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AutreMonde
22 juin 2009

Bac (Général) de philo 2009 …..

Marronnier usuel, voici donc revenu le temps de l’épreuve de Philosophie du (des !) Baccalauréat(s). Chaque année prévenu par les bruissements médiatiques, il ne reste qu’a réveiller un petit reste personnel de curiosité scolaire et à aller voir.

J’ai « repiqué » les sujets sur le site de Philosophie Magazine qui présente l’avantage sur d’autres de fournir, aussi, les textes qui ont été proposés au commentaire.

Ce qui donne (complété chaque fois d’un embryon d’esquisse personnelle…) :

< Section Littéraire >

Sujet de dissertation numéro 1 :

L'objectivité de l'histoire suppose-t-elle l'impartialité de l'historien ?

On  avait déjà, à 13h30, la réponse lapidaire de Patrice Gélinet sur France-Inter, en ouverture de son émission ‘2000 ans d’Histoire’ : OUI !

Ferme, mais bref !

Sinon ?

Je suis étonné que cette ‘histoire’ soit sans ‘H’. Car on y parle d’historien, et non pas de conteur. Admettons.

Mais justement, ce dernier, avec article défini (l’historien) est-il vraiment unique ou, générique, cache-t-il une multiplicité ? Car s’il est vrai qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, il ne saurait être moins vrai qu’un historien ne fait pas l’Histoire.

Le latin disait : ‘Testis unus, testis nullus’ (Un seul témoin, pas de témoin)

Tout, plus ou moins, est là.

L’impartialité étant un horizon individuellement inatteignable, l’objectivité de l’Histoire ne se peut construire qu’à partir des recoupements à effectuer entre les thèses et les présentations de ses historiens nécessairement partiaux. Etc.

Cela pourrait faire un point de départ ….

Sujet de dissertation numéro 2 :

Le langage trahit-il la pensée ?

On peut se demander qui pourrait se passer de qui. Peut-on installer un langage sans pensée ? La réponse semble d’évidence ‘non’. Peut-on assurer une pensée sans langage ? Probablement encore ‘non’ en termes de pensée argumentative, structurée. Car en termes d’usage courant, on peut ‘penser à quelqu’un ou à quelque chose’ en dehors de toute formulation langagière.

Pour le thème posé, l’énoncé d’ailleurs présuppose une pensée antérieure au langage puisque si celui-ci court le risque de la trahir, c’est qu’il s’efforçait d’abord de la traduire.

Mais on peut aussi le comprendre, cet énoncé, en un autre sens et le langage alors ‘trahirait’ la pensée parce qu’il la ‘dévoilerait’ au contraire, là où elle souhaitait rester secrète.

De ces axes de travail, c’est assurément celui d’un langage ‘appauvrissant’ confronté à l’exigence de porter une pensée ‘complexe’ dont on attend le plus grand développement, avec ce paradoxe constant qu’il la construit pourtant, ce langage,  en l’énonçant et qu’elle n’a le choix, cette pensée, qu’entre ne pas être, parce que non énoncée, et être autre, dès lors qu’énoncée, transformée par son accouchement. Etc.

Oui, quelque chose comme ça …

Commentaire de texte :

Texte de Schopenhauer (Arthur ;  1788-1860) sur le bonheur et le désir (extrait du Monde comme volonté et représentation).

