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AutreMonde
15 septembre 2010

L'école: Prise de conscience?

À croire que les yeux commencent à se dessiller ! Je n’ai pas souvenir d’une rentrée pédagogique porteuse d’une telle convergence dans l’analyse de la situation, avec au fond ce résumé lapidaire de Nathalie Mons (Université Paris-Est-MLV / in Le Monde Education de Mercredi 15/09) : « [En bilan de première partie de quinquennat] un inventaire à la Prévert d’expérimentations et des réformes sans impact sur le système éducatif ne peuvent tenir lieu de politique éducative. »

Philippe Meirieu, sur France 5, hier soir, au terme d’un documentaire plutôt intéressant mais trop édulcoré et optimiste sur les enseignants dans leurs œuvres vives (situations de classe, préparation collective ( ?) des progressions, conseils de classe, correction de copies …) énonçait quelque chose de simple et de juste, désespérant de voir un nouveau Jean Zay donner enfin à l’école et au corps enseignant tout entier de vraies raisons de s’investir et d’espérer. Le souffle et la vision manquent, et il ne faut pas s’y tromper, là pourrait résider la clé d’un vrai nouveau départ.

Paradoxalement – et Marc Dupuis, dans l’éditorial du numéro cité du Monde Education le souligne à juste titre – nombre de tentatives qui se veulent novatrices ne sont rien d’autre que des aveux d’échec  et la marque d’une impuissance fondamentale à re-concevoir un système dépassé : « … en créant (…) des voies réservées pour les uns et les autres : accès spécifiques aux grandes écoles pour les bons élèves des milieux défavorisés ; internats d’excellence pour les élèves méritants issus des quartiers difficiles ; établissements de réinsertion scolaire pour les élèves non méritants issus des mêmes quartiers, [on ne fait rien que déployer]  autant de signes qui montrent les échecs  de l’école pour tous [dans le traitement] de ses problèmes en amont. »

Convergence évidente avec  le long article d’Agnès Van Zanten (CNRS) dans le numéro du quotidien de la veille, articulant en quoi « la politique favorisant l’accès de jeunes de milieux défavorisés aux filières d’excellence ne réduit pas les handicaps fondamentaux devant l’éducation ».

Cette erreur fondamentale qui veut travailler sur l’extraction à tout prix d’élites d’un corpus qu’on est incapable de former correctement dans son ensemble, on la retrouve aussi à l’université, quand le gouvernement voudrait sélectionner une dizaine d’établissements pour les aider à s’imposer au niveau international, dans cette obsession du classement (cf. Télérama du 01/09 : « Si on sifflait la fin de la compet’ ? » ) qui n’a pour résultat que de scier la branche sur laquelle on est assis.

J’ai si souvent traité de cela dans ce blog que je ne vais pas ici reprendre l’antienne, mais enfin il me semble évident  - et peut-être me sens-je ce coup-ci moins seul – qu’une prise de conscience, qui ouvrirait vers  la ré-invention d’une école de la scolarité obligatoire humaniste, cohérente, diversifiée, véritablement tournée vers une offre de formation garantissant l’accès de tous à ce bagage de connaissances, cette aisance de pensée et d’expression, cette ouverture d’esprit qui seules garantissent l’éclosion d’une socialisation et d’une société équilibrées, et ce sans obérer en rien le cheminement de chacun vers son excellence individuelle, qu’une telle prise de conscience, disais-je, n’est peut-être plus si loin.

Quand il m’est arrivé, me laissant aller à mes déceptions post 1981 face aux incompétences conceptuelles de la pensée éducative d’une gauche parvenue au pouvoir, de déplorer que le programme d’alors ne se fût pas résumé à ceci : « Réinventer l’école et pour le reste, tout le reste, expédier les affaires courantes », étais-je si loin de l’utopie brillamment défendue par  l’ethnologue Marc Augé (EHSS – Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) dans un supplément du Monde (Le Monde « M » / Septembre 2010) sous le titre « Fin de la crise, crise des fins ». Je cite (mais il faut aller tout lire) :

« Nous vivons à l’envers, nous marchons sur la tête. Il n’est en effet pas déraisonnable de penser que, si nous décidions de tout sacrifier à l’éducation, à la recherche et à la science, en faisant des investissements massifs dans le secteur de l’enseignement à tous les niveaux, nous aurions les emplois et la prospérité en plus.  L’idéal de connaissance  n’a pas besoin d’inégalités sociales ou économiques. Bien au contraire, au regard de cet idéal, ces inégalités sont des facteurs de stagnation, des obstacles, une considérable perte d’énergie, une atteinte au potentiel intellectuel de l’humanité. Il est certain en revanche que le fait de laisser se creuser l’écart entre les plus instruits et les non instruits ne peut qu’aggraver irrémédiablement l’appauvrissement du plus grand nombre.

Il ne s’agit pas ici de prôner par principe l’égalitarisme (…) mais d’appliquer un idéal véritablement libéral au domaine de la pensée, de l’éducation et de la science, de renverser radicalement l’ordre des priorités pour mettre à terme tous les individus humains en situation d’acquérir les moyens de l’autonomie intellectuelle qui est la condition de toute créativité. Cette utopie n’est pas plus utopique que celle de la prospérité de tous prétendument engendrée par la puissance économique de quelques-uns.

Elle exigerait une détermination morale sans faille pour organiser  les moyens institutionnels de la liberté intellectuelle individuelle. Elle demanderait des investissements et des efforts matériels énormes dans le court et le long terme, mais on peut parier que ses retombées sociales et économiques seraient perceptibles dès le début de sa mise en œuvre, encourageant les plus démunis  - et les autres -  à comprendre que l’humanité est une, que tous les hommes partagent la même histoire, et que cette histoire a un sens.

Utopie bien sûr, puisque les politiques réelles sont loin d’aller dans cette direction ; utopie puisque nous sommes tous les jours témoins des folies engendrées par l’ignorance. Mais en nous obligeant à reposer la question des fins, l’utopie peut nous aider  à définir un programme. »

Oui, repenser les fins, et s’y tenir.

Mais nous sommes dans le petit, le mesquin, le sot court terme et les bricolages du jour ne pourront rien contre les effondrements prévisibles…. A moins que la prise de conscience souhaitée n’ait miraculeusement lieu. Faut-il croire à des prémices ?

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Commentaires
S
> G.C.<br /> Et merci de les lire.<br /> Cela dit, optimisme indéfectible ou pas, je reste persuadé qu'il n'en faudrait pas beaucoup pour relancer l'espoir. <br /> Mais les hommes (au sens générique) providentiels - concept qu'on peut ( et moi le premier en général) honnir mais qui hélas me semble ici, en termes de révolution du système scolaire à "impulser", le dernier recours - ne courent pas les rues.
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G
A la même vitesse que la lecture des journaux décline, l’audience des publications concernant l’école ne galvanise pas forcément les foules enseignantes. Oui, la rentrée c’est croire à un nouveau départ. Votre optimisme indéfectible peut regonfler ceux qui ont le blues gris comme moi cette année. Les fermetures de postes massives pour des raisons objectives obèrent l’avenir, et de surcroit entrainent les paresseux à la seule défensive. L’Oréal ne vaut rien pour les valeurs qui fuient, la morale publique court à la caisse. L’institution veille principalement à l’obéissance de ses agents. Les mots ne veulent plus dire grand-chose et je ne compte plus les collègues fatigués qui m’envient dans ma retraite : « tu es parti à temps ». Merci pour vos articles.
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AutreMonde
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