Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AutreMonde
19 décembre 2009

As usual ...

UN GRAND EMPRUNT AUX PIEDS D’ARGILE…

La note ci-dessous n'était pas au départ destinée à ce blog et elle reprend des thèmes déjà plusieurs fois traités. Néanmoins, elle s'inscrit dans la cohérence de deux billets précédents eux mêmes détournés d'objectifs parallèles [ Un témoignage et la suite .... / La fausse querelle de l'Histoire ...] et ma foi l'ensemble, en attendant d'autres développements à suivre (!), peut constituer un document-rappel-recadrage (d'ailleurs sans doute avec quelques compléments) utile (.... reste à savoir à qui). 

Sur la Scolarité Obligatoire.

35 milliards. Soit.

11 milliards pour « L’enseignement Supérieur et la Formation ». La formation ? Laquelle ?

… dont 8 pour « faire émerger 5 à 10 campus d’excellence ayant les moyens, la taille critique et les liens avec les entreprises qui leur permettront de rivaliser avec les meilleures universités mondiales. »

500 millions à investir dans la rénovation des centres de formation, le développement de l’apprentissage et la création d’internats d’excellence.

Sans même attendre l’analyse des détails, ce peu d’informations suffit à souligner le porte-à-faux d’une réflexion qui veut agir pour l’avenir de la France et qui s’applique à mettre la charrue avant les bœufs.

Car l’investissement premier, l’effort sine qua non, l’objectif préalable à tout autre, il n’est pas défini ci-dessus, il ne concerne pas le Supérieur et la Recherche, ni d’ailleurs les internats d’excellence,  et c’est la formation de tout ce que le pays scolarise de jeunesse, de 6 ans à 16 ans, ce groupe des 6-16 ans qui porte, aujourd’hui, l’échec ou la réussite de la décennie 2020-2030. Réfléchir à autre chose, c’est bâtir sur du sable la société française de demain.

L’instituteur, le professeur des écoles, le maître unique de l’école élémentaire parvient - tant bien que mal et dans un effort quotidien qui mériterait qu’on le statufie -  à jeter les bases d’un petit niveau hétérogène mais absolument décisif de formation qui vient se perdre trop souvent sans recours dans les sables incertains, polymorphes et déstructurants d’un collège non pas unique, mais trop multiple, peuplé, dans tant de zones difficiles mais pas uniquement là, d’une armée atterrée de pédagogues à la bonne volonté débordée. Quelques individualités parmi eux, comme on dit en jargon d’entreprise, performent – toute règle a ses exceptions. Les autres essaient seulement de survivre au milieu des éboulements.

Pour l’Unesco (Mme Irina Bokova, directrice générale depuis le 21/09/2009), l’éducation est la priorité des priorités, l’éducation « pour tous ». Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici, et qui n’est pas hexagonalement assumé, qui n’est peut-être pas compris, hors quelques envolées de convention. C’est dans un pays où la formation de base aura conduit toute sa jeunesse, sans exceptions autres que pathologiques, à un niveau de réelle qualité dans la compréhension du Monde  et la maîtrise des outils qui l’assurent, c’est seulement dans un tel pays que se dégageront naturellement et ensuite des élites à même de le porter aux premiers rangs de cette excellence mondiale dont on se gargarise par avance en en ignorant les nécessaires prémisses. On voudrait des élites haut de gamme et des racailles ghettoïsées. Les ghettos exploseront et on aura des élites dévaluées.

Le Collège, unique ou pas, fonctionne encore sur un principe, inadapté depuis quarante ans, de « petit lycée ». Le basculement CM2-6ième se révèle, pour les gamins fragiles, un naufrage, parachutés qu’ils sont sur une terra qui ne reste pas longtemps, mais au mauvais sens du terme, incognita tant, dans la dispersion d’adultes sans objectifs clairs,  repliés sur leurs peurs  et leurs maxima de service pour les uns, leurs frayeurs administratives et leurs pusillanimités gestionnaires pour les autres, comme grâce aux conseils et à l’exemple des aînés dans la carrière, ils y apprennent vite l’insolence, le laxisme moral, l’intolérance, la violence et le mépris des valeurs embryonnaires que le primaire n’a pas eu le temps d’étayer.