« La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes, n'est au propre et dans son essence rien que de négatif , en elle, rien de positif. Il n'y a pas de satisfaction qui, d'elle-même et comme de son propre mouvement, vienne à nous , il faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir. Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or, avec la satisfaction cesse le désir, et par conséquent la jouissance aussi. Donc la satisfaction, le contentement, ne sauraient être qu'une délivrance à l'égard d'une douleur, d'un besoin , sous ce nom, il ne faut pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue, qui nous fait de l'existence un fardeau. Maintenant, c'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque , pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin , Sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l'objet atteint, qu'a-t-on gagné ? Rien assurément, que de s'être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d'être revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir. Le fait immédiat pour nous, c'est le besoin tout seul, c'est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu'indirectement : il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passées, qu'elles ont chassées tout d'abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas , il nous semble qu'il n'en pouvait être autrement , et en effet, tout le bonheur qu'ils nous donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre, pour en sentir le prix , le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous. »

C’est un texte assez banal. Il y a justement dans le numéro du Point de la semaine huit pages sur ‘Les secrets du bonheur’ où le candidat aurait pu puiser, avec en particulier deux colonnes de Michel Onfray (qui le plus souvent – mais c’est un ‘a priori’ - m’agace) qui recoupent tout à fait dans leurs définitions le point de vue de Schopenhauer, ce qui n’a rien d’étonnant.

Pour le reste …

Le texte proposé est malgré tout assez restrictif et recoupe un ‘le bonheur comme absence d’emmerdements’ qui – bien qu’axe essentiel d’une satisfaction de type végétatif - néglige sans doute trop le sentiment de plénitude que donne la simple prise de conscience du fait qu’on est vivant et  les jubilations qu’on tire de l’exercice de la pensée.

La phrase d’introduction : ‘La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes, n'est au propre et dans son essence rien que de négatif , en elle, rien de positif’ montre en elle-même les limites de l’attaque, le bonheur n’étant qu’une satisfaction dont il est  immédiatement posé qu’il faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir. Ce bonheur archétypiquement post-prandial ou post-coïtal est quand même assez loin d’épuiser la notion.

Etc

< Section Scientifique>

Sujet de dissertation numéro 1 :

Est-il absurde de désirer l'impossible ?

On n’échappe pas dans un sujet ainsi posé à la nécessité de redéfinir ‘absurde’ et ‘impossible’… et d’en tirer les conséquences. L’absurde, qui ne va pas jusqu’au dénué de sens (le texte n’a pas dit insensé) est étymologiquement du côté du discordant, du saugrenu (c’est l’absurdus latin). Associé au désir , qui recouvre tous les excès et renvoie à toutes les passions, l’absurde n’est guère un obstacle au souhait de l’impossible qui d’ailleurs, comme chacun sait, n’est pas français !

Que serait le désir, s’il s’en tenait au seul champ du réalisable ? L’inaccessibilité n’est pas un obstacle à l’attente, Tantale en savait quelque chose, qui ne cessa de désirer cette eau qui le fuyait toujours, ces fruits qui ne cessaient de lui échapper … On sait assez, sur ce thème de la fuite, le comique involontaire et scabreux de Corneille: Et le désir s’accroît quand l’effet se recule… Evidemment, cela passe mieux à l’oral.

Et pour cela même (la nécessité d’en passer par l’énonciation), me revient une histoire plaisante que rapportait l’autre jour Francis Marmande dans sa chronique du Monde, d’une dame arrivant fort énervée chez son notaire : ‘Monsieur, je viens ici tirer les choses au clair’, et qui s’entend répondre : ‘Ah ? Désolé, Madame, il n’est pas là,  je viens de l’envoyer en  courses’.. Mais je crois que je sors du sujet …

Pour y revenir, et parce que désirer construit, désirer l’impossible n’est pas absurde quand cela  ouvre la porte au rêve, à l’imagination, mais peut se retrouver fou quand c’est le rêve d’Icare, ou celui de Frankenstein.

Les infos de France-Inter ce matin évoquaient une esquisse de commentaire de Jack Lang publiée dans la presse , à propos de ce ‘magnifique’ sujet (avec Jack Lang presque tout est ‘magnifique’). Le grand homme aurait déclaré en substance: ‘‘Oui, il faut désirer l’impossible, voyez le rêve de l’Amérique et l’impossible élection d’un noir réalisée, etc.’’

