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AutreMonde
21 novembre 2013

Deux mauvais livres, hélas!

L'on n'a pas toujours la main heureuse.

En l'occurrence, sortant d'une longue relecture d'A la recherche du temps perdu (voir Ici), j'ai voulu changer de registre et comme j'avais noté  quelques bouquins à regarder ….

Comment choisit-on un livre?

john_irving

  Parmi tant de raisons, il y a eu d'abord, pour le premier essai, l'auteur et le traducteur. Vieil habitué de John Irving, je ne cesse depuis plusieurs années de lire son "dernier livre", mon intérêt redoublé par le fait que, lisant trop mal (soyons honnête : ne lisant pas) l'anglais, je me trouve avoir un peu échangé il y a quelques années avec Josée Kamoun qui s'est beaucoup occupée des dernières transcriptions (aujourd'hui avec un compère, Olivier Grenot, dont je ne sais par contre rien).

Je ne cesse … et ne cesse pas non plus d'être déçu. Irving, qui a une imagination surprenante et foisonnante, a écrit quelques romans enthgousiasmants dans ses débuts, trois ou quatre , Le monde selon Garp, L'hôtel New-Hampshire, L'œuvre de Dieu, la part du Diable, peut-être aussi, pour sa chute, Une prière pour Owen,  mais n'a pas su ou pas pu se maintenir à ce niveau . Et désormais parfaitement comme seulement maître de ses ficelles d'écrivain, il en use et abuse au service d'un manque total d'inspiration. Mon espoir renaît chaque fois, et chaque fois retombe.

Le dernier opus, malgré sa bonne réception critique (du style : "Irving a retrouvé la forme de ses débuts", etc.), offre sous un titre emprunté à Shakespeare, A moi, seul bien des personnages, l'inintéressante saga d'un narrateur bi-sexuel que les thuriféraires ont voulu lire comme un hymne à la tolérance et  qui m'a plutôt paru de nature à écarter de l'hétérosexuel de base toute tentation marginale. Quel pavé et quel pensum! On y retrouve deux grandes passions d'Irving, la lutte et le sexe, mais si loin de ce qu'il sut en faire … Ah, oui, j'allais oublier, c'est badigeonné de références théâtrales, Shakespeare, of course, mais aussi, Ibsen, mouais  …

Il y avait, dans le formidable Monde selon Garp, une figure de transsexuel, Roberta, haute en couleur et attachante. Il y a ici Miss Frost. Le rapprochement de ces deux héros de papier suffit à signer la régression du talent de conteur d'Irving. Gâchis.

Thierry Jonquet

 On peut aussi choisir parfois un livre pour son titre, ou du moins, le titre peut peser lourd dans la balance. Surtout, comme ici, second et derechef malheureux essai, quand on m'annonce une jeune certifiée de Français débutant dans  la tourmente d'un collège difficile, 9-3 oblige.

Cette fois, c'est Victor Hugo qui a fourni le titre: Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte. L'auteur: Thierry Jonquet, mort en 2009, a tiré d'un parcours atypique (études de philosophie, de médecine, puis instituteur chargé de l'éducation spécialisée)  les matériaux d'une relecture très noire de la société.  Son roman Mygale a été porté à l'écran par Pedro Almodovar (La piel que habito, film pour moi 5 étoiles) et ce roman-ci a fourni l'argument d'un téléfilm en 2010 (adaptation d'Emmanuel Carrère). Fracture. Pas vu.

Le titre donc, disais-je, est dans Hugo (Pour ceux qu'on foule aux  pieds) au cœur de cette – à vrai dire magnifique – tirade:

Je défends l’égaré, le faible, et cette foule


Qui, n’ayant jamais eu de point d’appui, s’écroule


Et tombe folle au fond des noirs événements ;


Etant les ignorants, ils sont les incléments ;


Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire


A vous tous, que c’était à vous de les conduire,


Qu’il fallait leur donner leur part de la cité ;


Que votre aveuglement produit leur cécité ;


D’une tutelle avare on recueille les suites,


Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.


Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,


Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;


Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.


Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;


C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.


Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;


Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;


Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse


Et plus morne là-haut que les branches des bois ;


Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,


Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?


En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ;

La misère, âpre roue, étourdit Ixion.


Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution


De demander pour tous le pain et la lumière.….

Le roman n'a hélas pas le souffle du poème. Brouillon, croisant de nombreux fils qui veulent tisser une image fidèle de la complexité des tensions religieuses et des trafics petits et grands de la banlieue sur fond  d'élucubrations fanatiques de quelques illuminés du djihad, ayant planté au milieu du décor un collège (c'est la meilleure partie du livre) désespérément banal dans la déroute de son équipe de direction et la veulerie majoritaire et vague de ses professeurs dépassés, Jonquet livre finalement un assez mauvais brouet dont la multiplicité des informations douloureusement crédibles qu'il fournit ne parvient pas à faire un bon roman.

Très décevant.

Mais outre qu'on ne tire pas sur un corbillard, la réputation et les états de service littéraires de l'auteur, en contradiction avec ce jugement sans appel, peuvent peut-être inciter à tenter dans son abondante production une deuxième expérience.

Hum, hum. 

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