La progression à l’amble des classes d’âge, sans possibilité de culture des talents dans leur diversité, est une aberration, qui fabrique de l’exclusion en se modulant selon les cas soit sur des redoublements en forme d’aveux d’échec du système, soit sur des parcours insensés, « boostés » sur le principe de l’emmerdement minimum (où hyperactif  - par exemple - est le noble étiquetage pour « fouteur de merde » : plus vite il traverse le Collège, moins longtemps il l’encombre ou le dévaste).

Pour se ressaisir des populations scolaires hétérogènes et hétéroclites dont on a le devoir absolu – et qui s’inscrit dans la logique de notre intérêt collectif – d’assurer  l’avenir par l’accès à une intelligence, à une culture, à un sens de l’intérêt général, à des comportements, favorables à une vie sociale équilibrée, il convient de dessiner, comme un seul bloc, la formation de base du cursus de la scolarité obligatoire.

Les mêmes principes éducatifs, à nuancer mais, résolument, sans solution de continuité au long de la progression, doivent régir une Ecole redéfinie par la fusion de l’Elémentaire et du Collège.

Une Ecole-de-la-Scolarité-Obligatoire  qui doit affirmer haut et fort qu’elle a sa finalité propre, qui n’est en rien de se constituer en antichambre du lycée, mais, puisque le parcours est obligatoire, qui est de donner à tous, c’est-à-dire à chacun, une colonne vertébrale qui en fasse, s’il décide de s’en tenir là pour un premier effort scolaire, un citoyen debout, informé, capable d’interactivité avec ses semblables dans un Monde où l’on observe, où l’on écoute, où l’on parle, où l’on lit, où l’on écrit et où l’on pense.

Le Bulletin Officiel (n°45 du 3/12/2009) de l’Education nationale vient de proposer / dessiner les contours d’une Maîtrise des connaissances et compétences du socle commun en fin de Collège. Ce document n’est pas inutile pour essayer de mieux réfléchir à cette idée d’Ecole de la Scolarité Obligatoire et à ses finalités. On y trouve un essai d’explicitation de compétences à maîtriser dans 7 grands domaines définis comme suit:

-         1.Langue française

-         2.Langue vivante étrangère

-         3.Mathématiques et Culture scientifique et  technologique

-         4.Techniques usuelles de l’information et de la communication

-         5.Culture humaniste

-         6.Compétences sociales et civiques

-         7.Autonomie et initiative.

Il y a du flou, de l’imprécis, du vague dans les libellés de détail de chacun des domaines, mais qui marquent justement bien la philosophie qui pourrait être sous-jacente : proposer un descriptif des capacités garantissant une qualité satisfaisante de réponse à toutes les situations de la vie courante. En même temps, ce flou, ce vague pourraient permettre l’exploitation de ce document  à tout moment du cursus obligatoire comme cadre de réflexion des équipes pédagogiques dans leur effort de formation civique / citoyenne.

Il est en effet indispensable de dissocier, dans les exigences de formation, deux aspects très différents :

-         d’une part, la nécessité de disposer de compétences, de connaissances, d’outils, de savoirs très précis, très ponctuels, très « atomiques » (les quatre opérations, la conjugaison des verbes, les pourcentages, le vocabulaire de l’anatomie, les noms et la localisation des régions françaises, les principales zones géographiques terrestres, le principe d’Archimède, le Système solaire, la Révolution Française, le Monde méditerranéen, le moteur à explosion, les phénomènes atmosphériques, … )

-         d’autre part, l’accès à la capacité de puiser dans ce fonds « atomique » pour organiser une réflexion et une argumentation au sein de la présentation d’une information à transmettre, de la discussion collective d’un problème ou de l’analyse collective d’une difficulté.

Et la scolarité obligatoire doit organiser ses objectifs autour de cette double exigence.

Ce que ne permet pas sa structure actuelle.

Ce qui exige de penser à deux niveaux la méthodologie éducative.

La constitution progressive efficace d’une compétence atomique exige de l’élève une attention, une concentration sans faille, et du formateur un guidage précis, constant et personnalisé. Ceci ne se conçoit que dans le cadre de petits groupes dont le niveau est homogène, dont les acquis antérieurs dans le champ disciplinaire de l’atome enseigné sont identiques.

