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AutreMonde
16 octobre 2012

Vincent Peillon: échec en vue, etc.

Peillon 2                 Peillon

 … c’est mieux sans lunettes, non ?

Le discours particulièrement atone que Vincent Peillon a tenu aux journalistes en ouverture de sa conférence de presse me semble préfigurer l’inefficacité de la suite : le ministre se trompe de direction.

Vouloir, et vouloir réussir une refondation de l’école, exige de mettre les enseignants au centre du projet et de s’adresser d’abord à eux. Pour leur dire prioritairement ceci, sans les trahisons à suivre : Je vous ai compris . Pour leur dire :

« Vous êtes mal aimés, mal payés, mal considérés, moqués, soumis à des conditions de travail qui vont de l’insuffisant à l’indigne et pourtant, vous faites le boulot de votre mieux, et vous tenez à bout de bras un système inadapté, obsolète et qui fait eau de toutes parts.

Ce système, nous devons ensemble le reconstruire et si je peux donner l’impulsion, dessiner des pistes, indiquer les grandes lignes, je ne peux au-delà, et ce sera l ‘essentiel de ma tâche, que définir et vous garantir les conditions matérielles et morales du nouvel et immense effort, mais cette fois reconnu dans tous les aspects de la reconnaissance sociale, que va nécessiter de votre part la refondation, de votre part et entièrement adossé à votre motivation, à votre volonté de renouvellement, à la lucidité prospective dont vous devrez faire preuve, à l’inventivité que vous allez devoir mettre au service de la restructuration de votre mission de pédagogues et d’enseignants, d’éducateurs et de formateurs, d’éveilleurs des intelligences et de porteurs de culture et de savoir.  L’école, c’est vous et l’école à rebâtir ne peut l’être que par vos mains.

Concrètement ?

Mon souhait global est que le système éducatif offre à l’élève un cadre continu de formation, d’aide et de guidage en journées pleines, au long d’une année scolaire plus équilibrée.  Il y faut d’abord pour cela des établissements à l’architecture et à l’ergonomie repensées, offrant à tous des salles de travail et d’étude adaptées aux diverses formes de l’activité scolaire, n’oubliant pas les espaces de détente, et réservant aux professeurs des salles spécifiques de réunion et des bureaux individuels. Ce qui suppose immédiatement un vaste chantier de construction et de réaménagement .  Tenus de faire vivre ces espaces  et, j’ose le mot, d’y faire souffler l’esprit, les enseignants, dont la formation est entièrement à revoir dans ces perspectives, des enseignants, deuxième audace, rétribués à la hauteur de leurs responsabilités, doivent repenser leur mission et leur tâche dans le cadre d’un temps plein sur place, autorisé par la facilité des bureaux individuels que je viens d’évoquer, et par la redéfinition de la notion de service d’enseignement. Tout sera à préciser, mais disons déjà qu’à l’aune des usages magistraux actuels, une douzaine d’heures de cours hebdomadaires me semble être un investissement raisonnable et par ailleurs suffisant.  Disons aussi que c’est dans le cadre d’équipes pédagogiques et éducatives réellement maîtresses des moyens qui leur seront attribués que les tâches et les responsabilités de chacun devront se dessiner, s’assumer, s’équilibrer, au mieux de l’intérêt du projet collectif de formation que dans le respect de grandes mais souples directives nationales elles auront élaboré.

Il va de soi que ce que viens de dire, équipes éducatives, projet élaboré, souplesse des directives nationales, renvoie immédiatement à deux grands chantiers essentiels, celui de la gouvernance des établissements et celui des cohérences pédagogiques, soit le problème des chefs d’établissement et celui des corps d’inspection, tous postes dont les profils, le recrutement et les missions sont entièrement à revoir.

Voilà pour quelques indications liminaires. Je ne cesserai d’y revenir pour peu à peu préciser, détailler, suggérer, indiquer. Le chantier est immense. J’en vois les grandes lignes et j’ose dire, moi aussi, ‘‘I have a dream’’, mais quel que soit ce rêve, il ne prendra corps que dans le dialogue et il dépendra d’abord de vous qu’il se concrétise. J’espère vous convaincre. »

Voilà ce qu’à peu près, Peillon, vous auriez dit,

Si vous aviez pensé à susciter l’envie

De refonder l’école  … Hélas, point inspiré

Vous remuez du vent à nous désespérer.

Je suis à peu près persuadé que Vincent Peillon a déjà échoué.

****           ****             ****

Pendant ce temps, du côté de chez Mélenchon, un petit livre vient de sortir, que j'ai lu:  

 

L'école du peuple

Le survol par François Cocq et Francis Daspe, enseignants très impliqués, de leur version progressiste de la Refondation de l’école est un plaidoyer convaincu en faveur d’un nouvel énoncé de la mission scolaire : Eduquer – Qualifier – Emanciper. Les deux auteurs s’attachent à l’installer en relisant le cursus de formation de la maternelle à l’université .