Il est là assez dans la ligne de mon dernier paragraphe, à ceci près qu’on se retrouve avec les problèmes de définition d’un impossible qui devient, chez Lang, relatif, un impossible qui est un  ‘‘que l’on pense (ou pensait) impossible’’, et non un impossible absolu. C’est un impossible de sportif, un désir d’exploit impossible, et qui n’envisage de fait qu’un impossible accessible : autrefois, sauter plus de 8 mètres en longueur, et aujourd’hui cette barre amplement franchie, plus de 9. Mais le désir de sauter un jour plus de 50m en longueur, qui est un impossible absolu, n’est le désir de personne, parce qu’il s’agirait d’une absurdité cette fois totale.

Etc.

On peut s’amuser à broder … et je n’ai pas été très sérieux tout du long !


Sujet de dissertation numéro 2 :

Y a-t-il des questions auxquelles aucune science ne répond ?

Curieux de dire : aucune science. Pourquoi ce choix et non : … auxquels la  science (la Science ?) ne répond pas ?

Certes, il en est des dures, il en est des molles, et  les auteurs du sujet ont bien sûr renvoyé là implicitement à  tous les aspects et surtout outils des sciences actuelles en leurs multiples spécialisations.

Le sujet est un peu curieux malgré tout tant il est dans le domaine de la psychologie, et/ou des sentiments, sans aller même à la métaphysique, de questions sans réponse. Certes – France-Inter, encore – une émission comme celle de Noëlle Breham du dimanche soir (19h30) : Maman les petits bateaux, qui convoque des scientifiques de haute volée pour répondre à des interrogations enfantines sur la couleur du ciel, les pluies de grenouilles, les phénomènes de tourbillon quand le lavabo se vide et autres questionnements du même tonneau tournent sympathiquement autour du problème, mais enfin, quelle science prendra en charge « Pourquoi maman ne m’aime-t-elle pas ? » . La psychanalyse ? La psychanalyse, si tant est qu’on démontre qu’elle n’est pas une foutaise, n’est pas une science.

Oui, bien sûr, le monde est plein de questions auxquelles aucune science ne répond.

Peut-être s’agissait-il ici d’attendre une réflexion de bon sens sur  le fait que les non-réponses ne sont pas dans nombre de domaines définitives et que la science évoluant, le champ des réponses s’élargit.

Mouais.  Comme disait Jacques Chancel aux beaux jours de Radioscopie : ‘‘Et Dieu dans tout ça ?’’ . De toute façon, quand on prend ce détour, le scientifique finit par baisser les bras, et il n’a plus guère le choix qu’entre le Credo quia absurdum (Je crois parce que c’est absurde) de Saint Augustin et les aimables jongleries du pari de Pascal (qui n’ont sauf erreur jamais converti personne).

Au bout du compte un sujet, me semblerait-il, médiocrement intéressant. Façon peut-être de vérifier que le candidat sait enfiler les banalités et les brèves de comptoir …

Commentaire de texte :

Un  ‘‘Tocqueville’’ (Alexis de ; 1805-1859) sur l'articulation entre intérêt particulier et général (tiré de De la démocratie en Amérique).

« Les affaires générales d'un pays n'occupent que les principaux citoyens. Ceux-là ne se rassemblent que de loin en loin dans les mêmes lieux; et, comme il arrive souvent qu'ensuite ils se perdent de vue, il ne s'établit pas entre eux de liens durables. Mais, quand il s'agit de faire régler les affaires particulières d'un canton par les hommes qui l'habitent, les mêmes individus sont toujours en contact, et ils sont en quelque sorte forcés de se connaître et de se complaire.

On tire difficilement un homme de lui-même pour l'intéresser à la destinée de tout l'État, parce qu'il comprend mal l'influence que la destinée de l'État peut exercer sur son sort. Mais faut-il faire passer un chemin au bout de son domaine, il verra d'un premier coup d'oeil qu'il se rencontre un rapport entre cette petite affaire publique et ses plus grandes affaires privées, et il découvrira, sans qu'on le lui montre, le lien étroit qui unit ici l'intérêt particulier à l'intérêt général.

