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AutreMonde
1 juin 2008

Les Bienveillantes / Jonathan Littell ...

Je pense que le début de semaine télévisuelle de Jonathan Littell est tout tracé. Il va se passionner pour le triptyque diffusé sur Arte lundi, mardi et mercredi soirs 2-3 et 4/6/2008: La fabuleuse histoire des excréments [Le Monde TV&Radio - Lu.2/6 - Di.8/6]. Les nombreuses observations et notes qu’il a dû accumuler pour composer ses Bienveillantes, outre qu’elles soulignent assez ses goûts très prononcés en la matière (si j’ose dire) trouveront là des compléments scientifiques indispensables à sa pleine compréhension du sujet. Il faut savoir rationaliser ses passions.

Celles de Jonathan Littell sont par ailleurs multiples. Il dévorera aussi probablement le dernier phénomène littéraire (?) qu’est en Allemagne [620 000 exemplaires vendus à ce jour depuis sa parution le 25 février dernier] le livre de Charlotte Roche (“l’enfant terrible de la télévision allemande” nous dit-on ...): Feuchtgebiete (Traduction: Zones Humides). Le Monde des livres de ce vendredi 30 mai 2008 en rend (complaisamment) compte (page 10 / lettre de Berlin). Le texte va passionner Littell. Je cite: “C’est l’histoire d’une adolescente hospitalisée pour se faire opérer des hémorroïdes après une expérience malheureuse de rasage de l’anus”. On sent immédiatement la solidité, l’universalité du thème.
L’anus étant une des préoccupations aussi dominantes que récurrentes du héros de Jonathan Littell, il devrait être dès l’abord accroché. D’autant que le roman de Charlotte Roche, si j’en crois les extraits du Monde, sait élargir le sujet en partant dans des directions qui au sexe près (chez lui, c’est plutôt le masculin) lui sont chères. Ainsi: “J’utilise mes glaires vaginales comme d’autres un parfum. Je plonge rapidement mon doigt dans ma chatte, puis parsème et étale un peu de glaires derrière les oreilles”.
On notera surtout dans ce passage, si on le commente en classe (son intérêt pédagogique semble dès l’abord évident) l’utilisation intéressante de l’adverbe “rapidement”. Mais revenons à Jonathan, son cher anus et ses chères glaires. Les obsessions scatologiques et sexuelles qui parcourent de bout en bout son roman, qui irriguent ses Bienveillantes, sont si fortes que sans excessivement caricaturer, on pourrait présenter l’ouvrage comme l’examen continu des amoralités de tous ordres qu’engendrent, chez un individu immergé dans les effondrements du nazisme, les prolongements de la pratique précoce d’une activité sodomite au bénéfice (car elle se mit en place à l’initiative de celle-ci) de sa sœur jumelle. Vaste programme. Et vaste livre: 1390 pages dans l’édition Folio, chez Gallimard. Prix Goncourt et Grand prix de l’Académie française 2006. Diable!

Pourquoi “Les Bienveillantes” ? Dernières lignes du roman: “Je ressentais d’un coup tout le poids du passé, de la douleur de la vie et de la mémoire inaltérable, je restais seul (...) avec le temps, et la tristesse et la peine du souvenir, la cruauté de mon existence et de ma mort encore à venir. Les Bienveillantes avaient retrouvé ma trace”. Auparavant: rien.

Les Bienveillantes, ce sont bien sûr les Euménides, la tragédie d’Eschyle, la troisième partie de sa trilogie l’Orestie (milieu du V°siècle avant J.C.). Notice du Robert: Après le meurtre d’Egisthe et de Clytemnestre, Oreste a trouvé refuge à Delphes, dans le sanctuaire d’Apollon où les Erinyes* l’ont poursuivi. Lavé de sa souillure, il reparaît à Athènes et se jette au pied de la statue d’Athéna. Chargée par le sort de départager Apollon qui s’institue le défenseur d’Oreste et les Erinyes, toujours assoiffées de vengeance, la déesse confie au tribunal humain de l’Aréopage le soin de prononcer son arrêt. Partagées par moitié, les voix de l’Aréopage font bénéficier Oreste du doute. Alors intervient l’arbitrage de l’Etat, qui acquitte l’accusé. Les Erinyes le comprennent et, faisant taire leur ressentiment, elles deviennent les Euménides (à la lettre: les Bienveillantes) à qui désormais un culte sera rendu à Athènes. Ainsi s’achève dans le pardon et l’apaisement voulus par les dieux la sanglante histoire des Atrides.

