Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
7 juillet 2012

Molles réflexions – Baccalauréat 2012 - [I] Philosophie .

Série S

Sujet n°1 : Avons-nous le devoir de chercher la vérité?            

Sujet n°2 : Serions-nous plus libres sans l'Etat?

Sujet n° 3: Rousseau, Émile

Le texte : « On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l’éducation. Si l’homme naissait grand et fort, sa taille et sa force lui seraient inutiles jusqu’à ce qu’il eût appris à s’en servir ; elles lui seraient préjudiciables, en empêchant les autres de songer à l’assister ; et, abandonné à lui même, il mourrait de misère avant d’avoir connu ses besoins. On se plaint de l’état de l’enfance ; on ne voit pas que la race humaine eût péri, si l’homme n’eût commencé par être enfant. Nous naissons faibles, nous avons besoin de force ; nous naissons dépourvus de tout, nous avons besoin d’assistance ; nous naissons stupides, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n’avons pas à notre naissance, et dont nous avons besoin étant grands, nous est donné par l’éducation. Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes ou des choses. Le développement interne de nos facultés et de nos organes est l’éducation de la nature ; l’usage qu’on nous apprend à faire de ce développement est l’éducation des hommes ; et l’acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent est l’éducation des choses. Chacun de nous est donc formé par trois sortes de maîtres. Le disciple dans lequel leurs diverses leçons se contrarient est mal élevé, et ne sera jamais d’accord avec lui même ; celui dans lequel elles tombent toutes sur les mêmes points, et tendent aux mêmes fins, va seul à son but et vit conséquemment. Celui là seul est bien élevé. »

Série L.

Sujet n°1 : Que gagne-t-on en travaillant?     

Sujet n°2 : Toute croyance est-elle contraire à la raison?

Sujet n°3 : Spinoza. traité théologico-politique. 

La fin de l’État n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté  de toutes leurs fonctions, pour qu’eux‐mêmes usent d’une Raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils « supportent sans malveillance les uns les autres ». La fin de l’État est donc en réalité la liberté. Nous avons vu aussi que, pour former l’État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques‐uns, soit à un seul. Puisque, en effet le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun peut être  seul  à tout savoir et qu’il  est impossible  que  tous  opinent  pareillement  et parlent d’une  seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de  juger ; par suite  nul à la  vérité ne  peut, sans  danger pour le  droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pour qu’il n’aille pas au‐delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la raison seule, non par la ruse, la colère oula haine. »

Série ES.

Sujet n°1 ; Peut-il exister des désirs naturels?

Sujet n°2 : Travailler, est-ce seulement être utile?

Sujet n°3 : Berkeley, De l'obéissance passive.

En morale, les règles éternelles d’action ont la même vérité immuable et universelle que les propositions en géométrie. Ni les unes ni les autres ne dépendent des circonstances, ni des accidents, car elles sont vraies en tout temps et en tout lieu, sans limitation ni exception. « Tu ne dois pas résister au pouvoir civil suprême » est une règle qui n’est pas moins constante ni invariable pour tracer la conduite d’un sujet à l’égard du gouvernement, que « multiplie la hauteur par la moitié de la base » pour mesurer la surface d’un triangle. Et de même qu’on ne jugerait pas que cette règle mathématique perd de son universalité, parce qu’elle ne permet pas la mesure exacte d’un champ qui n’est pas exactement un triangle, de même on ne doit pas juger comme un argument contraire à l’universalité de la règle qui prescrit l’obéissance passive, le fait qu’elle ne touche pas la conduite d’un homme toutes les fois qu’un gouvernement est renversé ou que le pouvoir suprême est disputé. Il doit y avoir un triangle et vous devez vous servir de vos sens pour le connaître, avant qu’il y ait lieu d’appliquer votre règle mathématique. Et il doit y avoir un gouvernement civil, et vous devez savoir entre quelles mains il se trouve, avant qu’intervienne le précepte moral. Mais, quand nous savons où est certainement le pouvoir suprême, nous ne devons pas plus douter que nous devons nous y soumettre, que nous ne douterions du procédé pour mesurer une figure que nous savons être un triangle. » 

Socrate     Tout cela, en fait, m’a paru assez ennuyeux. Chaque année, c’est avec appétit que j’attends les épreuves et la plupart du temps, elles m’intéressent, et puis là, ce cru 2012 … bof.