C'est donc en chargeant les citoyens de l'administration des petites affaires, bien plus qu'en leur livrant le gouvernement des grandes, qu'on les intéresse au bien public et qu'on leur fait voir le besoin qu'ils ont sans cesse les uns des autres pour le produire.

On peut, par une action d'éclat, captiver tout à coup la faveur d'un peuple; mais, pour gagner l'amour et le respect de la population qui vous entoure, il faut une longue succession de petits services rendus, de bons offices obscurs, une habitude constante de bienveillance et une représentation bien établie de désintéressement.

Les libertés locales, qui font qu'un grand nombre de citoyens mettent du prix à l'affection de leurs voisins et de leurs proches, ramènent donc sans cesse les hommes les uns vers les autres, en dépit des instincts qui les séparent, et les forcent à s'entraider. »

Un petit texte qui relève du constat et n’est pas dépourvu de bon sens, tout en s’inscrivant sans le dire en critique du ‘suffrage universel’ et en éloge du ‘principe de subsidiarité’. Débattre de ces deux notions à partir de cet extrait de Tocqueville pouvait être une bonne piste.

Il n’y a rien, quoi qu’il en soit, dans ce petit discours, que de banal, dans une forme suffisamment explicite pour qu’on ne sente guère la nécessité d’outre mesure disséquer. Mais les thèmes du débat moderne sont en place. Tout en lisant peut-être que la démocratie qui y est défendue est assez athénienne, c’est celle du local, de la cité limitée à ses murs.

La description liminaire et succincte faite de la gestion des ‘affaires générales’ par ‘les principaux citoyens’ inscrit celle-ci dans une distance peu propice à l’implication et qui peut être utilisée pour souligner que dès lors, c’est moins le souci des questions traitées que les satisfactions que procurent les responsabilités exercées qui sont aux sources des comportements. Une porte entr’ouverte sur la recherche du pouvoir pour le pouvoir ?

La vision de Tocqueville sur ‘‘l’administration des petites affaires’’ est par ailleurs un peu saupoudrée d’optimisme (Pourquoi pas relire Gabriel Chevallier et son Clochemerle ?) et le souci de l’autre déduit de la nécessité de s’entraider, assurément d’autant plus sensible que le danger menace, n’est malgré tout pas une constante des querelles de voisinage !

Commenter ce morceau tocquevillien, ce sera peut-être accumuler les anecdotes puisées tantôt dans l’Histoire (la Grande, où l’on trouve malgré tout quelques Cincinnatus), tantôt dans l’autre, la petite, celle de la rubrique des faits divers.

La leçon globale reste assez claire et pour reprendre ce par quoi j’ai commencé, elle souligne les vertus du principe de subsidiarité, c’est à dire de la délégation de pouvoir au niveau exact où il est le plus à même d’être exercé efficacement, sans peut-être assez explicitement souligner que l’atomisation des problèmes et, du coup, l’investissement du citoyen en termes de proximité, n’a de sens que si d’autres instances plus larges sont en mesure d’assurer coordination et cohérence de l’ensemble. À toute étape et par emboîtement, la décision locale doit se préoccuper des décisions locales de même niveau dont la juxtaposition trop anarchique pourrait devenir contraire à l’intérêt du niveau supérieur. Les bonnes décisions de quartier font-elles une démarche de canton ? Les bonnes démarches de canton font-elles une démarche d’arrondissement ? Les bonnes démarches d’arrondissement font-elles une démarche de département ? Etc.

Il y avait matière à discuter.

Jusques à lire aussi, entre les lignes : ‘‘Aide-toi, le ciel t’aidera’’

Pourquoi pas ?

< Section Économique et Sociale>

Sujet de dissertation numéro 1 :

Que gagne-t-on à échanger ?