* Si nous allons lire la notice consacrée aux Erinyes ...: Divinités infernales grecques, assimilées aux Furies des romains. Filles de Gaia fécondée par le sang d’Ouranos que Cronos venait de mutiler [en fait: d’émasculer], elles sont trois: Alecto, Tisiphone et Mégère et châtient les crimes, plus particulièrement la démesure, l’homicide et les crimes contre la famille ou contre l’ordre social. Avec leur corps ailé, leur chevelure de serpents, munies de torches et de fouets, elles tourmentent leurs victimes et les frappent de folie. Dans la tradition tardive, elles jouent le même rôle aux enfers où elles torturent les âmes des injustes.

Dans son Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Pierre Grimal ne limite pas à la version d’Eschyle le surnom de Bienveillantes (Euménides) des Erinyes mais le présente comme essentiellement “destiné à les flatter et par conséquent à éviter d’attirer sur soi-même, en les nommant d’un nom odieux, leur redoutable colère”.

On peut sans doute essayer de plaquer tout ou partie d’Eschyle sur Littell. Son héros Max Aue (Aue sonne même un peu comme Oreste) ne pardonne pas à sa mère le départ (qui s’avérera être entre autres à la guerre) de son père et son remplacement, comme Clytemnestre a substitué Egisthe à Agamemnon, roi des rois envolé pour la guerre de Troie, par un incertain Moreau. Il les massacrera, Moreau d’abord, elle ensuite, dans l’ordre de la tragédie et sous le coup d’une folie meurtrière dont il niera longtemps l’évidence. Mais chez Littell, c’est la séparation d’avec Una, sa sœur jumelle, son double et son Electre, c’est son arrachement à une relation fusionnelle que la sodomie ne cesse de consacrer qui semble être le traumatisme fondateur de tous ses dérèglements, ce qui le met en franche rupture avec les tragiques.
Il y a c’est vrai dans le roman, indiscutables, deux Erinyes (au lieu de trois), caricaturales et - qui sait - partiellement puisées chez Hergé (Dupont et Dupond), Clémens et Weser, deux enquêteurs ridicules acharnés à sa perte au défi, compte tenu des circonstances générales, de toute vraisemblance. Mais ce ne sont pas elles (eux) qui deviendront Euménides et je crois bien plutôt, par les vertus du sort et d’une ultime ignominie que lui dicte l’instinct vital, qu’elles ont in fine, les Bienveillantes, perdu pour de bon sa trace.....

“Frères humains, laissez-moi vous raconter comment ça s’est passé”. C’est la première phrase du roman. Elle ouvre sous l’intitulé Toccata un plaidoyer pro domo liminaire de quarante pages particulièrement peu convaincant lorsque, parvenu au terme du livre, on le relit.
Dans sa forme, elle renvoie à Villon et la Ballade des pendus : Frères humains, qui après nous vivez / N'ayez les coeurs contre nous endurcis / Car, si pitié de nous pauvres avez / Dieu en aura plus tôt de vous mercis. Et pour qui a lu le “Je, François Villon” de Jean Teulé, ma foi, dans les vols, les viols et les étripements prêtés au poète, on peut toujours chercher quelques analogies.
Mais ce n’est visiblement pas le but.
Plutôt ceci, et qui est affirmé: “Je vis, je fais ce qui est possible, il en est ainsi de tout le monde, je suis un homme comme les autres, je suis un homme comme vous. Allons, puisque je vous dis que je suis comme vous!”.
Assurément: Non.

