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AutreMonde
31 janvier 2014

LES CHOUANS ...

chouans

Peut-on encore, aujourd'hui, lire Balzac sans rire?

Les illusions perdues, certainement.

Mais Les Chouans? J'en sors. La question s'y pose, avec réponse incluse!

Et elle est : non, évidemment. Que sauver là-dedans?

Mon édition de poche a trente ans (1983) et c'est avec enthousiasme que le balzacien émérite qui la préface, l'annote, et la commente (René Guise) s'y inscrit par avance en faux contre mon insolence béotienne.

Pourtant … que sauver là-dedans (bis)?

La belle Marie de Verneuil et le fringant Alphonse de Montauran (il faut attendre la page 343 pour lui découvrir ce prénom "d'époque") s'y rencontrent, s'y aiment dans le fracas d'une passion contrariée et en meurent, le tout en dix jours.

Il est venu d'Angleterre pour prendre la tête de la révolte vendéo-chouane, elle est envoyée par Fouché pour le séduire et donc le réduire, seulement … Cupidon veille ou plutôt Eros tant le désir grec l'emporte sur la mièvrerie romaine et les feux de l'amour s'élèvent, et rugissent dans le fracas outrancier d'une prose balzacienne qui progresse à coups de marteau.

Tout est, comme disent les gosses, "trop".

Et finalement, les situations décrites vont si droit à la caricature que c'est le sourire qui naît à la place de l'émotion et que, si l'on continue la lecture, c'est surtout par curiosité:

Jusqu'où osera-t-il aller?

Noooon? Si!

En ce sens, on s'amuse bien. Les péripéties ne manquent pas, on trahit, on aspire à d'atroces vengeances, on se rabiboche, le plomb troue les têtes, on compte pour peu soixante soldats fauchés par la mitraille, l'ombre est toujours épaisse, les regards terribles, et l'enchaînement des situations parfaitement confus. Les portraits relèvent de l'hyperbole, les attitudes sont figées dans le marbre, toujours inscrites dans une catégorisation définitive, tout sursaut est "un de ces sursauts qui …", tout coup d'œil "un de ces coups d'œil qui …", tout élan, "un de ces élans qui …"  et nul au fond ne peut agir sans incarner  un type. Oui, quand on ne sourit pas, on rit, et pour de bon, l'excès décrédibilise la narration.

Et puis on a des manières. Demi-mondaine rédimée par l'amour, Marie de Verneuil respecte l'imparfait du subjonctif, même dans la joute amoureuse :

Enfin, si je voulais que vous envoyassiez votre soumission au premier Consul pour que vous pussiez  me suivre à Paris? … si j'exigeais que nous allassions en Amérique y vivre loin d'un monde où tout est vanité, afin de savoir si vous m'aimez bien pour moi-même, comme en ce moment je vous aime! Pour tout dire en un mot, si je voulais, au lieu de m'élever à vous, que vous tombassiez jusqu'à moi, que feriez-vous?

Peut-être Montauran, aujourd'hui, répondrait-il: Eh bien, Madame, mais … j'emporterais mon Grévisse!

Mais sans doute, cette lecture est injuste, qui ne replace pas l'écriture dans le courant de son époque et fussent-ils rares, quelques passages gardent du souffle, la mise à mort de Galope-Chopine, par exemple et les réactions de sa veuve, Barbette, dont il paie de sa vie l'involontaire faux pas. Marche-à-terre et Pille-Miche sont chargés de l'exécution:

- Mais laissez-moi dire un brin d'adieu à Barbe…

- Allons, répondit Marche-à-terre, si tu veux qu'on ne t'en veuille pas plus qu'il ne faut, comporte-toi en breton et finis proprement.

Les deux Chouans saisirent de nouveau Galope-chopine, le couchèrent sur le banc,  où il ne donna  plus d'autre signe de résistance que ces mouvements convulsifs produits par l'instinct de l'animal, enfin il poussa quelques hurlements sourds qui cessèrent aussitôt que [le] lourd couperet eut retenti. La tête fut tranchée d'un seul coup. Marche-à-terre prit cette tête par une touffe de cheveux, sortit de la chaumière, chercha et trouva dans le grossier chambranle de la porte un grand clou autour duquel il tortilla les cheveux qu'il tenait  et y laissa pendre [la hure] sanglante à laquelle il ne ferma seulement pas les yeux.

(…)

Au moment où Barbette [arriva] dans sa cour, sa langue se glaça, elle resta immobile , et un grand cri, soudain, sortit de sa bouche béante.

-  Qu'as-tu donc, ma chère mère demanda l'enfant [qui l'accompagnait]

-  Marche tout seul, s'écria sourdement Barbette en lui retirant sa main et le poussant avec une incroyable rudesse, tu n'as plus ni père ni mère.

L'enfant, qui se frottait l'épaule en criant, vit la tête clouée, et son frais visage garda silencieusement la convulsion nerveuse que les pleurs donnent aux traits. Il ouvrit de grands yeux, regarda longtemps la tête de son père avec un air stupide qui ne trahissait aucune émotion; puis sa figure, abrutie par l'ignorance, arriva jusqu'à exprimer une curiosité sauvage. Tout à coup Barbette reprit la main de son enfant et l'entraîna d'un pas rapide dans la maison. Pendant que Pille-miche et Marche-à-terre couchaient Galope-chopine sur le banc, un de ses souliers était tombé sous son cou de manière à se remplir de sang, et ce fut le premier objet que vit sa veuve.

- Ote ton sabot, dit la mère à son fils. Mets ton pied là-dedans. Bien. Souviens-toi toujours, s'écria-t-elle d'un son de voix lugubre, du soulier de ton père, et n'en mets jamais un aux pieds sans te rappeler celui qui était plein du sang versé par les Chuins, et tue les Chuins!

Voilà longtemps que je différais la relecture des Chouans. Enfin, c'est fait. On lit ça en classe de première, ou du moins on le lisait. Pourrait-on aujourd'hui y intéresser des élèves. Au second degré, peut-être, mais on peut avoir mieux à faire. Quoi qu'il en soit, c'est instructif. Oui, c'est cela, instructif, avec le sentiment d'avoir comblé une lacune.

Ces satisfactions studieuses justifient-elles le détour? Il me semble.

Mais c'est une affaire de goût.

Sans compter les seins de Sophie Marceau :

oops_sophie_marceau

 

Madame du Gua s'élança sur [Marie de Verneuil] avec la rapidité de l'éclair; elle brisa , dans son aveugle emportement, les faibles brandebourgs du spencer de la jeune fille, viola d'une main brutale l'asile sacré (…) et sut froisser avec tant d'adresse et de fureur la gorge palpitante de sa rivale, qu'elle y laissa les traces sanglantes de ses ongles (…)

 

 

Diable ! ….

 

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