Diable ! Mais à  échanger…  quoi ? On peut échanger des biens, des insultes, des coups, des caresses, des mails, des idées, des billets doux, des regards, des signes, des poignées de main, de bonnes adresses, des numéros de téléphone et même des partenaires sexuels, etc.

Il est assez clair que l’objet de l’échange joue un rôle non négligeable dans l’intérêt de celui-ci ! Bien entendu, ‘‘Section Économique et Sociale’’ oblige, le sujet est sans doute pensé en référence  à un échange qui serait ‘‘libre’’, et nous voilà au ‘‘Libre échange’’.

Les candidats dérouleront, s’ils savent leurs leçons, leur cours.

Et ce sera assez ennuyeux.

Retenir comme cadre de discussion ‘‘l’échange d’idées’’ serait sans doute plus intéressant,  avec même un renvoi possible au sujet n°2 des littéraires sur le langage traître à la pensée, et donc les dangers  de la communication liés aux malentendus qu’elle peut engendrer, en allant – l’exemple j’en conviens est biaisé – chercher  dans son cours d’histoire (d’Histoire !) Bismarck, la dépêche d’Ems et le déclenchement de la guerre de 1870.

De fait, le sujet est parfaitement immense derrière l’immensité de ce qu’on peut échanger. Chacun selon son humeur pourra s’y amuser. La copie attendue risque, je le crains, de n’avoir droit qu’au triste créneau des économistes et à des discussions autour d’Adam Smith  (1723-1790) et alii….

À moins qu’on ne compte sur des correcteurs de philosophie enjoués, ouverts et facétieux à qui soumettre des pirouettes. Pourquoi pas ?

Sujet de dissertation numéro 2 :

Le développement technique transforme-t-il les hommes ?

On voit difficilement comment répondre ‘‘non’’, tant on aura d’exemples disponibles montrant l’évolution des mœurs et des coutumes  liée aux progrès technologiques en finissant – on s’y engouffrera – par l’Internet et le téléphone cellulaire (mobile). Toutefois, il y a là une dimension humaine qui n’est pas tout l’homme et il demeurera l’axe de réflexion possible des sentiments et des pulsions dont il n’est guère évident que la technique les ait tant que cela modifiés, hors leurs éventuelles modalités d’accomplissement. On tue différemment par amour selon les époques, mais on tue toujours par amour. Etc.

Là aussi, la rubrique des faits divers peut être largement exploitée.

La dissertation du candidat pourrait ne guère avoir à  jongler qu’autour du sens et de l’objet de cette idée de transformation (de forme, de comportement, ou de fond ?) dans l’alternance rituelle ‘‘d’un côté oui, mais d’un côté non’’.

En fait et le distinguo posé, le sujet ne me semble pas haletant. On peut jouer avec des exemples (et des contre-exemples).

Commentaire de texte :

Un extrait de l'Essai sur l'entendement humain de Locke (John ; 1632-1704) portant sur l'existence des principes moraux universels (la Justice et le respect des lois).

« Quant à savoir s'il existe le moindre principe moral qui fasse l'accord de tous, j'en appelle à toute personne un tant soit peu versée dans l'histoire de l'humanité, qui ait jeté un regard plus loin que le bout de son nez. Où trouve-t-on cette vérité pratique universellement acceptée sans doute ni problème aucuns, comme devrait l'être une vérité innée ?

La justice et le respect des contrats semblent faire l'accord du plus grand nombre ; c'est un principe qui, pense-t-on, pénètre jusque dans les repaires de brigands, et dans les bandes des plus grands malfaiteurs ; et ceux qui sont allés le plus loin dans l'abandon de leur humanité respectent la fidélité et la justice entre eux.

Je reconnais que les hors-la-loi eux-mêmes les respectent entre eux ; mais ces règles ne sont pas respectées comme des Lois de Nature innées : elles sont appliquées comme des règles utiles dans leur communauté ; et on ne peut concevoir que celui qui agit correctement avec ses complices mais pille et assassine en même temps le premier honnête homme venu, embrasse la justice comme un principe pratique.