Avons-nous le devoir de chercher la vérité ? Pour un juge, pour des jurés, la réponse semble d’évidence. Pour des gamins ? Ils diront en riant : C’est ‘‘La vérité si je mens 5 ce sujet !’’ Un truc de ouf ! Quelle vérité et qu’est-ce que la vérité ? Et la vérité de quoi ? de qui ? sur quoi ? sur qui ? sur ce qui s’est exactement passé dans la suite 2806 du Sofitel de Manhattan ? Et qui est ce « nous » ? Collectif ? Individualisé ? Le devoir ? Ah ! le devoir … Cela dépend des circonstances, de la question posée, du contexte.  Le sujet aurait-il eu le même sens, énoncé « à l’envers » : La recherche de la vérité est-elle un devoir ?

Peut-être ces questions constituent-elles un début de réponse.

Guy Béart chantait : Le poète a dit la vérité / Il doit être exécuté. On sait qu’elles ne sont pas toutes bonnes à dire, ni même à chercher d’ailleurs. Même scientifiques, il en est de fort dangereuses. Des pythagoriciens en balade voici largement plus de deux millénaires auraient jeté par dessus bord l’un d’entre eux qui s’interrogeait trop sur l’incommensurabilité de la diagonale du carré à son côté. Et Giordano Bruno, pour s’être beaucoup avancé sur des questions brûlantes, comme l’héliocentrisme, a terminé brûlé, le 17 février 1600, à Rome. Il n’est pas évident de crier que le roi est nu (Hans-Christian Andersen ; Les habits neufs de l’empereur).

Recherche de la vérité dans les comportements ? Alceste chez Molière le revendique en dénonçant l’hypocrisie des attitudes sociales. Le prix – sentimental – à payer sera élevé ! Quant au « parler vrai » des politiques … Et puis Pascal : « Vérité en deçà des Pyrénées, mensonge au-delà. »

Avons nous le devoir de chercher la vérité ? Dire « Oui, évidemment » n’est au fond qu’une position théorique. Devoir est un terme bien fort. Sans compter les pieux mensonges. Les gendarmes qui arrêtent Jean Valjean, voleur compulsif de chandeliers, ont assurément le devoir de chercher la vérité. Mais Monseigneur Muriel, l’évêque de Digne volé, ne fait-il pas, écartant celle-ci par bonté, œuvre infiniment plus utile ? Il est vrai qu’à sa façon, il applique aussi le devoir de vérité de son sacerdoce, celui qui lui dicte de chercher la vérité du forçat, c’est-à-dire son aptitude potentielle au bien.

Etc. ?

Le seul devoir, c’est au fond d’être un homme, pleinement, et cela peut mériter quelques accommodements ….

Serions-nous plus libres sans l’Etat ?

La question, sous Louis XIV, se serait formulée : Serions-nous plus libres sans lui ?, sans lui qui avait prononcé : ‘‘L’Etat, c’est moi !’’

Cela dit, la boutade renvoie néanmoins à ceci : peut-on s’engager dans la réflexion sans définir la notion d’Etat ? Et comment, au niveau d’un élève des classes terminales ?

L’Etat comme expression constitutionnalisée de la volonté générale ? On ne doit pas être loin, là ; et dès lors, cela pourrait devenir le problème de la liberté, comme intérêt particulier, appelée à s’effacer devant l’intérêt général.

Il est certain que l’existence même de règles, de lois, bride les libertés.

Il est non moins certain que l’absence de règles, de lois, ouvre la porte à une anarchie porteuse du mouvement brownien des volontés individuelles antagonistes, qui s’étouffent mutuellement dans une absence complète de marges de manœuvre, et donc de liberté.

Etc. On peut patouiller là-dedans.

J’ai dit : L’Etat comme expression constitutionnalisée de la volonté générale. Vision démocratique. L’Etat peut être théocratique, autocratique, dictatorial, totalitaire; il peut être aux mains de ploutocrates, d’oligarques, de tyrans, de despotes, de monomaniaques ou de dépressifs … On peut se penser plus libres sans certains types d’Etat, probablement pas plus libres sans Etat au sens générique et théorisé.

Le philosophe en herbe, que va-t-il faire de cela ? S’essayer à la notation historique, au passage en revue, à l’Etat sous Franco, sous Pinochet, sous Allende, sous Staline, sous Gorbatchev … sous Sarkozy ? Qu’en serait-il de l’immigré, du sans-papiers, sans Etat ? Plus libre, ou plus lynché ?

La question posée est trop générale pour avoir une autre réponse que négative.

Globalement, nous ne serions pas plus libres sans l’Etat.

Et localement ? Très localement ? Sous une forme ou une autre, toute communauté invente un Etat. Il n’y a guère à sortir de là, et du coup, plus guère de question à poser.  Nous ne serions pas plus libres sans l’Etat, nous sommes plus ou moins libres selon l’Etat. Sans Etat, nous serions sans doute assez rapidement … morts.

