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AutreMonde
17 septembre 2006

Carte scolaire : Sarkozy fait fausse route

Le Monde du week-end, page 17, Dialogues et Débats : Georges Bush - qui va pourtant lui en serrer cinq deux pages plus loin (cf. Le cliché de Washington, page 19) - tord à juste titre le nez (photo incluse dans le propos du médiateur qui occupe le haut de la page) en jetant un œil sur la libre opinion que publie notre sémillant futur candidat de droite à propos de la carte scolaire: feu à volonté et dès lors, feu ladite carte. Quel penseur du premier cercle a rédigé pour lui ce mauvais papier ? On y trouve énoncés les truismes usuels - hélas repris à gauche par l’amie Ségolène - sur la sectorisation comme instrument de la ségrégation sociale. C’est bête à pleurer et d’ailleurs, si ça continue, on n’aura plus que ça à faire: pleurer, devant le tombeau de ce qui fut et pourrait rester une idée “juste”! La dénonciation n’est pas mensongère, d’une “incapacité des pouvoirs publics” à faire vivre le concept. Mais où est la force du politique s’il tient cette incapacité pour pérenne et en conclut à la condamnation dudit concept? Où est le volontarisme sarkozyste (et ailleurs, ségolien)? Est-ce cela, gouverner? Suivons-les, puisque nous sommes les chefs? Nicolas Sarkozy a raison de plaider pour l’autonomie des établissements scolaires, une autonomie véritable, dans la totale liberté des méthodes et de la gestion des moyens, au service de projets par objectifs respectueux de ceux édictés par une loi-cadre, globale et minimale, que la représentation parlementaire doit poser et qui délimitera l’espace éducatif où la nation veut voir grandir ses enfants et accéder à la maturité ses citoyens. Mais la philosophie qui sous-tend le propos ne me semble pas la bonne. On ne peut pas laisser se déployer l’autonomie des établissements dans la perspective d’une poursuite de l’excellence qui, jointe à la levée des contraintes de la carte scolaire, n’aboutira - d’autres l’ont déjà dit - qu’à la disparition pure et simple de toute structure éducative des zones où survivent actuellement et péniblement, les collèges dits “difficiles” (pour cibler le stade le plus délicat du cursus de formation). La question n’est pas de permettre aux établissements d’optimiser leurs projets en vue de drainer sur cette base les populations d’élèves qui souhaiteront et pourront s’y fondre. La question, la seule, est de permettre aux écoles, aux collèges, aux lycées, là où ils sont, c’est à dire à leurs équipes éducatives, là où elles œuvrent, de construire, au bénéfice des élèves que leur lieu de résidence leur affecte “naturellement”, le meilleur compromis entre le souhaitable et le réalisable, le meilleur équilibre entre l’espoir de monter très haut et le constat qu’on part éventuellement de très bas. Ce sont les établissements scolaires qui doivent s’optimiser dans l’intérêt de la population locale, et non les flux d’élèves qui, tous privilèges dehors, fût-ce même seulement celui de leur intelligence, doivent voguer vers des terres éducatives promises et peut-être lointaines. Le “Volem viure al païs” des écolos post soixante-huitards mérite de trouver sa noblesse dans un “Je veux étudier où je vis”, et le faire dans les meilleures conditions. C’est cela, le vrai projet à tenir, le véritable enthousiasme à lever chez les enseignants, avec nécessité d’octroyer les facilités, souplesses et moyens idoines. “Il est normal que les parents puissent choisir l’établissement qui correspond le mieux à leur enfant” ? Mais non, résolument non! Il est simplement nécessaire que les parents constatent que l’établissement, les enseignants, ceux qui sont là, à leur porte, dans leur “secteur”, que cet établissement, que ces enseignants, à leur écoute, à celle de leur enfant, dans le contexte du quartier, de l’environnement socio-économique, dans la volonté têtue d’ouvrir les esprits à un avenir dont la réflexion puisse aider à balayer les nuages, dans l’effort quotidien d’une éducation vraie, complète, réaliste, efficace, que l’établissement et les enseignants donc, bâtissent, sous leurs yeux, dans un travail partagé, cet espace de formation qui fera de leurs petits des femmes, des hommes, des citoyens d’un monde - pourquoi pas - plus équilibré et peut-être, un jour, meilleur! “Mon projet (...) c’est la qualité éducative pour tous (...). La carte scolaire n’aura alors plus de raison d’être puisque tous les établissements seront de qualité” ? Nous sommes d’accord, Monsieur le ministre d’état, ministre de l’intérieur, mais vous renversez la démarche et vous irez dans le mur. Laissez les gamins où ils sont, où qu’ils soient, et donnez aux établissements, aux équipes pédagogiques (et d’abord en amont par une formation des maîtres renouvelée - et aussi sur le terrain par une autre définition de la notion de chef d’établissement), les moyens d’exprimer pleinement leur qualité au service de “leurs” élèves, ceux-là, qui traînent les pieds, qui remuent, braillent, n’écoutent rien, se battent, taguent les murs, crachent dans les couloirs, ne veulent pas ôter la casquette ou la capuche en classe et annoncent par avance que les cours, ils s’en “battent les couilles” ... Ceux-là, mélangés à tous les autres, ceux-là qu’ils peuvent, établissements de formation, enseignants au meilleur sens du terme, qu’ils doivent, qu’ils vont rendre autres et “éduquer”, si on leur ouvre le champ des possibles en cessant de les confiner dans des directives absurdes servies par des petits chefs pusillanimes et dépassés. Et que vive pour cela même la carte scolaire, dans une hétérogénéité locale obligée, intransgressable, formatrice ... si l’école sait, enfin!, s’en renouveler.
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