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AutreMonde
19 novembre 2007

Prousteries pour Proustophiles ....

Je trouve sur le blog de Mme de Vehesse ( http://vehesse.free.fr/dotclear ) un lien qui me renvoie ... à Nice , Université - Sophia Antipolis, et à une leçon d’agrégation: “Le personnage de Charlus” ( http://www.unice.fr/AGREGATION/Charlus.html ). De la responsabilité d’Eveline Caduc (J’aurais préféré Evelyne, mais ...), enseignante, un plan d’exposé se déploie. Travail très fouillé, documenté, argumenté, complet , où un amateur déconnecté de la pratique des concours de recrutement redécouvre l’impasse des leçons d’Agrégation. On n’imagine pas de leçons sans élèves. À quels élèves pourrait bien s’adresser ceci, qui auraient lu et largement assimilé toute la Recherche (du temps perdu) et fait quelques explorations autour, un fantasme d’élèves en somme, ectoplasmes inexistants et inconcevables. Cette banalité prononcée et dite - on sait les indéfendables conventions soi-disant pédagogiques de ces concours - l’examen de ces quelques pages internétisées, précises, intéressantes, renvoie à une autre réflexion, qui n’est pas explicitée dans la leçon, sur ce fil rouge qu’est la sexualité (ici - Charlus - l’homosexualité, mais ce n’est presque au fond, relativement à la question que je soulève, qu’un détail) dans certaines vies ... Dans une vie? Dans toute vie? La sexualité imprègne-t-elle, imbibe-t-elle vraiment tout et tous? Ne serions-nous qu’une sexualité en marche, et organisés autour d’elle? Son homosexualité est-elle un aspect de Charlus, explique-t-elle Charlus, ou est-elle Charlus? “Un monsieur habillé de coutil, fixant sur moi des yeux qui lui sortaient de la tête...” (Du côté de chez Swann) ... Charlus est-il, profondément, autre chose que cela? Et tout le reste n’est-il, autour, que paravents et ... littérature? Sans totalement le souligner ou surligner, la leçon conçue par Eveline Caduc exhibe l’hypertrophie chez Charlus de la préoccupation (homo)sexuelle. Il ne pense, littéralement, qu’à ça. Ce faisant, il est un type et - archétypiquement, donc - un “personnage”. N’en est-il pas déréalisé? Pourrait-on imaginer, concevoir, un Charlus sous “le personnage Charlus”, sujet et objet de la leçon? Je trouve l’affaire préoccupante ... et non résolue. Charlus et le narrateur, Charlus et Morel, Charlus et Jupien, Charlus et ... oui, mais Charlus? Le lion, quand il ne se bat pas, ne chasse pas, ne mange pas, ne s’accouple pas, dort . L’homme, semble-t-il, pense. Peut-il, et Charlus d’abord, penser à autre chose qu’à sa sexualité? Voici reformulée la question que je ne trouve pas anodine. Eveline Caduc énonce: “Charlus, Swann et Albertine [sont les] trois personnages les plus importants de la Recherche”. N’en discutons pas. Mais ce qu’on peut affirmer, assurément, c’est que le plus “personnage” des trois est Charlus. C’est-à-dire le moins humain. C’est-à-dire le plus victime de ses pulsions intérieures, qui le submergent, l’inondent, le subsument. On sent chez Swann une intelligence “en soi”, et une bêtise “en soi” chez Albertine, dimensions puissamment humaines. Que sent-on en Charlus, “qu’un homme d’une quarantaine d’années, très grand et assez gros, avec des moustaches très noires [...] qui [...] fixait sur moi des yeux dilatés par l’attention” (À l’ombre des jeunes filles en fleurs), qu’une sexualité à l’œuvre, hic et nunc, partout. Une totalité humaine? Charlus existe-t-il, quand on passe derrière le masque? Amusant de “tomber” sur cette leçon d’agrégation alors que depuis peu, je me suis mis à relire mes comptes-rendus ( http://www.compaproust.canalblog.com ) des treize exposés 2006-2007 au Collège de France d’Antoine Compagnon (Proust: Mémoire de la littérature), afin, recul pris, d’y chercher une impression dominante, une observation pédagogique, une réaction personnelle critique. Compagnon ou l’anti-leçon d’agrégation: cela au moins est clair. Il s’en félicitait d’ailleurs lui-même régulièrement, débarrassé des contraintes du “préparateur de concours” ... Une promenade cultivée, diserte et érudite dans le champ de la mémoire proustienne. Ce qui ne suffit pas pour autant à mieux approcher ... la vérité de Charlus. Alors? Alors rien. Charlus est dans La Recherche, roman (?) s’il en est total, monde dans lequel on s’immerge, en apnée, ivresse des profondeurs, rivages inconnus auxquels on aborde ébloui, dont on observe avec délices les natifs, navire sur lequel on embarque, toutes amarres larguées, dont on peut ne cesser de parler sans rien déflorer de sa magie, de son mystère, paradis définitif de lecture et du lecteur, absolu du geste d’écrire. Disséquer? Bah, il faut bien passer des concours... Mais enfin, surtout: Pain et Vin! Communier!
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