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AutreMonde
17 avril 2010

Partage de Pizza.

… méthode dite Hällakhonn.

Le Monde magazine a proposé dans son numéro du 17 avril, via ses duettistes mathématiciens Elisabeth Busser et Gilles Cohen, un « Partage de Pizza rectangulaire » tiré en réalité d’un livre (Petites Recherches ridicules – Gustavsson Ed.)  de Bengt Hällakhonn, jeune mathématicien suédois de l’université de Göteborg encore assez peu connu en France mais célèbre dans son pays pour ses facéties scientifiques.

L’énoncé en a été adapté pour le magazine. Je fournis le texte original complet. 

Sch_ma

Avertissement: La lettre  "x" est, manuscrite, écrite en ronde dans la figure 2 .

Tout repose en termes d'énoncé sur la figure 1 (Fig. 1)

« Cette pizza rectangulaire est coupée par  une mère de famille suédoise mais farfelue que ses deux enfants, Yasmina et Olafsson regardent faire, éberlués. Mum’ s’attribue la partie centrale, hachurée sur la figure, qui est en forme de triangle équilatéral. Elle donne à Olafsson le triangle pointillé et les deux triangles qui restent à Yasmina.

-         A  quelle condition sur la pizza-rectangle un tel découpage est-il possible ?

-         Mum’ est--elle avec son découpage une mère juste ?  indigne? sacrificielle ?»

Les raisonnements s’effectuent en appui sur la figure 2 (Fig. 2). La géométrie élémentaire étant «L’art de raisonner juste sur des figures fausses », on ne cachera pas que le triangle AEF du schéma est supposé représenter à la fois un découpage réussi et une position de recherche et n’est pas dessiné équilatéral. Le schéma n'est qu’indicatif pour que puisse s’installer « à vue » un enchaînement démonstratif.

Le rectangle ayant pour longueur L et pour largeur l, il est clair qu’on ne raisonnera qu’à partir de la contrainte : l≤L .

Dans le cas limite : l=L, le rectangle est évidemment un carré.

Le découpage étant supposé réussi dans un rectangle ABC’D’, le triangle (qui devra devenir équilatéral) AEF, de côté de longueur x renvoie à un cercle de rayon  x qui coupe les côtés BC’ et C’D’ du rectangle.

Donc, x  est nécessairement au moins égal à L.

D’autre part la mesure de l’angle EÂF est pour le découpage de Mum’ de 60° .

On constate (cf. figure) que pour un rectangle ABC’D’ donné, lorsque x croît à partir de sa valeur minimum L, la mesure de EÂF décroît. Il est donc nécessaire pour espérer le « caler » à 60° que sa valeur quand x est égal à L soit au moins égale à 60°. L’égalité à 60° pour x=L  fournit d’ailleurs l’unique solution possible à Mum’ avec  E en B, et le rectangle-pizza réduit à ABCD, en sorte que le sinus de EÂF (c’est-à-dire BÂF=60° ; AEF a pivoté autour de A; E est en B et F est sur  DC, ce qui fixe la position DC) se mesure par le rapport  l/L.

D’où dans ce cas : l/L=sin(60°)= Ö3/2 soit : l=LÖ3/2.

C’est la valeur minimum de la largeur l.

Bilan :

Condition nécessaire d’un découpage de type Hällakhonn : LÖ3/2≤l≤L

La simple observation de la figure, où la zone de déformation utile du rectangle correspond à sa déformation continue par augmentation de sa seule largeur du cas ABCD au cas ABC’’D’’ montre que dans le cas « générique» ABC’D’, pour x croissant continûment de L à Ö(L2+l2) (quand x=AC’), la mesure de l’angle EÂF décroît continûment d’une valeur supérieure à 60° (puisque l> LÖ3/2) jusqu’à 0°.  Il existe donc une valeur et une seule de x qui permette à Mum’ de réussir son partage.

Calculons la. Suivre sur la figure. « a » mesure l’angle EÂB. Etc.

Dans le triangle rectangle AEB : cos a= L/x 

Dans le triangle rectangle AD’F, cos (30-a)= l/x 

Soit en développant : cos 30.cos a + sin 30.sin a= l/x 

cos 30 = Ö3/2 et sin 30 = 1/2 d’où après multiplication par 2 : Ö3.cos a + sin a = 2l/x 

D’où : sin a = 2l/x - Ö3.cos a = 2l/x - LÖ3/x = (2l- LÖ3)/x 

On applique : cos2 a + sin2 a = 1 avec  les valeurs obtenues de cos a et de sin a.