Le texte proposé de Rousseau, l’Emile … n’encourage pas le commentaire. Il est me semble-t-il d’accès facile ; le point de vue présenté l’est clairement, ne choque pas le bon sens, est formulé en termes assez généraux pour ne pas susciter la polémique … Seule incertitude, les dernières lignes. Quel est le ressort qui fait converger – ou pas - sur les mêmes points et vers les mêmes fins les leçons de la nature, des hommes et des choses ? Rousseau ne nous en dit rien, du moins ici. Loterie ou gestion pilotée? On pouvait envisager de centrer la discussion là-dessus … si on avait le courage de discuter !

Que gagne-t-on en travaillant ? … en principe, sa croûte ! Expression consacrée. Ou bien : … sa vie ! Quel audacieux dira : la liberté ? Ce qui pourtant a été essentiel pour les femmes accédant par le travail à l’indépendance financière et pouvant échapper à la tutelle du mari. Parfois. Mais répondre la liberté, c’est courir le risque, souvenir des leçons d’histoire sur la seconde guerre mondiale, de voir surgir la devise inscrite à l’entrée des camps de concentration : Arbeit macht frei (‘‘le travail rend libre’’). Ô dérision sinistre, dans ce contexte !

 CampConcent2

On gagne souvent l’estime de soi, et aussi, l’estime des autres, à travailler

On pourra bien entendu distinguer diverses formes de travail, ouvrier, intellectuel, artistique. Voire, car ne désigne-t-on pas les prostituées comme des travailleuses du sexe ? Certains gagnent des courbatures, d’autres une asbestose ou un mésothéliome (vive l’amiante). On perd alors en quelque sorte sa vie à la gagner. Formule classique.

Le travail scolaire, qui devrait avoir été l’horizon du candidat méritera bien le détour. Y gagnera-t-il son diplôme ? Y voit-il le terreau où s’enracinera son avenir social ? Pas sûr et peu dans l’air du temps, moins qu’autrefois en tout cas - à condition de ne pas remonter trop loin. 

La valeur-travail, expression qui fleurit aux lèvres des politiques, n’a pas toujours eu bonne presse. L’aristocrate du XVII° siècle aurait rougi de travailler. La caillera du XXI° aussi, me dira-t-on.

Les hypermnésiques auront peut-être encore en tête leur récitation de la classe de 4ème et appelleront La Fontaine au secours :

 

Travaillez, prenez de la peine

C’est le fonds qui manque le moins

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,

Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.

«Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage

            Que nous ont laissé nos parents :

            Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l'endroit; mais un peu de courage

Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.

Remuez votre champ dès qu'on aura fait l’août :

Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place

            Où la main ne passe et repasse.»

Le père mort, les fils vous retournent le champ,

Deçà, delà, partout : si bien qu'au bout de l'an

            Il en rapporta davantage.

D'argent, point de caché. Mais le père fut sage

            De leur montrer, avant sa mort,

            Que le travail est un trésor .

‘‘Le laboureur et ses enfants’’. Pourquoi pas ? Quant au travail comme trésor, on peinera peut-être à en convaincre les gamins qui voient à quel prix on paie certains pour courir, à onze, derrière un ballon.

Pourrait-on dire qu’à travailler, on gagne le droit de se reposer ? N’est-ce pas là le sens de la retraite ?

Dans les années 1920, chez Hachette, on publia une collection d’Eloges, et parmi eux, un Eloge de la paresse, dû à Eugène Marsan (1882-1936) où l’on lit cette maxime : L’oisiveté est la halte et la couronne du travail.

Finalement, sur ce sujet, on pouvait assez librement improviser …

Toute croyance est-elle contraire à la raison ? La réponse semble être dans la question, et affirmative. Croyance et raison ne marchent guère à l’amble … Croyance, crédulité, mythe, superstition et pensée pré-logique ou magique d’un côté, rationalité de l’autre ; entre les deux, un fossé.

L’ambiguïté de la formulation proposée tient à ceci qu’elle peut s’interpréter comme soulevant la question d’une croyance qui se trouverait être, mais en quelque sorte sans l’avoir cherché, en accord avec la raison raisonnante. Peut-on en citer ? Quand il dit chez Molière, ‘‘Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit’’, Don Juan énonce comme croyance un fait avéré. Il s’agit d’ailleurs de la reprise d’une anecdote qu’on trouve chez Guez de Balzac (Socrate chrétien) et dans Tallemant des Réaux (Historiettes)  et qui concernerait Maurice de Nassau (1567-1625), fils de Guillaume le taciturne, lassé de religion sur son lit de mort. Mais c’est une boutade.