L’accès progressif à la capacité de fondre ses acquis au sein d’un ensemble ouvert de compétences autres, en y puisant un enrichissement sans renoncer à l’apport de sa modeste contribution active, exige que l’élève soit mis en confiance dans le sentiment que c’est une bienveillance attentive et complice qui attend ses interventions. Et pour construire une attitude sociale positive, il doit être immergé au sein d’un groupe d’individualités de son âge (écarter l’autorité subliminale du droit d’aînesse), un groupe diversifié dans ses talents et ses acquis. Il y a, là, nécessité de formateurs polyvalents, capables de guider, dans l’équilibre des curiosités, des échanges multipolaires.

Et le document du B.O. n°45 ci-dessus évoqué, c’est dans la perspective de cet  «accès progressif à la capacité de fondre ses acquis au sein d’un ensemble ouvert de compétences autres » qu’on peut l’interpréter et qu’il peut, tout au long du cursus obligatoire, servir de cadre à la mise en place d’activités collectives en groupes hétérogènes de même âge, appellation compliquée pour désigner les classes telles que les souhaitaient en fait les promoteurs du Collège unique en 1975.

Mais du coup, deux lignes de force se dégagent qui organisent  (devront organiser) le parcours 6-16 ans. Gardons la notion de cycle du primaire. Actuellement, l’école maternelle est dite cycle 1. Avec chevauchement, sa Grande Section, puis le CP et le CE1 constituent le cycle 2, avant le cycle 3 constitué du CE2, du CM1 et du CM2. On pourrait proposer un réajustement 6-16 ans par cycles réduits à deux ans avec, par référence aux classes actuelles :

-         Cycle 1: CP-CE1

-         Cycle 2 : CE2-CM1

-         Cycle 3 : CM2-6ième

-         Cycle 4 : 5ième-4ième

-         Cycle 5 (Deux années de « Fin d’études ») : niveau « 3ième/3ième+ »

Sur la durée de chaque cycle, en termes de formation à l’insertion et à la responsabilité sociale/citoyenne, le groupe-classe (homogène en âge) est pris en charge sur la moitié du temps scolaire (pour simplifier : tous les matins) par un binôme de professeurs polyvalents, qui sont ses professeurs référents. Ces deux enseignants encadrent ensemble le groupe au long de ses activités de la matinée, en duo pédagogique  (schématiquement, deux enseignants encadrant 24 élèves).  La formation de ces maîtres reste à inventer (cela ne demandera pas une imagination excessive !), mais aussi le canevas indicatif – à enrichir/moduler à leur initiative  -  des activités qu’ils devront développer. L’émergence d’un tel canevas nécessitera d’évidence de la part des concepteurs de contenus et de modalités auxquels on le confiera en amont un réel et difficile effort de réflexion.

Mais sa finalité sera claire. Obtenir par synergie et sur le fonds des acquis atomiques hétérogènes glanés par chaque élève dans le cours de son enseignement individualisé de second mi-temps, un travail de groupe guidé valorisant toutes les participations, et motivant chacun dans une recherche commune de compréhension-maîtrise  du monde tel qu’il est et tel qu’il contribuera lui-même à le faire vivre et progresser, pour ne pas dire, tel qu’il contribuera à le changer. 

Les deux enseignants référents devront par ailleurs guider, suivre et soutenir chacun des élèves de leur groupe-classe à travers son parcours personnel d’excellence, c’est-à-dire son effort individualisé d’acquisition de savoirs atomiques .

On arrive au second mi-temps d’enseignement-formation précédemment évoqué sans plus ample description.

Le champ des connaissances et des compétences est vaste. Il faut savoir l’aborder humblement, mais aussi, dans une persévérance obstinée. Et il faut définir un maillage atomique, un patchwork modulaire de micro-acquisitions  qui, cumulées et d’exigences progressivement croissantes, construisent d’abord , sous le nom incertain dans ses contours et néanmoins fort beau de Culture générale (ici, de base),  le sous-ensemble des conditions d’une compréhension-maîtrise du monde permettant une insertion équilibrée dans le champ social, un sous-ensemble qu’on essaie aussi de désigner comme socle commun, puis au-delà, permettant à chacun de déployer, dans les directions les plus adaptées à la fois à ses goûts et à ses talents, les efforts qui le conduiront à l’optimum de ses possibilités. Autrement dit et pour le redire, il faut, socle commun acquis, assurer l’ouverture sur l’excellence individuelle.

