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AutreMonde
13 septembre 2012

Heidegger ou Loch Ness

L’être de l’étant ou l’être de l’étang ?

Vaste question

HeideggerLoch Ness

Prenons un exemple simple : « …   le travail philosophiquement premier n’est pas une théorie de la formation des concepts en histoire, pas davantage la théorie de la connaissance historique, ni même la théorie de l’histoire comme objet de la science historique, mais l’interprétation de l’étant proprement historique en son historicité. » (Heidegger/ Être et Temps)

Or, dans cette quête, le Dasein jouera un rôle essentiel. Le Dasein ? C’est tout simple : « Le Dasein est un étant qui ne se borne pas à apparaître au sein de l’étant. Il possède bien plutôt le privilège ontique suivant : pour cet étant, il y va en son être de cet être. Par suite, il appartient à la constitution d’être du Dasein d’avoir en son être un rapport d’être à cet être. Ce qui signifie derechef que le Dasein se comprend d’une manière ou d’une autre et plus ou moins expressément en son être. A cet étant, il échoit ceci que, avec et par son être, cet être lui est ouvert à lui-même. La compréhension de l’être est elle-même une déterminité d’être du Dasein. Le privilège ontique du Dasein consiste en ce qu’il est ontologique. » (Ibid.)

C’est l’évidence.

Concernant les textes cités, la traduction est due à Emmanuel Martineau (agrégé de philosophie ; ancien directeur des séminaires d'agrégation de l'ENS-Fontenay-St-Cloud en 1985-87)

Au départ, et au début de l’été, la question qui a surgi a été celle du temps. Les circonstances d’un échange familial m’ont fait m’informer du programme de la session 2013 à venir de l’agrégation interne de philosophie ; deux axes : le temps ; la liberté. Le premier thème m’accrochant plus que le second, j’ai regardé sur mes rayonnages les lectures possibles. Martin Heidegger, Etre et temps – Stephen Hawkings, Une brève histoire du temps – François Thierry (thèse de doctorat), Claude Simon / Une expérience du temps – Etienne Klein et Michel Spiro (Collectif), Le temps et sa flèche – Jacques Attali, Histoire du temps – Henri Bergson, Données immédiates de la conscience. En attendant mieux, et en y ajoutant quelques éléments de cours (Ecole Polytechnique) et un petit Que sais-je ? sur La Relativité.

Dans cette affaire, et à l’exception des textes les plus techniques cités en complément, tous les auteurs s’abritent derrière Saint-Augustin (Confessions - Chap XI, 14 – Les Belles Lettres, 1989) dès leurs premières lignes : Qu’est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le demande, je sais ; dès qu’il s’agit de l’expliquer, je ne le sais plus. Cette précaution liminaire prestigieusement référencée n’est un frein, d’évidence, pour aucun discours, mais elle est le réconfort apaisant de ses inaboutissements.

Gérer-son-temps  àlaRecherche

               Espace-temps  Temps I …. Quelques images du temps. Le temps des rendez-vous, celui de la littérature, le temps des physiciens et celui d’en sourire … au temps du muet.

Les imbroglios chronologiques de Claude Simon comme les concepts abscons de Martin Heidegger laissés (provisoirement) de côté, les premiers pas de la relativité, au début du XX° siècle, sont déjà  une occasion de questionnement étonné. Le problème posé est celui du caractère absolu du temps. Se mesure-t-il à l’identique (voire, est-il le même ?) dans tous les repères, en mouvement les uns par rapport aux autres ?

La fusée de Langevin (Paul ; 1872-1946) a fait florès. Prenez deux jumeaux, mettez l’un dans une fusée en laissant l’autre sur Terre. Envoyez la fusée dans l’espace à une très grande vitesse pour un périple de 2 ans, durée mesurée à l’aide d’une horloge embarquée. Son jumeau l’attend sur l’aire d’atterrissage. Surprise ! Le voyageur a pris un coup de vieux … nous affirment les formules de Lorentz (Hendrik Antoon ; 1853-1928) , souveraines dans le cadre de la théorie de la Relativité qui a vu le jour en 1905. Selon celles-ci, pour un intervalle de temps Dt’ mesuré à bord d’un véhicule circulant d’un mouvement rectiligne et uniforme (c’est-à-dire à vitesse constante ; notons la v), l’intervalle de temps correspondant au sol, Dt, est mesuré par application de la formule :

Dt = Dt’ / racar(1 -v2/c2) où « c » désigne la vitesse de la lumière (environ 300 000 km/s) et "racar" la racine carrée. Si notre fusée s’est déplacée vraiment très vite (par exemple avec v=0,96c), un Dt’ de 2 ans correspond à un Dt d’environ  7 ans et 50 jours ! Diable ! Les jumeaux n’ont plus le même âge et le voyageur est revenu l’aîné de 5 ans !

Il y a quand même, pour passer à l’expérimentation, un petit hic, car tant au lancement de la fusée que lors de son changement de direction pour retour, des accélérations formidables interviendraient qui, outre qu’elles tueraient à coup sûr le voyageur,  feraient par trop sortir l’interprétation du cadre du mouvement uniforme. On demandera donc aux ingénieurs de Cap Canaveral de limiter leurs ambitions pour mieux coller aux principes ; par exemple, de viser plus modestement  une vitesse de 0,001c et pour l’atteindre, de garder une accélération  imperceptible de 0,001g (environ 1cm/s2). Pour amener la fusée à sa vitesse de croisière, il faudra à peu près une année ( autour de 11,4 mois pour un peu plus de précision). Qu’ils laissent le vaisseau poursuivre pendant un an, puis qu’ils le décélèrent dans les mêmes conditions avant de le faire repartir dans l’autre sens à l’identique. Au retour sur terre il se sera cette fois écoulé 6 ans. Compte tenu des phases d’accélération et de décélération, la vitesse moyenne sur les six années sera en gros divisée par 2, mais le mouvement pourra être prétendu “presque-uniforme”.

Le jumeau sédentaire aura vieilli de 6/racar(1-0,0012/22) ans soit environ  6,000000750 ans ce qui correspond à un décalage d’aînesse de 0,000000750 ans ou 23,652 secondes! Est-ce biologiquement repérable?

Ma présentation peut être contestée, sans doute, mais en gros, cela situe quand même les limites effectives du paradoxe et des émerveillements qu’il provoqua.

Le cas du méson "mu" est plus convaincant. Il s’agit  d’une particule du rayonnement cosmique qui est créée au sommet de l‘atmosphère (env. 30 km) avec une durée propre de désintégration de 10-6 sec (1/1000000 sec). Sa vitesse de déplacement ne peut excéder – principe à ce jour intangible - celle de la lumière . Il est donc paradoxal de pouvoir observer des mésons "mu" non désintégrés à la surface de la Terre puisqu’ils ne peuvent pas l’atteindre en un temps inférieur à 10-4 sec (1/10000 sec).

En fait, le temps propre Dt’(=10-6 sec) de désintégration du méson "mu" se mesure dans le système de référence qui lui est lié, qui lui est propre. Son temps de parcours Dt(=10-4 sec) du sommet de l’atmosphère à la surface de la Terre est, lui, le temps que mesure l’observateur terrestre dans son système de référence, lui-même terrestre, par rapport auquel le système propre du méson "mu" se déplace à une certaine vitesse v.

Les deux temporalités sont liées par les formules de Lorentz et:  Dt=Dt’/racar(1-v2/c2).

Pour expliquer le paradoxe apparent, il suffit alors de contrôler qu’avec Dt=10-4, on a néanmoins Dt’< 10-6  ce qui renvoie à l’inéquation : 10-4racar(1-v2/c2)< 10-6 ou 1-v2/c2< 10-4 ou v > c.racar(1-10-4) ou (environ) v>0,99995c ; soit pour le méson "mu" une vitesse d’au moins 299985km/s. Certes, une telle vitesse  correspond à la mise en œuvre d’énergies considérables, mais elle n’est cependant pas rare dans le rayonnement cosmique. La théorie retombe là sur ses pieds via une expérimentation “effectuable” (et d’ailleurs effectuée).

Quoi qu’il en soit, le temps s’enfuit, et, chez les auteurs préoccupés, remontent des souvenirs scolaires qu’ils ne se font pas faut d’égrener, cueillis chez Ronsard (Pierre; 1524-1585) ….

Le temps s'en va, le temps s'en va Madame


Las le temps ! non, mais nous nous en allons,


Et tôt serons étendus sous la lame.


Le temps s'en va, le temps s'en va Madame …

… ou dans Le roman de la rose (Guillaume de Lorris (et Jean de Meung) en 1236) 

Le temps qui ne peut séjourner,

Mais va toujours sans retourner,

Comme l'eau qui s'écoule toute,

Sans qu’il en retourne une goutte:

Le temps vers qui rien ne dure,

Ni fer ni chose tant soit dure,

Qui gâte et qui tout décompose

Le temps qui ronge toute chose,

Et tout fait croître et tout nourrit,

Et puis tout use et tout pourrit;

Le temps qui envieillit nos pères,

Les rois et les grands de la terre,

Et qui tous nous enviellira,

Ou la mort nous avancera …

                                                                   On va garder la musicalité pour clore provisoirement l'affaire :

Il faudra reprendre tout ça,

Mais pour aujourd’hui, ça ira !

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