En avant, donc ... péniblement (j’ai failli abandonner après deux cents pages, toute bonne volonté lassée, me demandant: à quoi bon?). La documentation impressionne le non spécialiste des mouvements de troupes de la campagne de Russie du second conflit mondial, on suit ça avec une carte; on se dirige, on le sent bien, vers Stalingrad et l’ombre de Vassili Grossman (Vie et destin) plane vite sur le roman, à son évident détriment ... Le souffle de Grossman, sa densité psychologique, bâtissent une réflexion épique; l’accumulation factuelle des noms propres, le maquis des grades et des organisations, l’opacité stratifiée des vocables allemands multipliés par Littell installent le décor parfois en carton-pâte d’une horreur qui, de massacres en massacres, ne parvient pourtant pas à s’incarner ..... L’attention se porte ailleurs. La Shoah par balles s’installe... mais c’est à la gestion de l’homosexualité du héros qu’on s’intéresserait presque.
Et il faut attendre les pages quatre-cent-... pour s’éveiller soudain à ce qu’on nous raconte. Peut-être parce que l’anecdote y est fabuleuse et aberrante de ce Nahum ben Ibrahim, immensément vieux, presque aussi savant, si bibliquement juif, qui a choisi le jour et l’heure et qui conduit, parabole improbable, le bourreau qu’il a élu sur le lieu de son immolation.
Peut-être aussi pour Lermontov, toile de fond évoquée dans ces pages-là d’un duel qui tournera court sur un motif qui en fait le pendant de celui .... de Marcel Proust avec Jean Lorrain.
Lermontov a été tué en Juillet 1841; duel avec le commandant Martynov, officier comme lui, dont il aurait fait son souffre-douleur et qui l’aurait, excédé, provoqué. On a évoqué un possible meurtre arrangé, ou un suicide déguisé... Lermontov avait tiré en l’air.
Le duel avorté du roman fait suite à des accusations d’homosexualité proférées à l’encontre du héros qui veut “laver son honneur” comme Proust, accusé de relations particulières avec Lucien Daudet en demanda raison à Jean Lorrain. Sans oublier que Lermontov avait écrit La mort d’un poète en hommage à Pouchkine, tué lui-même en duel et en 1937 par le duc Georges d’Anthès qu’il accusait de courtiser son épouse Natalia Gontcharova ... Tout un substrat de “Mémoire de la littérature” dont on peut se demander s’il a joué, se dire qu’il a joué, un rôle dans l’écriture de l’épisode.
Mais on est du coup partis bien loin de l’Endlösung der Jugenfrage (La solution finale de la question juive)....

Il y a d’ailleurs, plus loin, une référence explicite à Proust par le ricochet d’une circonstance qui me semble totalement fantaisiste et qui est la lecture obstinée d’un exemplaire de l’Education sentimentale à travers des péripéties qui me rendent absurde le recours à Flaubert. Le livre ne quitte pas Aue pendant les cent cinquante dernières pages des Bienveillantes, trimballé dans ses poches, sauvé de tout et de la noyade, traversant fleuves et marécages lors de fuites éperdues, surnageant au milieu de fantasmes sexuels indescriptibles (par moi) et pourtant décrits (par lui), survivant à des meurtres qui font du final du roman un thriller hollywoodien... et récurremment évoqué sur la base du jugement de Proust sur le “trottoir roulant” de la prose flaubertienne (“À propos du style de Flaubert” / Chroniques/ Publication posthume (1927)) que reprend Littell, soit en citant, soit à son compte: “Je m’assis derrière un buisson, le dos à la route, et croquai un oignon que je fis passer avec de l’eau-de-vie, puis je tirai de ma poche l’Éducation sentimentale, dont la reliure en cuir était toute gonflée et déformée, décollai délicatement quelques pages, et me mis à lire. Le long flot étale de la prose m’emporta rapidement, je n’entendais plus le cliquètement des chenilles ni le grondement des moteurs, les cris saugrenus en russe, Davaï! Davaï!, ni les explosions un peu plus loin; seules les pages gondolées et collantes gênaient ma lecture”.... avec cette sorte d’hommage final surprenant, plus loin: “Comme Kaltenbrunner ne pouvait me recevoir avant le soir, je m’installai dans un coin sur une chaise et repris ma lecture de l’Éducation sentimentale, qui avait encore souffert du passage de l’Oder, mais que je tenais à finir. Kaltenbrunner me fit appeler juste avant que Frédéric ne rencontre Mme Arnoux pour la dernière fois: c’était frustrant. Il aurait pu attendre un peu, d’autant qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il pourrait faire de moi...”.
Quoi qu’il en soit, comment ne pas rester songeur devant ce beau-père que Max Aue massacre à coups de hache et que Littell a pris soin d’appeler du nom de Frédéric, c’est-à-dire Moreau?