Je voudrais revenir sur quelques points qui me semblent victimes peut-être  de blocages idéologiques ou  d’une vision un peu raide de la défense des acquis, et qui méritent d’être rediscutés et approfondis.

 Je pense partager avec François Cocq et Francis Daspe le souci d’élever le niveau général des formations, en ouvrant à tous sans exception cet objectif. Mais je crois personnellement que cette visée exige une reconfiguration du processus  éducatif qui distingue les aspects socialisants de la poursuite des excellences individuelles,  cognitives ou techniques,  une reconfiguration qui ne me semble pas dessinée.  Il faut s’expliquer.

Les enfants ont besoin à l’école de la solidarité, de la complicité et de la chaleur d’un groupe de pairs, enfants du même âge qu’eux, issus de milieux divers (la mixité sociale est un impératif absolu pour ne pas dire catégorique), inégalement doués selon les activités proposées,  qu’on appellera évidemment une classe.  Cette classe doit se voir attribuer un lieu fixe (une salle dédiée) avec bureaux individualisés et casiers de rangement (pour affaires scolaires et quelques vêtements (manteaux …)). Elle sert de salle d’étude et, pour une part importante mais évolutive du temps scolaire (très importante en début de scolarité, moins importante en fin – par commodité, on parlera d’un mi-temps), c’est là que se déroule la partie de la formation que je voudrais ‘‘socialisante’’ (d’autres diront ‘‘citoyenne’’), basée sur des activités de recherche et d’échange collectif permettant aux acquis et aux compétences de chacun de s’épanouir dans le dialogue et dans l’intérêt général du groupe. 

Sur ce mi-temps, il faudrait confier la classe à un binôme de professeurs polyvalents (semi-polyvalents, l’un avec une dominante scientifique-technique, l’autre avec une dominante littéraire-sciences humaines). Ce binôme fonctionnerait en service commun, simultané (et non l’un après l’autre). Ce binôme constitue l’entité éducative de référence de la classe, potentiel pédagogique incarné à même par ailleurs d’en guider, soutenir et aider tous les membres dans leur effort individuel.  Sur ce mi-temps s’installeraient, dans l’acceptation des différences et l’apprentissage de la mise en commun, dans l’examen des questions générales et des problèmes particuliers, dans l’exercice de l’intelligence et dans le recours à la raison, les conditions et les usages de l’intégration sociale, la pratique de la mise au service de tous de l’excellence de chacun.

Cette excellence, il est assez clair qu’en fonction des différences individuelles, des goûts, elle ne pourra pas se chercher pour tous suivant les mêmes voies, sur les mêmes chemins, au même rythme. Sa construction ne saurait s’accommoder d’une progression obligée de la classe à l’amble, dans le cadre d’un programme figé. Dans le livre de François Cocq et Francis Daspe, la modularité est marquée du sceau infamant de l’ultra-libéralisme ; elle me paraît pourtant ici, la solution. Je crois à la possibilité d’un pavage de l’ensemble des connaissances, des compétences, des pratiques  envisageables, nécessaires, souhaitables (et pour chacune) en modules courts, validables et constituant, acquis, des unités de valeur (UV) cumulables. La démarche d’acquisition d’une unité de valeur relèverait d’un travail en  petits groupes, homogènes en termes de connaissance/compétence, sans critère d’âge.  La classe de tout à l’heure, dans ce qui constitue alors un second mi-temps d’enseignement, a éclaté. Chacun circule dans le réseau des UV en fonction de ses goûts, de ses objectifs (orientation continue), à son rythme. Il peut recommencer (redoubler, voire tripler)  une UV qu’il tient à acquérir et qui lui résiste, il bâtit son propre profil d’excellence.

Le socle commun (taxé d'abaissement des ambitions et vilipendé dans le bouquin) peut se relire comme un bouquet minimal d’UV nécessaire à la validation (mais pas à coup sûr suffisant, d’autres critères pouvant intervenir du ressort des équipes pédagogiques) d’un certificat de fin d’études délivré au terme de la scolarité obligatoire (à ce jour 16 ans – il joue alors le rôle du DNB (diplôme national du brevet)) ou – toujours à l’aune de l’existant – au terme des études secondaires (il se substitue alors aux baccalauréats (supprimés) mais n’est pas un droit d’entrée à l’université).

Le mi-temps d’enseignement modularisé est confié à des professeurs spécialistes des champs qu’ils enseignent.

