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AutreMonde
1 août 2006

"Le Monde de L'éduc..."

Penser les savoirs du XXI° siècle…

N° 349 (Juillet – Août) – Le Monde de l'éducation .

Numéro … fascinant ! On le lit de bout en bout sans que l’attention se relâche. On se dit : « Mais tout ça est  passionnant ! ». On le referme, après un dernier article particulièrement enlevé de François Bégaudeau, et puis, à la question qui nécessairement se pose : « Et alors ? Et ensuite ? Que reste-t-il qui nous dise que faire ? », on répond, à peine surpris : « Rien ! ».

Une arrière grand-mère, que j’avais du côté de Tarbes, appréciait les discours politiques et s’en allait, de temps en temps, sous la halle, écouter un tribun local qui y battait l’estrade. Elle revenait enchantée : « Il a bien parlé ! ». Et nous : « D’accord, Marie, mais qu’est-ce qu’il a dit ? ». Souriante et encore sous le charme : « Eh ! Je ne sais pas moi ! Mais qu’est-ce qu’il parlait bien ! ».

On n’en est pas très loin, ici…Que de belles paroles, que de certitudes affirmées, que de pistes –plus ou moins explicites- proposées, que de hauteur(s) de vue(s) et puis, au bout du compte ? Bis repetita : Rien ! La photographie de couverture, formidable choix, résume admirablement le propos et synthétise le ridicule postural des éminences convoquées dans le numéro : un Bouvard&Pécuchet en costard avachi, mains croisées dans le dos, magistrales, juché, au sommet d’une montagne, sur deux supports métalliques coiffés d’étriers où ses pieds sont pris et dont le rehaussement est absurde pour cause de situation déjà sommitale dudit juché, regarde en une transe méditative des horizons profonds qui lui inspirent, on suppose, des pensées du même ordre et – la suite le confirmera- le laissent dubitatif. Second degré assumé ? Le mensuel, après avoir obtenu de tant de grandes signatures tant de vastes contributions ferait par là un bilan, et à nous un clin d’œil… Dérision de la pensée et dérision des penseurs ? Pour hausser le débat … chaussons des échasses ?

Penser les savoirs du XXI° siècle ? Le titre est fallacieux et ils se penseront bien tout seuls… Quant à réformer l’Ecole, ambition sous-jacente … La bataille est peut-être déjà perdue. Rien dans les articles produits ne dépasse le vœu. Or le vœu n’est plus de saison. Il ne s’agit pas de scruter l’horizon en espérant sœur Anne et en meublant l’attente de considérations aussi judicieuses qu’inopérantes. Il s’agit de dessiner le cadre d’une action. Il ne s’agit pas de poser doctement quels devraient être les savoirs essentiels du siècle commençant, il s’agit d’installer les conditions qui permettraient à une structure Education nationale renouvelée d’ouvrir à ces savoirs le champ et de leur émergence et de leur transmission. Et c’est bien cela qui manque ici. Par quelles restructurations le système éducatif redonnera-t-il du sens à l’enseignement ?

L’ingénierie pédagogique, en termes de formation des maîtres, de finalités des missions enseignantes, de définition des services, de pavage du territoire en aires cohérentes d’éducation et en unités locales d’enseignement, voilà la vraie priorité. Les contenus ne manquent pas, c’est le trop plein, il n’y a qu’à se servir ! Mais avant même d’y aller élaguer : où enseigner ?, dans quelle liberté ?, avec quelles autonomies et quelles convergences ?, avec quels maîtres ?, dans quelle logique d’ensemble ?... voilà les questions premières. On ne lit rien, on ne voit rien, que l’œil dans le vague et quelques sursauts déploratoires à propos du modèle dépassé de nos pères, hérité de Napoléon et … remixé ( ?) par Jules Ferry. De grands mots : « Pour une école humaniste », « Nouvelles humanités », « Apprendre autrement », « Passer d’une rive à l’autre » (qui me fait penser aux élucubrations assez vaines d’un Michel Serres (Le tiers instruit), il faudra que j’y revienne), « Le grand festin de la connaissance », etc. Assez triste au fond, tout ça, pour le praticien, quand il regarde l’avenir depuis la salle de classe, par-dessus la tête de ses décourageants agités. Des titres qui signent l’angélisme de leurs auteurs, ou leur méconnaissance-déconnexion du réel.

Ce sont les conditions d’enseignement qu’il faut changer avant de s’interroger sur « Le goût du beau ». J’ai fait ailleurs, sans écho, plusieurs  propositions. Mais au fond, toute la philosophie de l’affaire tient en quelques traits, qu’on peut renouveler, et se heurte mécaniquement à un obstacle fondamental, qu’il faut redire.

Il faut repenser la formation des enseignants dans le sens d’une maîtrise de la langue et d’une ouverture à la culture générale renforcées jointes à une réelle appropriation des démarches de travail en équipe. Les concours de recrutement doivent clairement déboucher sur un contrat d’engagement réciproque remettant à plat la définition du service dû et oubliant ce fer de lance de la pensée syndicale : les acquis. On est recruté pour enseigner et enseigner est un concept exigeant à spectre large… ce dont doivent témoigner les salaires. Le cahier des charges sera global et complet en termes de valeurs, à incarner et à transmettre, de connaissances et de compétences, à installer. Comme dans tout groupe, à formation égale, les personnalités se diversifieront, certains se détacheront, plus motivés, plus imaginatifs, plus audacieux. Des leaders naturels émergeront : dans chaque unité d’enseignement, les chefs d’établissement devront être élus par leurs pairs, par l’ensemble de l’équipe éducative… des chefs d’établissement qui impulseront le traitement local du cahier des charges évoqué ci-dessus, dans le respect de ses objectifs stratégiques, mais avec les pleines souplesses de l’indispensable autonomie tactique à reconnaître à chaque équipe. Une refonte complète des corps d’inspection prendra en charge, réseau d’unités d’enseignement oblige,  les problèmes de coordination et de cohérence d’ensemble.