Il vient immédiatement : (L/x)2 + ((2l- LÖ3)/x)2=1 d’où : x= Ö[L2+(2l- LÖ3)2]

Qui est avantagé ? Yasmina ou Olafsson ?

On va comparer les superficies respectives de la zone pointillée d’Olafsson et des deux rectangles de Yasmina. La superficie d’un triangle MNO rectangle en N s’obtient par exemple par la formule : (1/2).OM.ON.sin MÔN

Superficie S du triangle FC’E : S = (1/2).EF.EC’.sin (30+a)

EF= x 

EC’ = l-BE ; BE :AE.sin a= x.sin a ; EC’ = l - x.sin a

sin (30+a) = sin 30.cos a +  cos 30.sin a

Finalement et tous calculs faits, ayant remplacé x, sin a et cos a par leurs expressions en fonction de l et de L  et ayant simplifié:   S =  (1/2).(4l.L – (l2+L2)Ö3)

On sait par ailleurs que la superficie d’un triangle équilatéral de côté x est égale à x2.Ö3/4

La part de Mum’ a donc pour superficie :

x2.Ö3/4 = (4(L2+l2) – 4l.LÖ3).Ö3/4 = (Ö3.(L2+l2)– 3l.L)

La partie que se partagent Yasmina et Olafsson a donc pour superficie :

l.L - (Ö3.(L2+l2)– 3l.L) = 4l.L – (l2+L2)Ö3

On s’aperçoit alors que la part d’Olafsson calculée ci-dessus en représente exactement la moitié. L’autre moitié revient donc à Yasmina et le partage entre le frère et la sœur est équitable. Mum’  est une mère juste. Mais …

Mum’ est-elle une mère indigne ?

On peut estimer que oui (ou non) selon que sa part est supérieure (ou pas) à la moitié de la pizza.

La superficie totale de la pizza est : l.L

La part de Mum’ est de superficie : Ö3.(L2+l2)– 3l.L

La question devient :

Quel est le signe de la quantité D = Ö3.(L2+l2)– 3l.L - (1/2)l.L = Ö3 (L2+l2– (7Ö3/6)l.L)

D = Ö3.L2 ((l/L)2– (7Ö3/6)l/L+1)

On pose x=l/L et on étudie le signe du trinôme T(x) = x2– (7Ö3/6)x+1

Type : ax2 + bx  +  c

Discriminant : b2-4ac  et s’il est positif, deux racines : (-b +/- Ö(b2-4ac))/2a

D’où ici, tous calculs faits, les deux racines : Ö3/2 et 2Ö3/3

On sait que le trinôme est du signe de « -a »entre les racines et du signe de « a »  à l’extérieur. Or, pour pouvoir réaliser le découpage, x = l/L doit être compris entre Ö3/2 et 1.

Or on a le classement : Ö3/2 < 1 < 2Ö3/3

x = l/L est donc toujours « entre les racines » et le trinôme est négatif.

Donc D < 0

Donc la part de Mum’ est inférieure à la moitié de la pizza. Mum’ n’est pas indigne : elle en mange moins qu’elle n’en laisse à ses enfants.

Mais Mum’ va-t-elle jusqu’à prendre la plus petite part, jusqu’au sacrifice ?

Cette fois, il faut comparer sa part au tiers de la pizza.

On introduit donc de façon analogue : D’ =. Ö3.(L2+l2)– 3l.L - (1/3)l.L

D’ = Ö3.L2 ((l/L)2– (10Ö3/9)l/L+1)

On pose encore x=l/L et on étudie le signe du trinôme T’(x) = x2– (10Ö3/9)x+1

Mais cette fois, le discriminant est négatif et on sait qu’alors, le trinôme, qui n’a pas de racine,  est toujours du signe de « a ». T’(x)>0 . D’où D’ > 0. La part de Mum’ est toujours supérieure au tiers de la pizza. C’est quand même elle qui se goinfre le plus.

Mum’ n’est donc pas une mère indigne… mais ce n’est pas non plus une mère sacrificielle. Elle se réserve la plus grosse part de la nourriture.

Y’a des limites à tout.

Sacré Bengt Hällakhonn!

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