Plukontumeur?
Le couplet (grinçant?) de Robert Solé dans le numéro du Monde daté de samedi 3 février (dernière page) en faveur des parachutes dorés de “nos” grands chefs d’entreprise et autres capitaines d’industrie me laisse dubitatif.
Voyons, c’est du second degré, nécessairement .... mais la chute me perturbe: De nos paras ne faisons pas des parias .
Attraction verbale et spiralée du “bon mot”? Sans doute, sans doute et qui comme souvent déséquilibre la pensée, mais cette rime pauvre pour cadres riches m’a été en première lecture odieuse.Du coup j’ai relu le billet en son entier et ... je doute de sa pertinence. Puisque le texte est court, autant le recopier. Voici :
Bien qu’ayant quitté son poste volontairement, la présidente du Printemps bénéficie d’une indemnité de départ de 2,5 millions d’euros. C’est un parachute doré de taille M (il existe du L, du XL et du XXL).
Naturellement, cette information provoque les jérémiades habituelles. Que n’avait-on entendu lorsque le pauvre Antoine Zacharias, ex-PDG de Vinci, s’était séparé de son fauteuil pour à peine 13 millions d’euros!
Il se trouve toujours des jaloux, de petits salariés frustrés et quelques socialo-communistes ringards pour dénoncer une récompense méritée. On oublie les responsabilités écrasantes de ces serviteurs de la Croissance, les conditions épouvantables dans lesquelles ils travaillent (et pas 35 heures s’il vous plaît). Si leurs salaires sont vingt ou quarante fois supérieurs aux nôtres, n’est-ce pas parce qu’ils sont cent fois plus entreprenants, plus intelligents, plus humains et plus cultivés que nous?
Assez d’égalitarisme à la noix! Le saut en parachute, réservé aux membres du club, appelle admiration et respect. De nos paras, ne faisons pas des parias.
Alors? Oui, le second degré est certain, oui, le “Billet” quotidien confié à Solé “doit” faire au moins sourire, mais l’éthique est à ce point violée dans ces manipulations indemnitaires, qu’aucune argumentation d’aucune sorte ne saurait aucunement justifier, que j’ai même du mal à y songer avec subtilité, dans la nuance. On touche aux questions de principe et j’ai beaucoup de difficultés, là, avec la demi-teinte.
J’ai consulté ma belle-mère qui me sert épisodiquement de Pythie (mais si! Il faut savoir résister aux idées reçues) et j’ai eu droit à une volée de bois vert: “Mon pauvre garçon, peut-on être aussi sot! Mais bien sûr qu’il est clair, net et rigolo, le billet de Solé, décidément, vous ne comprenez jamais rien”. Ma foi, sans doute ... et les vigoureuses exhortations de la nonagénaire à l’accent oranais qui charme de temps en temps par ses oracles mes questionnements métaphysiques eussent dû sans appel me remettre sur le droit chemin, mais ...
Car il y a un mais, qui au delà des formulations à l’ironie pour moi trop retenue de Solé s’étend jusqu’aux responsabilités du Journal. Et ce “mais” est en page 14 du même numéro, s’étale assez complaisamment dans un fauteuil pivotant en cuir, le doigt levé, sous un double portrait - sauf erreur - de Samuel Beckett. Et ce “mais” se nomme Alain Minc. Et la colère me reprend, devant la défense et illustration des sacs d’écus de Zacharias que présente ledit “mais” : Vu la façon dont il a développé Vinci, il n’est pas anormal qu’il se fasse en cinq ans le patrimoine qu’un patron se fait habituellement en vingt ans .
Ainsi donc Alain Minc est non seulement président du conseil de surveillance du Monde, mais aussi un excellent humoriste, fin, très second degré à la Robert Solé. On devrait lui confier plus souvent le “Billet” de dernière page. Son entretien de la page 14, dont l’extrait ci-dessus, est réellement tordant, de bout en bout. Au point qu’un doute me saisit et qu’il me reste une question: Alain Minc, Robert Solé, bon sang!, lequel est le pseudonyme de l’autre?