La Justice et la Vérité sont les liens élémentaires de toute société : même les hors-la-loi et les voleurs, qui ont par ailleurs rompu avec le monde, doivent donc garder entre eux la fidélité et les règles de l'équité, sans quoi ils ne pourraient rester ensemble.

Mais qui soutiendrait que ceux qui vivent de fraude et de rapine ont des principes innés de vérité et de justice, qu'ils acceptent et reconnaissent?»

Les élèves auront appris (ou pas) que dans l’Essai dont on leur fournit un extrait, l’empiriste Locke a essentiellement critiqué l’innéisme de Descartes.  Ceci leur permettait (ou pas) de bondir sur la référence qu’il contient à des Lois de Nature innées pour caser  (ou pas) un petit morceau d’acquis en guise de cadre de commentaire.

Sinon, le texte est assez plan-plan : on regarde l’Histoire et autour de soi, et on constate que ce n’est pas en tant que principes moraux universels que s’installent des concepts comme la Justice et la Vérité, mais parce que le bon fonctionnement des micro-sociétés dans lesquelles on inscrit son parcours personnels en manifeste la nécessité.

On respecte donc ces principes « localement », dans le contexte de son intérêt immédiat, mais on n’en tient aucun compte (exemple du brigandage) lorsque les bafouer en compagnie de ses pairs  s’inscrit dans des modes de comportement qui concourent à l’intérêt du groupe qu’on forme avec eux.

Il y a là une lecture désabusée des attitudes morales qui n’est pas sans convergences avec le texte de Schopenhauer proposé en section Littéraire.

On attendra, je présume, que le candidat commente un peu les limites de cette présentation d’une morale d’entraînement très réductrice, avec  des ouvertures sur l’existence de comportements de rupture (on sort de la morale du groupe au nom de principes qui lui sont supérieurs)  ou de prises de conscience au moins de la transgression d’un absolu dans le comportement tribal ou clanique  (Camus : Entre la Justice et sa mère, choisir sa mère …).

Sur l’argumentation de Locke, le respect au sein du groupe de principes violés dans des conflits inter-groupes ne prouve pas que ces principes soient ignorés comme universels. C’est leur respect qui est fortement « localisé ». Je peux très bien trouver mon comportement parfaitement inique et l’assumer parce que j’y trouve mon intérêt. Ce n’est que le travers de ces conseils dont on n’est pas avare mais qu’on se garde de suivre. La difficulté de leur application, qui nous décourage, n’enlève rien à leurs vertus dont on reste conscient. Etc.

Allons, je m’en tiens là. Ce n’est qu’un survol dilettante et l’occasion annuelle de s’interroger sur l’opportunité d’une épreuve (la dissertation ou le commentaire philosophique) qui semble bien en porte-à-faux quand on pense qu’on impose quatre heures de sueur et d’angoisse à des gamins qui ne savent en gros rien, sinon les broutilles glanées en cours et ce sur des thèmes de réflexion qui au choix  se déblaient en un quart d’heure ou peuvent donner lieu, sans en être significativement approfondis, à une thèse d’État à base de compilation obstinée.

Mais je caricature peut-être et peut-être, quoi qu’il en soit de mes impressions (sinon expériences) désolées, ouvre-t-on là, dans le recueillement des salles d’examen, un espace réel de questionnement personnel approfondi et autonome… C’est probablement l’attente toujours renouvelée des professeurs de philosophie. Parviennent-ils à y tendre dans un dialogue de classe  dont je perds peu à peu le souvenir mais dont ceux qui me demeurent m’accablent encore ? Et qu’en reste-t-il, copies en main ?

Philo-du-Bac …. À l’année prochaine, ou pour parler comme les élèves, ‘‘à la chainepro’’

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