d'un réenchantement de l'enseignement par le charisme compétent et opérant du professeur que viendra la lumière, ce qui n'est qu'une façon de mettre en avant sur le mode "on peut réussir le geste éducatif, la preuve, regardez-moi", un manque global de qualité du corps enseignant, dès lors co-responsable, avec les effondrements de l'environnement familial ou de l'époque, de l'échec de la formation initiale.

Il y a là un appel au principe du professeur providentiel - topos fatigant du discours pédagogique adossé par ailleurs au souvenir de quelques phares de  son propre parcours scolaire et  se référant itérativement à Albert Camus et à son instituteur Louis Germain - qui est sans contenu efficace à l'échelle du problème collectif. 

Il ne s'agit pas de multiplier les professeurs providentiels, il s'agit de restructurer le système.

Les constats sont acquis, connus, pourquoi les ressasser?

Les constats sont acquis, connus, mais au-delà?

Ce samedi matin, 25/10/2014, sur France-Culture, deux enseignants d'Histoire-Géographie (on peut se poser la question d'ailleurs de la dominante de cette discipline dans les références retenues par Alain Finkielkraut, débordant les seuls invités et citant d'autres productions) qui se disent satisfaits de leur sort et maîtres de leur enseignement comme de leurs classes, sont venus porter une parole plus proche du Pangloss de Candide que de l'ambition refondatrice que devrait susciter chez tout praticien le délitement complet des espérances de René Haby quand il a installé le collège unique. Langue de bois? Perles rares? 

Quand bien même Alain Finkielkraut aurait déniché deux enseignants (réellement) heureux, leur satisfaction personnelle ne vaut pas quitus pour un système en déliquescence et à redéfinir, non pas sur la base de l'émergence miraculeuse de professeurs d'exception, mais sur la volonté de redessiner le cadre et les perspectives de la scolarité obligatoire, de la scolarité pour tous, celle qui saura concilier une réelle formation de base, modeste mais solide et complète, intégrée par la totalité d'une classe d'âge, et l'ouverture à chacun, dans un parcours largement choisi, du possible déploiement de son excellence individuelle. 

Oui, j'ai été fort déçu, ce samedi matin. 

Répliques est le plus souvent de meilleure qualité. Là …

Sur quelle école à venir pourrait déboucher l'échec au quotidien du Collège d'aujourd'hui?

L'émission reste entièrement à faire. 

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Commentaires
S
Vous pourriez vous intéresser à cela :<br /> <br /> http://www.thebookedition.com/scolarite-obligatoire-auguste-sejan-p-102795.html<br /> <br /> Pour le reste, il n'y a ni bords, ni camps. Une simple recherche de solutions. Et, dans un effort collectif, je crois que les objectifs (le dessein) puis le cadre doivent être définis avant les hommes pour les prendre en charge et le remplir.
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D
Ah... je vois que nous ne sommes pas totalement du même bord, même si nous ne sommes pas (de mon point de vue) dans des camps opposés.<br /> <br /> Je crois, (je crois avec vous) qu'il serait souhaitable que l'école ne courre pas après l'actualité, avec l'idée qu'il lui faudrait être prête à ouvrir une canette pour nous faire siroter le prochain soda à la mode ou même du Coca.<br /> <br /> Mais, avez-vous vu combien "on" nous fait miroiter combien le monde va vite à l'heure actuelle, et combien il nous faut "nous adapter" (sous peine sinistre de quoi, je me le demande...) pour être heureux, employé, productiviste, etc ?<br /> <br /> Des fois, je me demande si le vaste monde a toujours été ainsi, et si c'est le simple vieillissement qui me rend aussi retors en ce moment.<br /> <br /> Il y a quelques années, cela me semblait moins évident. Je nous trouvais un peu moins pressés.<br /> <br /> <br /> <br /> De retour à nos moutons, l'école n'est pas dans une bonne position, et je la crois vouée à l'échec, à partir du moment où "nous" nous mettons à mettre le mot "nouveau" devant tous les substantifs, et même essayer de le conjuguer, pendant qu'on y est.<br /> <br /> On peut dire qu'autant de répétition hystérique et moutonnesque du mot "nouveau" finit par saper la légitimité même de la transmission qui, si elle nécessite une nouvelle génération, s'appuie sur un savoir ? des méthodes ? du passé, donc, du "vieux", je pourrais dire. La transmission dépend d'un lien légitime et valorisée entre les générations. Et cela est grandement attaqué en ce moment révolutionnaire, où toutes nos institutions ou personnes incarnant un tant soit peu l'autorité sont attaquées en raison d'une poussé fiévreuse... d'envie, péché capitale par excellence.<br /> <br /> <br /> <br /> Je crois que ce sont les maîtres en chair et en os qui assurent la transmission, et pas les programmes en eux-mêmes. (Pas de loi sans celui qui incarne et transmet la loi.) J'ai pleuré et pire quand fiston a fait sa première année de médecine devant un ordinatueur, avec des cours sur DVD.<br /> <br /> Cela assurait peut-être une certaine égalité de chances (assez fictive tout de même), mais au prix d'un prof en chair et en os ? Au détriment de.. la chair ?<br /> <br /> <br /> <br /> Ne vaudrait-il pas mieux apprendre à apprendre à l'école, au lieu de se focaliser sur un gavage de contenus (attention, j'aime bien le "par coeur", mais pour la poésie, par exemple, afin d'avoir à sa disposition un beau sonnet de Shakespeare dans des circonstances aussi létales que peuvent l'être les transports en commun à l'heure de pointe. Un peu comme (j'ai bien dit "comme"...) les détenus dans des camps de concentration qui se tenaient à flot avec la grande et belle culture.)<br /> <br /> <br /> <br /> Comment penser un socle... citoyen ?<br /> <br /> L'école est en concurrence avec la télé pour nous donner des choses en commun.<br /> <br /> C'est triste.<br /> <br /> <br /> <br /> Enfin, et peut-être je garde le plat de résistance pour la fin... je crois que l'échec du collège unique, et de l'école viennent principalement de NOTRE perte d'idéaux, si je puis dire. Du fait que "nous" (j'y tiens à ce nous, qui n'est pas simplement vous et moi) nous contentons essentiellement d'occuper nos enfants, de remplir leur temps avec l'école, sans imaginer un au-delà. Entre autres parce que nous avons oublié que rendre quelque chose obligatoire contribue grandement à nuire à sa valeur aux yeux de... tous, pour employer un mot que vous aimez. (Nos aînés ont "réussi" avec l'école, justement, parce qu'elle était... nouvelle...)<br /> <br /> Oui, l'échec actuel vient avant tout de cela.<br /> <br /> Et cela ne se répare pas avec les redéfinitions du cadre de l'école...
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