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AutreMonde
15 novembre 2011

Un colloque Evariste Galois (I)

Je m’étais inscrit sans la certitude de donner suite. L’IHP (Institut Henri Poincaré, 11, rue Pierre et Marie Curie, dans le 5ième) organisait du  24 au 28 octobre une série de conférences galoisiennes à l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Evariste (1811-1832). Finalement, j’ai suivi quelques exposés et, avec femme et copains d’icelle, l’après-midi Grand-Public du mercredi médian, où un moyen métrage de 1965 et d’Alexandre Astruc et un spectacle de clowns (scientifiques quand même) promettaient d’intéresser, comme Tintin, tous les publics de 7 à 77 ans. L’IHP avait mis les petits plats dans les grands, rien à dire ; hôtesses d’accueil jeunes et jolies, boissons, fruits, café-thé et viennoiseries, le tout à volonté lors des inter-cours ; les sponsors sollicités ont « assuré » ! On a même eu de petits cadeaux, mini-cartable ou sac de jute, frappés au nom d’Evariste Galois, agenda avec stylobille, mug décoré d’un portrait du grand homme, et un beau cordon violet pour porter autour du cou notre carte personnelle de participant …

ImageEvariste               Galois, c’est un peu, beaucoup, la notion de groupe, et spécifiquement de groupe de substitutions, c’est-à-dire de permutations sur un ensemble fini, c’est-à-dire de réordonnancements (réorganisation) d’un ensemble fini ordonné. Ainsi, (a,c,b) dans cet ordre est un réordonnancement (une permutation) de (a,b,c) dans cet ordre. Et même sans aucun espoir de suivre les développements ultérieurs d’un concept qui a engendré tant de petits dont le niveau d’abstraction n’a fait que croître et embellir jusqu’à l’abscons indéchiffrable, on ne peut pas vulgariser, même les seules prémisses, sans manipuler quelques notations et définitions élémentaires. Ainsi…

Dans un ensemble ordonné de n éléments, on peut se contenter de noter (1,2,…,n) la succession de ceux-ci. Dès lors, on peut introduire pour tout réordonnancement, une correspondance (une fonction) p  indiquant successivement quels éléments vont maintenant occuper les positions respectives 1,2,…,n et on peut noter p(1), p(2), … , p(n) les rangs qu’ils occupaient initialement. Alors, dans l’ensemble ordonné à trois éléments (a,b,c), si on décide de permuter les deux derniers pour écrire dans l’ordre (a,c,b), on sera en quelque sorte passés de l’ordre initial (1,2,3) à (1,3,2), que l’on pourrait aussi expliciter en parlant de la  permutation p telle que : p(1)=1 (le permuté de 1 est l’ancien 1),  p(2)=3 (le permuté de 2 est l’ancien 3), p(3)=2 (le permuté de 3 est l’ancien 2).

S’il y a par exemple 5 éléments, (3,2,4,5,1) désignera la permutation qui fait passer de (a,b,c,d,e) à  (c,b,d,e,a). Ou bien (1,4,2,5,3) celle qui fait passer de (a,b,c,d,e) à (a,d,b,e,c).

Il faut poser une convention de composition (d’enchaînement) des permutations, lorsqu’on veut faire agir successivement différentes permutations. Appelons p la première et q  la seconde des deux permutations qu’on vient de donner en exemple. Si on veut faire agir p, puis q, la notation du résultat sera qop, le « o » désignant la succession (la composition), et la lecture des opérations s’effectuant de droite à gauche (d’abord p, puis q agissant sur le résultat de p). On suit alors le déplacement des éléments en les identifiant à leur numéro dans le rangement initial.

p : (a,b,c,d,e) à (c,b,d,e,a)    qui/que traduit (3,2,4,5,1)

q : (a,b,c,d,e) à (a,d,b,e,c)     qui/que traduit (1,4,2,5,3)

qop :  (a,b,c,d,e) à (c,b,d,e,a) à (b,d,e,c,a) (soit) qop : (a,b,c,d,e) à (b,d,e,c,a)

qui/que traduit  qop :  (2,4,5,3,1)

Nantis de ces conventions, on appelle groupe symétrique d’ordre n, et on note Sn, l’ensemble de toutes les permutations de  {1,2,…,n}, muni de la loi de composition interne « o ». Le produit (la composée) de deux permutations est une permutation ; il existe une permutation « neutre » (c’est l’identité, souvent notée « e » ou « id » ) et toute permutation p possède une permutation inverse (notée p-1 ; qui fait revenir au point de départ : p-1op=id). C’est en ces propriétés que réside le concept (la structure) de groupe, avec adjonction d’une propriété dite d’associativité (p, q, r, trois permutations : (roq)op = ro(qop) ).

Ce groupe n’est pas « commutatif », car on ne vérifie pas en général qop=poq  (sauf la situation particulière de p et p-1 : p-1op=pop-1=id).

Vérifions cela sur p, q déjà introduites et une troisième permutation : (1,3,5,4,2)

On a déjà calculé qop : (2,4,5,3,1)

On calcule de même poq : (3,5,2,1,4)

On note que poq et qop sont différents  (groupe non-commutatif)

Puisque p fait passer de (1,2,3,4,5,) à  (3,2,4,5,1), il suffit de remonter, c’est à dire de repasser du rangement (3,2,4,5,1) à  (1,2,3,4,5) en faisant « fonctionner » la permutation (5,2,1,3,4), permutation inverse qu’on note donc p-1.