Mais je reviens à Proust. La gageure je crois l’a tenté (je parle de Littell), au début de sa Sarabande (la partie IV du roman), de délivrer à sa façon, comme un pendant aux premières pages de Combray (“Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes...”), un réveil.
Le réveil cette fois est celui d’un long coma, la tête trouée d’une balle, mais il me semble concurrent de l’autre, qui n’est d’ailleurs, à y songer, lui même qu’un coma naturel et quotidien: “Pourquoi tout était-il si blanc? La steppe n’avait pas été si blanche. Je reposais dans une étendue de blancheur. Peut-être avait-il neigé, peut-être gisais-je comme un soldat abattu, un étendard couché dans la neige. En tout cas, je n’avais pas froid. À vrai dire, difficile d’en juger, je me sentais entièrement détaché de mon corps. De loin, j’essayai d’identifier une sensation concrète: dans ma bouche, un goût de boue. Mais cette bouche flottait là, sans même une mâchoire pour la soutenir. Quant à ma poitrine, elle semblait écrasée sous plusieurs tonnes de pierre; je les cherchais des yeux, mais les apercevoir, impossible. Décidément, me dis-je, me voilà bien dispersé. Oh, mon pauvre corps. Je voulais me blottir dessus, comme on se blottit sur un enfant chéri, la nuit, dans le froid.
En ces contrées blanches, sans fin, une boule de feu tournoyait, me crevait le regard....”.
Etc. Et l’exercice de style n’est pas si mal réussi.

L’homosexualité du héros, sur laquelle on ne cesse de revenir, n’est pas une homosexualité “ordinaire”, n’est peut-être même pas une homosexualité du tout, dans la mesure où elle est présentée, décrite, expliquée comme le résultat du traumatisme premier qu’a été la sodomie de sa sœur jumelle ou plutôt qu’a été - l’accouplement doublement “contre-nature” ayant été surpris par les parents et sanctionné par une forme de double bannissement - l’arrachement à la fusion-identification amoureuse absolue que cette pratique essayait de traduire. De cette identification rompue, Aue intériorisera l’exigence de substitution d’une assimilation à la femme-sœur dont on l’a privé en se faisant sexuellement elle dans des relations où le partenaire joue son rôle quand il la sodomisait. Et il ne vit dès lors essentiellement le sexe que comme un jeu de rôle thérapeutique où, pour tâcher itérativement en vain de guérir la blessure de sa perte, toujours passif, il va devenir elle en essayant de connaître ce qu’elle a avec lui connu. L’affaire est ensuite assortie d’une profusion de détails à l’analité triomphante, redondante et finalement assez pénible mais enfin, c’est une théorie .... que la psychanalyse trouvera sans doute défendable.

C’est en cela sans doute, qui précède, qu’a résidé pour moi la surprise du roman. Car de l’Endlösung attendue, il ne m’est pas resté finalement grand-chose. Certes l’horreur, monstrueuse, est partout, mais ne le savait-on pas? Et ici, question de forme?, de style?, l’accumulation des circonstances ne m’a pas semblé dans son empilement de cadavres contribuer à un accroissement des prises de conscience. D’autant que là encore, les obsessions sexuelles et scatologiques de Aue (de Littell?) se retrouvent tapies sous les jupes et dans les braies des suppliciés.

Comment conclure, prenant acte qu’on ne pourra pas épuiser ici le sujet, qu’il est de vastes pans du livre qui pourraient peut-être, analysés, apporter quelques autres éclairages (la tentation romantico-rédemptrice avortée du personnage d’Hélène), que certaines théorisations devraient être, avec d’autres compétences, réexaminées (classifications ethniques et anthropo-sociologie des sous-groupes juifs d’europe centrale ... les longues présentations “documentées” sur le sujet me renvoient curieusement - lecteur non informé - aux impressions d’incertitude scientifique que laissent les délirantes étymologies de Brichot)?
Comment conclure? Peut-être sur ceci, et qui devient une évidence dans la dernière partie du roman (Gigue ), dans ces dernières pages qui, comme toujours, déterminent les impressions sur lesquelles, lecteur, on achève une lecture. Je l’ai déjà en fait évoqué à propos du contexte d’apparition de l’Éducation sentimentale : toutes les conditions sont réunies ici pour engendrer un “blockbuster”, un spectacle hollywoodien à grands frais et grand renfort de moyens technologiques et financiers. Je suis certain d’ailleurs que quelque part, par quelques-uns, les droits ont déjà été négociés.
Le roman en effet se termine en pur thriller, coup de théâtre final compris. Une simple anecdote de Vie et destin avait fourni à Jean-Jacques Annaud le scénario de son Stalingrad. Le parcours de Max Aue, que l’on voit s’enfoncer dans le crime privé sur fond d’effondrement du nazisme, bien au-delà d’une simple anecdote, construit une progression dramatique qui offre une remarquable richesse de possibilités cinématographiques. À ce niveau-là, et nous ne sommes plus “en littérature”, la schématisation toujours extrême des présentations psychologiques auxquelles conduit le cinéma, qui laisse toute l’interprétation d’un jeu d’acteur qu’il suffit de faire hermétique à la charge du spectateur, peut être une chance pour une réinterprétation du canevas événementiel du roman dans des perspectives “sexuellement allégées” porteuses d’une saga redoutablement efficace. Mais alors, on est au spectacle.... Une indication de casting dans la foulée: pour incarner les ambiguïtés de Max Aue, Jude Law, déjà utilisé par Annaud dans Stalingrad, sera parfait....