Le tissu complet des modules, qui couvre progressivement tout ce qui aujourd’hui se lit comme programmes d’enseignement dans les écoles, collèges, lycées de tout poil, LEP … est porté à la connaissance, connu (il peut y avoir effet de feed back et propositions descendantes) de tout l’aval du système de la formation initiale, ce qui désigne aussi bien les interlocuteurs de la vie active (les insertions professionnelles, les employeurs , …)  que l’enseignement supérieur, ce qui permet à cet aval de définir les profils (les bouquets d’UV cumulées) répondant optimalement à ses attentes. Définis et connus, ces profils ouvrent en amont aux élèves des perspectives d‘orientation à même de les aider à organiser leurs efforts de formation.

Comment dans un tel système, gérer l’égalité ? Je crois à l’accueil maximal des élèves et à leur encadrement continu, au « tout sur place » encadré, où les professeurs polyvalents du binôme référent des activités de classe, dans la salle dédiée, devenue salle d’étude, appuyés sur leurs polyvalences complémentaires, guident, interviennent, soutiennent, suivent les efforts individuels ; mais aussi où les spécialistes des enseignements modulaires tiennent des permanences-conseils pour les questions les plus pointues relevant de leur discipline.

Je demeure persuadé qu’un tel système résorberait largement nombre de problèmes :

- La notion de redoublement au sens collectif (redoubler une classe) est évacuée. On progresse continûment avec sa classe (mi-temps socialisant), on avance à son rythme propre dans le champ des modules, qui peuvent être  répétés.

- L’inappétence scolaire peut se dissoudre dans les choix modularisés correspondant à ses aptitudes et ses goûts

- Les difficultés dans la « tenue » des classes sont largement minorées par la gestion binômiale du groupe des pairs, axée sur des tâches de mise en commun, et , dans les modules, par l’homogénéité des niveaux et l’objectif partagé de validation des UV.

- La lourdeur administrative d’examens à peu près vides d’efficacité réelle (DNB, baccalauréat) est évacuée … par leur suppression.

Quelle cohérence pour un tel système ? Il est assez clair que les termes de territoire (terme accepté) et d’autonomie (terme honni) sont au cœur du processus. Il y a un peu plus de vingt-cinq ans, j’avais essayé, dans l’académie de Montpellier où j’étais en fonction, de faire émerger la notion d’Aire pédagogique, qui n’était rien d’autre que celle d’un pavage de l’académie en secteurs scolaires ayant une cohérence et pouvant constituer un bassin de formation aux options complètes et aux méthodes convergentes. Il faudrait absolument aller dans cette direction et travailler le réseau territorialisé des établissements scolaires (écoles, collèges, tous lycées et LEP) comme un réseau d’offre de formations diversifiées d’égale valeur, répartissant de façon équilibrée les domaines de connaissances, de pratiques, de compétences, de façon a-hiérarchisée, dans le souci d’offrir à chacun la possibilité d’un parcours modulaire (UV) réellement optionnel  et exclusif de l’enfermement dans un établissement péjorativement connoté (on pourrait commencer par cesser de distinguer entre les ordres d’enseignement pour ne désigner  les lycées d’un même secteur que comme les antennes d’un seul établissement d’enseignement secondaire aux options géographiquement réparties).

Les territoires doivent disposer d’une autonomie permettant, au sein de directives nationales claires mais souples, de piloter réellement des formations qui sans rien lâcher sur les objectifs, puissent coller au terrain quant aux méthodes. Et cette autonomie doit descendre aux établissements eux-mêmes.

Je n’irai pas plus loin dans ma re-lecture du livre de François Cocq et Francis Daspe. Sur ce que j’avance, la nécessité de revoir entièrement la notion de chef d’établissement à travers un véritable traitement du concept d’équipe pédagogique, la nécessité de repenser à tous points de vue le rôle, la mission, les caractéristiques des corps d’inspection, s’imposent.

La formation des enseignants, leur recrutement, la définition de leurs profils, entre la polyvalence proposée et les spécialistes maintenus, tout doit à mon sens se reprendre à la lumière de la colonne vertébrale que devrait constituer cette vision dichotomisée et qui me paraît le nœud du problème éducatif que j’ai avancée (mi-temps « classe », mi-temps modules)

Il faut un cadre, ferme, qui puisse crédibiliser la validation des UV, qui garantisse une égale valeur nationale aux profils obtenus. Il faut des femmes et des hommes de haute qualification et de haute qualité, de haute morale professionnelle et d’inébranlable conviction pour qu’un système aussi souple soit un système entièrement fiable et, pour utiliser un mot que je n’ai pas encore employé, réellement démocratique.

Mais je ne vais pas proposer ici un livre-bis. La discussion doit être continuée ...

Patience et longueur de temps ....

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