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AutreMonde
5 septembre 2006

La Défaite de la Pensée

J’ai retrouvé fin mai cet essai de Finkielkraut, paru en 1987, au milieu d’une pile, symbole un peu accablant d’une boulimie d’achats qui vide mon porte-monnaie et encombre mes étagères de bouquins ... non intégralement lus. Symbole aussi, en son titre, d’un mois d’Août vide de toute réflexion et encombré de soucis et d’enfants. J’avais sur le bureau les traces diverses de quelques après-midi studieuses qui en promettaient d’autres, à venir; je projetais de parler un peu de Monsieur Teste (Paul Valery), de dénoncer quelques unes des aberrations élucubrantes et absconses de Michel Serres (Le tiers instruit), de louanger les délicieuses méchancetés de Thomas Bernhard (Maîtres anciens), de chroniquer, parce qu’un correspondant m’avait poussé à le lire, le roman - qui m’a semblé d’un intérêt moyen- “Les Ronces”, d’Antoine Piazza, de revisiter, plume en main, les impressions laissées par l’exposition Cézanne d’Aix-en-Provence, traversée fin juin, et même, au hasard d’un article du Monde qui m’y avait renvoyé, de me donner le plaisir d’une remémoration de 1996, un voyage en Italie, au Lac Trasimène, sur les traces d’Hannibal qui, à l’été 217 (av. J.C.), profitant des vapeurs de l’aube, y avait défait et jeté à l’eau les légions désemparées du consul Flaminius, noyées dans le brouillard. J’avais cela en vue, et d’autres choses encore .... Et puis, par une nuit de canicule, le portable a sonné et le peloton autoroutier de la gendarmerie de Château-Thierry m’a rappelé qu’il existait des autoroutes, des voitures qui y faisaient parfois des tonneaux et, quand les destins sont contraires, dans ces voitures, des blessés avec votre numéro de téléphone en tête de leur répertoire, des blessés qu’on désincarcerait et transportait en hélicoptère vers des services d’urgence. Les charmes des visites de CHU et de la prise en charge d’une famille accidentée ont donc pris le pas sur cette “vie avec la pensée” dont Finkielkraut, qu’émergeant un peu avec la rentrée scolaire, je viens enfin de lire, décrit la défaite. L’essai est de 1987, en gros, il a vingt ans. Et, m’a-t-il semblé, guère de rides. On retrouve, chronologie inversée, l’auteur de “Nous autres, Modernes”, son style, ses angles d’attaque, ses thèmes déja dessinés et sa dénonciation d’une culture mise en pièces comme son constat épuisé d’un combat pour l’école déjà perdu. La suite n’a fait que confirmer, mais la déroute était bien antérieure, datable de 68 et de 81. Faillite éducative d’un Mai 1968 incapable de dépasser son premier élan brouillon, faillite éducative d’un 10 mai 1981 portant au pouvoir un ambitieux sans vrai dessein scolaire et dont je n’ai jamais compris qu’on tressât tant de couronnes à son arrivisme égoïste parsemé de promenades et enguirlandé de lectures. Enfin voilà... Les classes ces jours-ci se remplissent, c’est ma troisième non-rentrée, ma pensée, que les circonstances ont défaite, va quelque peu peiner à se retrouver, l’été revient et je m’attends, spectateur impuissant et irrité d’une bouffonnerie annoncée, à vivre quelques mois de campagne électorale au couteau dont j’aimerais - sans y croire - que l’école ne soit pas la grande absente. L’École ... mais je perds chaque jour un peu plus le contact avec elle. C’est dans l’action - où je ne suis plus - que se forgent les idées, c’est dans l’action au quotidien qu’on peut inventer l’avenir, c’est dans les établissements qu’on pourrait réinventer l’école, lui redonner forme, si les enseignants le voulaient, le voulaient vraiment et collectivement. Las, les vieux réflexes sont là, on entend déjà parler de grève pour jeudi 28 septembre . Tristesse des gâchis et ... défaite de la pensée. Le verdict demeure... POST-SCRIPTUM . J’écrivais ce qui précède hier et le Monde daté d’aujourd’hui - que j’avais négligé - veut me faire mentir en titrant: “ Royal et Sarkozy s’emparent du débat sur l’École”. Pour en faire quoi? Le retour à la discipline? Il ne s’agit pas d’en parler, mais de l’obtenir. Et là, c’est la mentalité des profs, l’attitude des chefs d’établissement, qui sont en première ligne et en question. Le jour où les gamins se mettront en rang à la sonnerie et monteront en ordre et en silence dans les classes, on pourra reparler de pédagogie. Or cette “remise en forme” du troupeau scolaire - qui ne nécessite nul appel à des moyens supplémentaires - exigerait un tel investissement des personnels dans la fermeté, la disponibilité, la solidarité et l’exemplarité que je n’en espère pas même les prolégomènes. Alors.... Inventer “autre chose” ? Enfin, on va tâcher de rentrer et de ... re-réfléchir?
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Commentaires
S
Merci, merci ...<br /> Et pour le coup, en retour, bonne "non-rentrée". J'essaierai quand même (peut-être ...) de revenir plus tard sur "Les Ronces"
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C
Je m'apprétais à vous plaisanter en reprenant quelques stéréotypes vacanciers comme vous les aviez justement mis à distance... Ce petit mot pour dire le plaisir de retrouver vos réflexions. <br /> Un instit' à sa deuxième non rentrée.
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