Non, pour finir, plutôt une question, sur un personnage essentiel et dont je n’ai rien dit alors qu’il double tout du long le parcours du héros: Thomas Hauser.
Remarque: Un lien éventuel avec Caspard Hauser, né en 1812 en Allemagne, séquestré pendant 16 ans dans divers cachots avec pour seul compagnon un petit cheval de bois (il fut libéré en 1828 à Nuremberg et mourut assassiné en 1832; son identité demeure une énigme), mis en vers par Verlaine et chanté par Moustaki [Je suis venu calme orphelin / Riche de mes seuls yeux tranquilles / Vers les hommes des grandes villes / Ils ne m'ont pas trouvé malin / Etc. ] est peu probable.
Thomas est une sorte de double dans l’équilibre, l’esprit d’initiative, l’hétérosexualité triomphante, l’entregent, la débrouillardise, l’aptitude à triompher des obstacles et ... l’opportunisme de toutes les stupeurs et de tous les tremblements du héros. Et soudain, encore, cette interrogation étonnée: Et si Thomas était le Saint-Loup d’un hypothétique Max-Marcel?

Finalement, et c’est à mettre à leur crédit, maintenant qu’on en est sorti, Les Bienveillantes interrogent beaucoup, pauvres de leurs obsessions désolantes, pauvres de trop d’accumulations inefficaces et soudain riches de ce que, pour les affirmer pauvres, on y transporte, et qui sait, peut-être, de ce que, pour les affirmer désolantes, on s’interdit (?) ...

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Commentaires
L
Le temps passe et les lectures approfondies du roman de J. Littell relativisent les commentaires d'Edouard Husson et de Michel Terestchenko. Jean Solchany pour la recherche historique et Florence Mercier-Leca pour la littérature , et quelques autres , de plus en plus nombreux, ne considèrent plus « Les Bienveillantes» comme un canular . Sans reprendre les propos hyperboliques de certains ( Georges Nivat , Pierre Nora et bien d'autres ) ceux qui ont lu et relu le livre énonce les qualités de cet événement littéraire. Jamais en 60 ans , une oeuvre artistique n'a pu rendre sur ce sujet ( l'apocalypse européenne pendant la seconde guerre mondiale ) , à ce niveau d'incandescence , l'effet de Réel qui émerge de cette narration. Comme le dit Solchany c'est un roman qui réussit là où le cinéma n'a jusqu'à aujourd'hui pas totalement convaincu. Peu d'oeuvres littéraires ont contribué de manière aussi efficace au «devoir de mémoire». La fiction , le témoignage et le livre scientifique constituent 3 approches différentes et non concurrentes du nazisme et de l'extermination des juifs. Certains lecteurs ne semblent pas prêts à reconnaître la légitimité de la démarche fictionnelle, alors que cette dernière jouera à l'avenir un rôle croissant dans la prise de conscience de la monstruosité du nazisme.L'intervention des intellectuels dans le débat critique est indispensable, mais il y a des limites à l'expertise historienne. S'exprimer sur le rapport à la vérité lorsqu'il s'agit de littérature( ou de cinéma ) présuppose une grande prudence.Les historiens ne doivent pas ruiner leur crédit en souscrivant à un fondamentalisme hypercritique qui conduit à assassiner un roman qui ne mérite pas un tel traitement. « Les Bienveillantes» apparaissent comme un texte exigeant. Il sollicite diverses compétences du lecteur et pas seulement culturelles.
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