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AutreMonde
5 décembre 2011

Nabokov pédophile ...

Cela faisait des années que je voyais le livre sur la table de nuit. Mais personne ne le lisait. Il avait été lu. Et il était resté là, parce qu’on ne savait où le mettre, parce que la chambre à coucher n’était pas utilisée si souvent que cela, qu’on n’y lisait pas, ou plus. Alors, voici quelques semaines - pourquoi lors de ce passage-là et jamais avant? - je l’ai machinalement pris et je m’y suis mis.
De toute façon, il fallait bien, un jour ou l’autre, lire, ne serait-ce que pour l’avoir lu, Lolita.

Quasi pensum assez pénible; je n’ai guère apprécié, ni le fond, ni la forme. On s’ennuie. La fastidieuse histoire d’Humbert Humbert, amateur éperdu du charme des nymphettes, en version soft, et pour dire le vrai pédophile aux appétits sexuels déplorablement ciblés, se déploie au gré d’une narration qui se veut sans y parvenir vraiment tantôt poétique, tantôt plaisante et qui nous promène au long d’un interminable parcours automobile, de fellations non dites en sodomies inavouées, dans tous les cas négociées-imposées à une fillette d’une douzaine d’années dont on cerne mal les consentements écoeurés - complexité de la psychologie enfantine et des situations d’inceste et/ou complexes de Stockholm comme de Natascha Kampusch?

Nabokov en son temps s’est défendu, comme on se défend d’une peinture de l’atroce par l’argument préventif (dissuasion du passage à l’acte) et, pour faire plus culturel, cathartique.

La construction du roman n’est pas inintéressante, le scénario de base n’est pas au départ dépourvu d’inventivité, où les rares pages à sauver dans le texte et qui sont réellement amusantes sont relatives à la mort accidentelle de la mère de la gamine, qu’on n’avait épousée que pour se gaver de la petite. Cela fait assez peu. Mais au-delà, Nabokov ne recule devant aucune invraisemblance et la traque qu’il nous décrit du narrateur et de sa petite victime pourchassés par un second prédateur sexuel soucieux de ravir la proie ne tient pas debout, ni la suite, quand privé de la gamine tombée dans les filets de l’autre, une obsession criminelle s’installe qui s’achèvera en exécution surréaliste. Ni crédible, ni passionnant. On attend que ça passe en croyant remplir un devoir littéraire, tellement grande est l’aura du livre.

Il a eu, d’ailleurs des prolongements cinématographiques. Je n’ai pas vu la version de Kubrick, en 1962, avec James Mason en Humbert Humbert, Shelley Winters en Charlotte Haze (la mère) et Sue Lyon en Lolita, Sue Lyon dont j’ai lu par ailleurs qu’elle dira ensuite avoir été détruite par le film. On trouve sur Internet un extrait, la fin, l’exécution compliquée et phraseuse à souhait par Humbert du second ‘‘vil suborneur’’, et la seule surprise vraie est de découvrir dans ce petit rôle Peter Sellers.

Nabokov avait été sollicité pour produire un scénario à partir de son roman. Kubrick s’en est à peine servi paraît-il. J’ai vu par contre la version d’Adrian Lyne de 1997. Il avait précédemment commis Flashdance (en 1983 - J’y avais conduit mon fils et ma fille, groupie de Jennifer Beals le temps d’un film), puis 9 semaines ½ en 1986 (Mickey Rourke et Kim Bassinger; réputation sulfureuse; pas vu; la critique avait affirmé qu’on n’avait pas laissé à Rourke une minute pour remonter son pantalon…), Liaison fatale en 1987 (Michael Douglas et Glenn Close; une fellation dans un ascenseur pour démarrer et une suite que j’avais trouvée assez médiocre), et Proposition indécente en 1990, avec Robert Redford (déjà lifté il me semble) en milliardaire corrupteur, Demi Moore en épouse achetable pour une nuit à 1 000 000 de dollars et Woody Harrelson en mari incapable d’assumer sa complaisance, tout ça assez médiocre aussi.

Son Lolita suit d’assez près la trame du roman, mais m’a semblé (je l’ai regardé très récemment en DVD) difficile à suivre quand on n’a pas lu le livre. En outre, à une scène avec amorce sexuelle un peu explicite près, tout l’arrière-plan graveleux de la relation pédophile est gommé au bénéfice d’un violent effort de sentimentalisme affadi, servi par Jérémy Irons en Humbert Humbert égaré.

C’est d’ailleurs là le problème général du thème.

Déjà dans le roman, Nabokov, s’il utilise le terme pédophile, s’il évoque les devoirs sexuels quotidiens imposés à la fillette, n’en rajoute pas quant au vrai d’une telle situation, nous inondant de ‘‘Lo, ma Lolita, mon amour éternel’’ et autres protestations guimauve au titre de cache-braguette.

Au cinéma, sans pouvoir juger du traitement de Kubrick faute de l’avoir vu, on peut constater qu’il fait jouer une gamine de 12-13 ans par une actrice qui en avait 15-16 et en paraissait plus encore, de même qu’Adrian Lyne a retenu une Dominique Swain qui allait sur ses 17 printemps au moment du tournage.

En d’autres termes, on veut bien porter à l’écran un thème sulfureux, mais sans l’assumer, en se donnant à l’image les moyens de placer le spectateur dans le cadre sécurisant d’une liaison entre un jeune quinquagénaire et une jeune fille écervelée et immature, mais sans rien d’une enfant.

Pour revenir à Nabokov, ce premier contact - eh oui, je n’avais rien lu - n’est guère convaincant. Il faudra lui donner une nouvelle chance. N’accablons pas sur un seul test un type dont le nom se lit en russe Владимир Владимирович Набоков 

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