La modularisation du champ des connaissances et des compétences, l’organisation structurée des enchaînements modulaires possibles, où tout module suppose l’acquisition de modules en amont (et en termes de pré-requis) est affaire de spécialistes. On n’en manque pas. La définition des modules constituant le sous-ensemble de socle commun est affaire de bons sens. Il faut espérer qu’on n’en manquera pas non plus.

Mais les principes sont d’évidence :

Des enseignants, bons connaisseurs de leur discipline, enseignent à des groupes d’effectif raisonnable (fourchette proposée : 18-22) composés d’élèves de même niveau dans la discipline abordée mais pas nécessairement de même âge (chacun progresse à son rythme de module en module – un module, acquis, définit une unité de valeur – tout module peut être redoublé).

Un module correspond à un enseignement d’une durée de vingt à trente heures. L’unité de valeur correspondante est délivrée sur épreuve terminale de bilan. On peut raisonnablement penser que, face à des groupes motivés (modules choisis au-delà du niveau-socle commun (élémentaire), niveau des élèves homogène) la pédagogie des modules n’aura pas à se lancer dans de faramineuses innovations. Ce sera sans doute une pédagogie classique de transmission des connaissances et des méthodes, une ouverture des intelligences et des pratiques où le maître sait et guide l’élève qui écoute et apprend. Simple remarque qui ne prive pas le professeur de sa totale liberté, dans le cadre ici standard : un enseignant / un groupe de niveau. Tous les chemins mènent à Rome.

Dans cette affaire, le groupe-classe pris en charge, sur le premier mi-temps d’enseignement, par les deux professeurs référents qui en ont sur le cycle en cours la responsabilité, éclate en fonction des enseignements modulaires que chacun suit sur le second mi-temps. Lequel « chacun » rejoint alors des élèves de même niveau que lui dans le champ disciplinaire (une à une) des unités de valeur qu’il poursuit, élèves issus d’autres groupes-classes.

Les difficultés d’organisation et  de fonctionnement d’un tel système sont évidentes. Ce qui ne signifie pas insurmontables. Mais il est certain qu’elles exigent une autre gestion du temps scolaire, temps-élèves comme temps-professeurs et que le déploiement de ce temps sur une amplitude quotidienne active de type 8h-18h est non seulement « facilitant » mais selon toute probabilité, nécessaire.

J’ai déjà souligné que les propositions qui trouvent ici un début d’explicitation n’auraient de sens que dans le cadre d’une rénovation préalable des locaux scolaires leur permettant de se mettre en place. Ici, le problème du temps de présence renforcé renvoie d’évidence à la question alors signalée des bureaux pour les enseignants, des salles de réunion pour les équipes pédagogiques, des salles de classe et de travail pour les élèves, etc.

On devine assez l’effort budgétaire important que suppose le dernier point soulevé (rénovation / mise à niveau des locaux).

Sans entrer dans le détail de leur formation, on voit bien  le recrutement de personnel qualifié sur la polyvalence qu’implique la mise en place de binômes de professeurs  référents.

Il est assez clair qu’on ne peut pas obtenir des enseignants une extension dans la responsabilité mais aussi dans le temps de service – toujours sans entrer ici dans les détails -  telle que suggérée à travers l’allusion implicite  à des équipes fonctionnant sur  l’amplitude d’un temps scolaire accru et gérant les difficultés d’emploi du temps sous-jacentes dans les nécessaires souplesses d’une incontournable autonomie, on ne peut pas disais-je obtenir un tel bouleversement des pratiques sans une hausse proportionnelle des traitements.

Tous ces points sont à reprendre, analyser, développer, exhaustivement, pour déboucher sur des réponses  acceptables. Sont à reprendre et le seront.

Mais dans le cadre de la présente note, les évoquer suffit assez à souligner, en revenant à son titre et en s’inscrivant dans la certitude que seule, la refonte de la scolarité obligatoire est  le terreau des progrès économiques et sociaux de demain, combien le bonhomme érigé, le bonhomme Grand Emprunt, en ses effets, risque fort de ne pas aller  bien loin,  titubant sur des pieds d’argile.

Publicité
Publicité
Commentaires
AutreMonde
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité