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AutreMonde
20 janvier 2007

Le choc des photos ... et la suite.

Le numéro du Monde du 17/ 01, en première page, nous offre un François Hollande illuminé, façon imbécile heureux, bref ridicule. Et le 18/ 01, en page intérieure et grand format, un portrait de Ségolène Royal en madone gitane complète ... l’information (??). Magnifique, le portrait.
Le poids des mots disait l'autre? Ils pèsent bien peu ici. Et le déséquilibre est trop patent pour être de hasard. Qui a choisi les photos publiées? Arnaud Montebourg préparant sa saillie sur Canal+? Ou alors Le Monde est sous le charme et, se reprochant de ne pouvoir se contrôler, se venge lâchement sur le compagnon de son fantasme?
Il ferait mieux de réfléchir (Le Monde) et de peser sur le débat, non en s'y impliquant de façon partisane, ou amoureuse, mais en aidant davantage à l'émergence de questions essentielles qui vont rester dans l'ombre d'une campagne ... d'images. Et d'abord la question éducative. Elle est mal comprise et mal traitée, partout. Elle n'est pas perçue pour ce qu'elle est, faute de vision à long terme. Et ce qu’elle est s’énonce brièvement: centrale, primordiale, fondatrice.

Michel Pébereau et Bernard Spitz, dans une tribune du journal du 18/ 01 (Réformer, c'est possible!) soulignent que l'opinion française est "plus préoccupée que jamais par la situation économique et sociale (...), favorable à des réformes profondes dans la plupart des domaines (...) à la lourde exception des modalités de financement durable de la protection sociale". On leur fait confiance, et nous pensons trop “court” et nous pensons en nombrilistes (des réformes d’accord, tant qu’elles ne me concernent que peu) et nous manquons de vertu.

Et nous manquons de lucidité prospective. Quand les auteurs évoquent le "sujet tabou de l'éducation nationale", quand ils pointent la nécessité de "rénover notre appareil d'éducation et de recherche pour assurer l'égalité des chances de tous et promouvoir l'économie de la connaissance", ils ouvrent un chemin. Mais qui va vraiment s'y engager, pour y poser d’abord la question préalable: Pour (en vue de ) quelle société veut-on reconstruire l'école? Car pas d'école sans objectif social, sociétal, sans dessein d'ensemble, sans vision d'ensemble des équilibres sociaux, sociétaux vers lesquels on veut aller. Et l’affaire est-elle réductible à l’économie de la connaissance ?

À côté de ceux qui s’en foutent, ou qui délèguent, il y a les concernés, par vocation ou par métier, par souci parental (je ne risquerai pas : “parentitude”) ou angoisse de la classe (“enseignantitude” ?), qui se répartissent en chapelles, se comptent et s’encouragent mutuellement, prêts à en découdre, aveuglés quelquefois par une véritable souffrance. L’école, c’est une foi et une religion: le fanatisme coule à pleins bords, la bave monte vite aux lèvres, la main va au couteau. Triste.

Or ils sont tous d’accord, tous, pas d’exception. L’école doit permettre à chacun d’aller au plus haut de ses capacités, doit amener chacun à son plus haut niveau de compétences : tous signent. Mais si je dis où j’ai recopié cette phrase, si je lui donne un auteur précis, d’un côté précis, la nausée saisit ceux d’en face. L’affirmation ”trop vite” acceptée est immédiatement décodée, pour livrer le vénéneux message dont elle est nécessairement porteuse, nécessairement, disent-ils. Triste.

Je “feuilletais” Internet ce matin (je suis trop vieux pour “surfer sur” ...). Blog de Pierre-André Périssol, ancien ministre, dont les filles en âge scolaire ont éveillé la fibre pédagogique: componction, bonne volonté excessive, trop de retenue, pas assez de prises de position tranchées, pas vraiment d’analyse critique, pas de prospective autonome .. Je passe.
Où en est Jean-Paul Brighelli, le d’Artagnan héraultais, co-spécialiste - avec Georges Frèche - de l’invective montpelliéraine? Le billet du jour se titre: “Éloge de la sélection”. Posté à 6h46! Mazette.... L’avenir éducatif sera-t-il à celui qui se lève tôt ? Outre l’affirmation qui pourrait être œcuménique ci-dessus (et oui, c’est lui, l’auteur), on y trouve l’habituelle distribution de claques, à Haby et Giscard pour le collège unique, à Bourdieu pour ses enfants trop “héritiers”, à Philippe Meirieu et “sa clique”, accusés de “prospérer sur un fumier idéologique”, à Évelyne Charmeux, théoricienne connue de la “pédagogie”, instituée “prêtresse du crétinisme triomphant”. Peu ou pas de propositions (ah, si: le rétablissement de l’année de propédeutique à bac+1). Une poussée d’adrénaline matinale sans doute. Il faut dire que le dérèglement climatique actuel est très perturbant.

Du coup, je fais un saut chez Meirieu (son site!), que j’ai un peu négligé depuis l’avant-fêtes. Une longue chronique s’y attardait, datée du 27/ 12!, sur les attentes (éducatives) prévisionnellement déçues de la campagne présidentielle, pronostic probablement juste. C’est intéressant et modéré, clair, pédagogique, mais, et c’est une constante chez lui, si ça pose bien plusieurs problèmes, ça ne les fait pas avancer. Il aide à dire à quoi réfléchir, mais il ne dégage pas du concret, de l’opératoire, pas de piste de restructuration, rien de solide à mettre en route. On n’est pas moins inefficace après lui, mais on l’est plus lucidement. Quand j’étais en prépa, une blague - que j’ai peut-être déjà racontée (?) ... on me pardonnera - avait cours sur la rivalité Arts et Métiers, Centrale, Polytechnique: Trois ingénieurs de ces trois formations ont un pont à construire. Celui du Gad’zart s’effondre, et il ne sait pas pourquoi. Celui du Piston tient bon, et il ne sait pas pourquoi. Celui de l’X s’écroule et ... il sait pourquoi. Meirieu a peut-être une vocation de polytechnicien de l’éducation et on peut se demander si lui confier une réforme, ce ne serait pas aller à l’échec, mais, en toute connaissance de cause! On raconte qu’il serait en situation de conseiller Ségolène?... Aie!

Une visite (virtuelle) à Laurent Lafforgue, en ses laboratoires de l’IHES, avant de raccrocher. Il préface beaucoup, notre médaillé Fields, et là, tout récemment, un bouquin annoncé aux Éditions de Paris, d’un Jean-Paul Riocreux, Inspecteur d’Académie à la retraite nous dit-il, dont le titre annonce la couleur: L’école du désastre. Je tâcherai de voir le livre. Dans l’immédiat, j’ai lu Lafforgue. On ne saurait lui reprocher de ne pas s’investir dans le combat qu’il mène. C’est parfaitement construit, allant, documenté ... mais ça sent trop la calotte et mon anticléricalisme viscéral en est trop chatouillé. Il a beau s’en défendre - et je suis prêt à le croire sincèrement laïque dans ses perspectives -, les Saintes Écritures remontent, et, dans le contexte et sur le sujet, ça m’agace. C’est un type qui réfléchit, qui réfléchit bien et puis ... qui termine avec des extraits du Livre de la Sagesse de Salomon (Ancien Testament). Dur!
À côté de cela, tout ce qu’il dit du nécessaire effort d’appropriation des stades passés de l’école pour en dégager des ressources fortifiant la prospective et dessinant pour l’avenir des reconstructions bien enracinées est riche, mais, je le crains, sa méconnaissance des réalités de la situation (il travaille sauf erreur sur témoignages), son cursus personnel de réussite exceptionnelle et le monde culturellement trop abstrait dans lequel il pense, le font tomber du côté des plus réactionnaires parmi les contempteurs du système en place (sous réserve, pour Riocreux, de le lire d’abord ...).
Et puis à la fin Dieu, là dedans .....

Ce qui me fait penser que j’ai lu en vitesse, l’autre week-end (on me l’avait prêté sous condition!), le (petit)Traité d’athéisme d’André Comte-Sponville. Gentil et ... creux. Ça n’est pas ça qui va faire avancer la pensée. C’est de la philosophie de comptoir avec quelques références agréables et des témoignages personnels pleins de naïveté. Il a approché le sentiment océanique de Romain Rolland - qui s’en était ouvert à Freud, qui en avait été un peu jaloux (l’extase, même vaguement panthéiste, n’est pas donnée à tout le monde) avant de diagnostiquer la régression à un stade précédant la conscience du moi - et il assume. Depuis, il est heureux dans une attente sans espoir (c’est son Gai désespoir). Bah, ça ne mange pas de pain. Mais, comme dit (déjà!) mon petit-fils, ça ne pisse pas loin!

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