Le but évident et premier étant l’émergence d’une scolarité obligatoire comme continuum structurant et constructif, l’école et le collège devront se fondre en s’unifiant au sein d’une véritable entité du même nom (Ecole de la scolarité obligatoire), aux contours, aux méthodes et aux maîtres spécifiques et repensés. En prolongement, un nouveau lycée rebondira sur le schéma central qui aura été installé dès avant, fait de cursus associant l’hétérogène dans les apprentissages du moi citoyen (groupes non triés -  Socle commun étendu) et le sélectif dans des cumuls modulaires où épanouir l’excellence de chacun (groupes de niveau triés – U.V. / unités de valeur).

Voilà. J’avais dit quelques traits… J’avais dit aussi « obstacle fondamental »… Je parlais là du « prof », du prof générique, de cet individu forgé par des idées reçues à parfum syndical, du prof qui a têté le biberon des certitudes de l’exploité auto-proclamé, qui voit dans l’hydre administrative l’ennemi héréditaire et qui, renonçant définitivement à devenir adulte, refuse de se prendre en charge pour construire, dans les immensités désertiques qu’ouvre devant lui l’absence totale de tout contrôle effectif de ce qui est entre les murs de sa classe, un avenir sur les décombres du système que l’incapacité de ses responsables et de sa hiérarchie ont laissées fumantes. Infantile, apeuré, frileux, accroché à ses sacro-saintes vacances, épuisé – et là, réellement et à juste titre par un affrontement pédagogique qu’il ne maîtrise plus parce que rien ni personne dans la structure ne l’aide à le maîtriser- il se console du pire en renonçant à l’endiguer, dans l’occultation résolue des problèmes, développant la philosophie de l’autruche, la tête dans le sable de ses bouquins et le croupion disponible pour les coups de pied au cul de ceux qu’il ne peut plus appeler ses élèves tant le concept s’est dégradé. Excessif ? Voire …

Alors, sortir de là, ce ne peut être s’adresser à d’éminents spécialistes de la réflexion savante pour dévoiler l’épaisseur des savoirs à venir, ce ne doit être que ressaisir la question pédagogique à partir de la caricature qu’elle est devenue , prendre sa gomme et … tout effacer. Pas réformer, mais re-faire ! On ne joue plus. Tout le monde dehors. On ne rentre que sur des bases nouvelle, des perspectives autres, sans référence à de soi-disant acquis, avec la volonté de « créer » le système éducatif du XXI° siècle. Ex nihilo ? Presque ! Quelques leçons, quelques (Jean Zay) , peuvent resservir, mais il faudra surtout l’audace de l’inventeur et l’exigence aventureuse du pionnier. Le système est en cendres. Peut-il renaître ?

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Commentaires
C
D'accord pour dire qu'au bout du compte "rien"……<br /> Les pères fondateurs se situaient dans leur époque, avec leurs problèmes, leurs savoirs "d'époque"……<br /> <br /> Aujourd'hui, identifions (ou plutôt, acceptons de reconnaître) les disfonctionnenments et les nécessités de notre société…… Cessons de penser comme au temps des collèges Jésuites dont s'inspirent encore trop souvent nos cours et nos classes……<br /> <br /> Arrêtons de nous appuyer sur le diptique "la science"(terme générique pour toutes les sciences) et "son application".<br /> <br /> Construisons nos repères…… nous disposons de pas mal d'indices ou savoirs théoriques élaborés dans notre contexte……Utilisons le tâtonnement expérimental…… c'est ainsi que les savoirs se créent et passent des essais aux vérités……<br /> <br /> Conservons simplement nos valeurs…… (citoyenneté, laîcité, solidarité, sociales,…) à ne pas confondre avec nos savoirs……<br /> <br /> Tout cela confèrera du sens à notre système éducatif.
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F
Bonjour... Je passais par là, il se trouve que je suis moins sévère que toi sur le numéro du Monde de l'Education (cf mon blog, il y a un premier billet). C'est un journal d'information, de réflexion... et non un manifeste pédagogique... Il me semble que si l'on veut évoluer et faire évoluer le système éducatif, c'est en grande partie par la question du sens à donner à toute cette organisation: autrement dit, que doit-on enseigner à l'heure de la net génération (cf article de l'INRP de 2006 cité dans mon blog), et comment doit-on l'enseigner ? La référence aux pères fondateurs (Ferry et surtout, je suis d'accord Jean ZAy) est nécessaire, elle est complétée par de nouvelles pistes qui prennent en compte (il me semble) les nouvelles donnes auxquelles nous sommes confrontés dans nos classes...Le débat n'est pas clos, les propositions ne sont pas formulées (mais c'est au politique de le faire - or c'est un désert pour le moment à part du côté de Sarkhozy qui veut faire jouer la concurrence entre établissements pour sauver le système)
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