Sinon ? Peu d’appétit pour aller plus loin. Tout ce qu’on croit est-il compatible avec la raison ? aurait été une formulation un peu plus ouverte. Tout ce qu’on croit n’est pas croyance. Mais là …

Le texte de Spinoza sur la ‘‘fin (le but) de l’Etat’’ répond à la question posée en sujet de dissertation : Serions-nous plus libres sans l’Etat ? Texte simple, là encore, sans problème de compréhension (sinon la claire perception de ‘‘fin’’ comme synonyme de ‘‘finalité, but, objectif’’), sauf l’un des derniers membres de phrase ; et  le ‘‘chacun peut être seul à tout savoir’’, ou bien à comprendre comme l’affirmation du caractère ponctuel (unicité d’opinion) des interprétations individuelles (seul à pour seul de son avis devant ?) ou bien à lire comme une coquille pour chacun ne peut être seul à tout savoir  au sens de ‘‘chacun ne saurait avoir raison sur tout’’ … ce qui ne change pas grand-chose.

Le membre de phrase : ‘‘qu’il n’aille pas au-delà de la simple parole et de l’enseignement’’ , ne me semble pas clair et je le supprimerais volontiers ! S’agit-il de recommander de ne pas se laisser emporter au-delà des mots, au-delà de ce qu’on lui a enseigné, sous-entendu : de raisonnable ?  Sans doute ? Peut-être ?

Aucun de ces points d’achoppement ne modifie néanmoins le sens global et nettement posé du texte : La fin (le but, le dessein, le projet, l’objectif poursuivi ou le résultat obtenu) de l’Etat est donc en réalité la liberté. L’individu gagne en liberté en renonçant ‘‘à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée’’, soit en renonçant à n’en faire qu’à sa tête.

Peut-il exister des désirs naturels ? On ne doit pas être loin de la question de cours ; sans grand intérêt. Le candidat doit-il définir et désir et naturel ? Besoins naturels, tout le monde connaît. Désirs ? Il y a une classification de ce genre chez Epicure ; en fait, les grecs ont plus ou moins épuisé la question, ensuite, on ne rencontre plus que des complications, on sodomise les drosophiles, tout ça n’est pas très excitant.

L’homme naturel aspire à la tranquillité, au bonheur de la replétude issu de la satisfaction de ses besoins, nourriture, transit aisé, sommeil, un bonheur issu de l’absence de douleur, de l’absence de souci, cette ataraxie finalement passive qui satisfait le sage et que méprise l’impatient ou l’adolescent, le bonheur comme absence d’emmerdements … Désirs naturels, désirs négatifs, ne pas souffrir, de la faim, de la soif, du mal de dents, de la diarrhée …

Le sujet méritait-il qu’on s’y consacre ? L’appétit de reconnaissance, de gloire, de richesse comme désirs non naturels, artefacts de la société humaine … Oui, le candidat pouvait se lancer dans le cataloguage, pour classer désirs et envies en innés et acquis, naturels et fabriqués, spontanés et induits, avec leurs dérapages, le plaisir tournant à la luxure, l’appétit à la gourmandise, le goût de l’effort en névrose stakhanoviste, le désir de vérité en obsession inquisitoriale …

Désir sexuel ? On n’y échappera pas. Naturel ? Of course. Dissertez, jeune fille, jeune homme, sur la poussée printanière de vos hormones …

Tout ça n’eût pas été ma tasse de thé bachelière …

Travailler, est- ce seulement être utile ? Il faudrait d’abord s’assurer que travailler est utile ! Ce n’était pas semble-t-il l’avis de Diogène … Utile à qui, d’ailleurs ? Au travailleur ou à son employeur ? Au travailleur ou à la société ? Travailler, cela peut avoir pour but et pour résultat de faire plaisir à un autre. Règle latine, qu’on ânonnait autrefois en classe de quatrième :  Si laborabis, gaudebo, Si tu travailles, je me réjouirai.

On a déjà tourné autour du pot avec Que gagne-t-on en travaillant ? Les concepteurs de sujets version 2012 ne débordaient pas d’imagination. En gros, on passe du bénéfice personnel à tirer du travail au bénéfice pour autrui. Version égoïste, version altruiste.