On vérifie p-1op=pop-1 = id = (1,2,3,4,5)

On forme ro(qop) : (1,3,5,4,2)o(2,4,5,3,1) = (3,4,2,5,1)

On forme roq : (1,3,5,4,2)o(1,4,2,5,3) = (1,4,3,2,5)

On forme (roq)op : (1,4,3,2,5)o(3,2,4,5,1) = (3,4,2,5,1)

ro(qop)=(roq)op correspond bien à l’associativité de la loi « o ».

Définition bilan : Un groupe est un ensemble muni d’une loi de composition interne associative, possédant un neutre, et telle que tout élément possède un inverse.

Remarque : on a introduit le groupe symétrique Sn. Ce groupe possède n ! éléments, notation qui se lit « factorielle n » et qui désigne le produit de tous les entiers de 1 à n  (1 !=1 ; 2 !=2 ; 3 !=6 ; 4 !=24 ; 5 !=120 : 6 !=720 ; etc.).

Résultat immédiatement vérifié pour n=1 ou n=2 ou n=3 (1 ou 2 ou 6  façons de ranger 1 ou 2 ou 3  éléments). Au delà, on fait une récurrence. Si on suppose qu’il y a (n-1) ! permutations de  (1,2,…,n-1), on voit que toute permutation de (1,2,…,n) se détermine en choisissant quelle place affecter à n (il y en a n possibles), et, la bloquant, en appliquant aux (n-1) autres éléments n’importe quelle permutation de (1,2,…,n-1).

Ainsi, si Sn-1 possède  (n-1) ! éléments, Sn en possède  n fois plus (autant pour chaque place réaffectée à l’élément n), soit : n x (n-1) ! = n !

Parité d’une permutation : dans le réarrangement des éléments qu’elle organise, une permutation peut reclasser deux éléments dans un ordre inverse de celui de départ ; ainsi quand on examine la permutation :(1,3,5,4,2), on constate que le 3 change de place par rapport au 2, le 5 par rapport au 4 et au 2 et le 4 par rapport au 2. On dit qu’il y a  4 inversions dans cette permutation. Si on examine la permutation : (3,2,4,5,1) elle présente 5 inversions qui concernent le 3 avec 2 et 1, le 2 avec 1, le 4 avec le 1, le 5 avec 1. Pour q : (1,4,2,5,3), on en compte 3.

Pour qop : (2,4,5,3,1) on en trouve 6 ; pour poq : (3,5,2,1,4) on en trouve également 6 ; pour  (roq)op : (3,4,2,5,1) , c’est 6  et pour roq : (1,4,3,2,5) c’est 3.

On appelle paires, les permutations présentant un nombre pair d’inversions, impaires les autres. On affecte le nombre +1 aux premières, -1 aux secondes et on appelle ce nombre la « signature » de la permutation. On note souvent €(p) la signature de la permutation p. €(p)=+1 ou €(p)=-1.

On peut vérifier sur nos exemples que pour tout couple de permutations (p,q) : €(poq)=€(p)x€(q) . Soit : la composée de deux permutations paires est une permutation paire, la composée de deux permutations impaires, une permutation paire et la composée d’une permutation paire et d’une permutation impaire, une permutation impaire.

On sait démontrer qu’il y a autant de permutations paires que de permutations impaires, soit n !/2  pour n≥2.

On voit de ce qui précède que l’ensemble des permutations paires forme un sous ensemble de Sn  qui a une structure de groupe : stable pour la composition (paire o paire = paire), l’identité est évidemment paire, et si p est paire, p-1 aussi puisque le produit de leurs signatures est égal à +1. L’associativité, valable pour toutes les permutations, l’est évidemment pour les permutations paires. Cet ensemble des permutations paires se note An, et est appelé le groupe alterné d’ordre n. Groupe inclus dans le groupe Sn, on dit que c’est un sous-groupe de Sn.

On va peut-être s’en tenir là pour une première « leçon ». On abordera la prochaine fois le second grand concept préalable à tout compte-rendu galoisien, celui d’extension.

Pour terminer sur une note plus personnelle et moins austère, je dirai ma surprise un peu nostalgique en pénétrant, pour le premier exposé du colloque, lundi 24/10 dernier, dans l’amphithéâtre Hermite de l’IHP où je suivais en 1966-67 les cours de Charles Pisot (Théorie des Nombres) et de Paul Dubreil (Radical de Jacobson et alii).Les lieux sont restés me semble-t-il inchangés. Maurice Crestey était l’assistant de Dubreil qui le traitait sans ménagement. Je l’ai retrouvé quelques années plus tard professeur de Spéciales à Louis-le-Grand, puis Inspecteur Général. C’était un homme aimable. Il m’a fait passer un oral à l’IHP dont j’ai gardé un souvenir reconnaissant et amusé car  m’ayant posé une question et ayant patiemment écouté les longs développements que je croyais constituer une réponse éclairante, il avait fini par m’interrompre en me disant : Ecoutez, on va arrêter là. Je ne vous ai pas du tout demandé cela …  mais j’ai trouvé intéressant ; je vais vous mettre un 14.

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