Travailler, c’est rendre service, mais aussi, s’occuper, se discipliner (l’oisiveté, c’est bien connu, est mère de tous les vices …), se sentir solidaire d’un groupe, accomplir une mission (ou le croire), faire avancer l’humain (un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité – Neil Armstrong).  Carl Gustav Jacob Jacobi, mathématicien allemand de la première moitié  XIX° siècle, disait travailler ‘‘pour l’honneur de l’esprit humain’’. Il en est mort, d’ailleurs, à quarante-sept ans, littéralement tué par la tâche qu’il s’imposait.Idem Jean-François Champollion, à quarante-deux ans. Le travail n’est pas toujours la santé.

Tout a son utilité. Le travail, bien sûr, mais aussi le repos, qui procure du travail à ceux qui se chargent de le meubler (tourisme), la maladie, qui procure du travail au secteur hospitalier, le banditisme, qui procure du travail à la police, l’illégalité, qui procure du travail à la justice, la mort, qui procure du travail aux employés des pompes funèbres, etc. En somme, vivre puis mourir ne cesse d’être utile. Seulement utile ?

En faisant un petit couplet sur ‘‘Travailler, c’est s’épanouir’’, un autre sur ‘‘Travailler est non seulement utile mais nécessaire’’, en complétant ce dernier par quelques considérations statistico-paradoxales sur le quota de non-travail indispensable pour que le produit du travail trouve des débouchés, on doit pouvoir donner le sentiment qu’on a traité le sujet …

travail=santé1 travail=santé2

 

Sur Berkeley : De l’obéissance passive.

Berkeley ferait-il dans le psycho-rigide ? En tout cas, il avait annoncé la couleur en présentant dès le départ son projet au début de "De l'obéissance passive": « Qu’on ne doit pas observer une totale obéissance passive vis-à-vis de n’importe quel pouvoir civil, mais que la soumission au gouvernement doit être mesurée et limitée par le bien commun de la société; que donc les sujets peuvent légitimement résister à l’autorité suprême dans le cas précis où le bien commun paraît clairement l’exiger; que dis-je! qu’il est du devoir des sujets de résister dans la mesure où ils se trouvent tous dans la nécessaire obligation de faire fleurir l’intérêt commun : puisque ces idées et d’autres de la même farine, que je ne puis m’empêcher de juger pernicieuses pour le genre humain et contraires à la droite raison, ont été cultivées avec assiduités ces dernières années par de talentueux hommes de science, il a paru nécessaire d’armer contre elles les jeunes gens de notre Université et de veiller à ce qu’ils fassent leur entrée dans le monde fourbis de bons principes. »

Pour lui, visiblement, il n'y a qu'une règle et on l'applique sans états d'âme. ‘‘La discipline est la force principale des armées’’, c'est son credo. Bien.

Sur le texte du bac, il ne me semble pas qu'il y ait trop de contresens à faire. En schématisant dans la paraphrase:

a) Il existe en morale des règles d'action absolues

b) Il existe en géométrie des théorèmes inébranlables

c) Ce sont là vérités qui ne dépendent pas des circonstances ou plutôt qui leur résistent en ce sens que, parfaitement adaptées à des prémisses données (on examine un triangle, si j'ose dire un "vrai" triangle; un pouvoir suprême est en place, clairement défini), elles deviennent simplement et seulement inapplicables quand les préalables sont flottants (l'objet examiné n'est plus tout à fait un triangle; des incertitudes politiques brouillent le statut du pouvoir), sans pour autant aucune remise en cause.

d) Pour parler d'exemple: la formule S=bxh/2 n'est pas remise en question par le fait qu'on "bricole" autre chose pour mesurer la surface d'un champ de frontière vaguement triangulaire aux lignes droites incertaines; l'impératif d'obéissance au pouvoir suprême n'est pas remis en question par le fait qu'en période d'affrontement, de flottement caractérisé  (et - au moins pour ma génération - tout le monde pensera au gouvernement de Londres versus le gouvernement de Vichy), les conduites individuelles puissent être relativement aléatoires. Le principe intangible demeure. Il existe une règle stricte quand ses conditions d'application sont claires, et on s'y doit soumettre: à vrai triangle, S=bxh/2 et à pouvoir suprême indubitablement défini, obéissance passive. 

Et Berkeley se pense pédagogue en identifiant la règle morale à la règle géométrique, persuadé que la seconde est plus aisément comprise dans son inflexibilité, à conditions théoriques strictes acquises, que la première.

Ensuite, bien sûr, on peut discuter. En particulier de ce qu'est un vrai triangle ... et un champ "vraiment" triangulaire – il n’en existe pas dans la nature - et de ce qu'est un pouvoir suprême clairement défini, sur quelles bases, comment en être "sûr"? On pourrait du coup se retrouver à comparer rapidement démocratie, théocratie, monarchie, dictature, etc.

Dictature=démocratie

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité